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Elanco & Proplan

28 janvier 2022

Capnocytophaga : peu de cas humains en France, heureusement…

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Un peu moins de la moitié des cas humains d'infection à Capnocytophaga détectés en France entre 2009 et 2018 ne sont pas associés à des morsures. Ces bactéries commensales de la cavité buccale des chiens et chats peuvent aussi provoquer une infection par simple léchage… (cliché Pixabay).
Un peu moins de la moitié des cas humains d'infection à Capnocytophaga détectés en France entre 2009 et 2018 ne sont pas associés à des morsures. Ces bactéries commensales de la cavité buccale des chiens et chats peuvent aussi provoquer une infection par simple léchage… (cliché Pixabay).
 

Avec 44 cas identifiés en France sur 10 ans, les infections humaines à Capnocytophaga sont heureusement rares — car elles sont sévères. C'est ce qui ressort de French CANCAN, une étude observationnelle multicentrique rétrospective, publiée ce mois de janvier par un large éventail d'infectiologues et microbiologistes hospitaliers.

Cave canimorsus

Plusieurs espèces de Capnocytophaga sont des commensaux de la cavité buccale des chiens ou des chats : C. canimorsus, C. cynodegmi, C. canis, C. stomatis et C. felis. Les quatre premières espèces sont zoonotiques, à l'occasion pour l'essentiel de morsures de chiens, mais aussi de léchage, voire dans certains cas sans contact documenté. Lorsqu'il s'agit de C. cynodegmi, C. canis ou C. stomatis, la littérature rapporte une rare sévérité des infections. En revanche, avec C. canimorsus, l'infection est fréquemment sévère (choc septique) « et létale dans environ 30 % des cas ». Pour « connaître l'épidémiologie des trois de ces espèces zoonotiques en France », les auteurs ont donc lancé l'étude French CANCAN (pour CApNocytophaga CANimorsus, bien sûr).

Des cas dans 10 régions

Pilotée par le CHU de Brest, l'étude a rassemblé les données de 21 laboratoires de microbiologie hospitalière de France métropolitaine, pour « tous les patients détectés infectés par C. canimorsus, C. cynodegmi ou C. canis entre janvier 2009 et décembre 2018 ». Ils en ont obtenu 44, répartis dans 15 des laboratoires de microbiologie participants, représentant 10 des régions métropolitaines. C'est faible au regard de l'estimation récente de 795 000 morsures de chiens et 3 048 000 morsures de chats par an en France. Mais cela représente « la plus grande série de cas d'infections zoonotiques à Capnocytophaga au monde ». Dans le cas présent, C. canimorsus de taille la part du lion avec 41 des 44 cas, les trois restants étant liés à C. cynodegmi. Les auteurs observent un nombre de cas x 2,5 entre la période 2009-2013 (n=12) et celle de 2014 à 2018 (n=32), en lien probable ave l'amélioration des méthodes de culture et d'identification bactérienne (généralisation du Maldi-Tof et du séquençage de l'ADN de l'ARN16S).

Contact animal

Les patients sont pour deux tiers d'entre eux âgés de plus de 50 ans (la dispersion des âges va de 16 à 94 ans) et il y a 2,5 fois plus d'hommes que de femmes atteints. Pour 94 % de ces patients, il y avait un commémoratif de contact avec un chien ou un chat. Pour la moitié des cas (51 %), il y avait eu une morsure de chien (et dans 82 % des cas un contact avec un chien). Seuls 12 % des cas sont associés à un contact avec un chat. Pour deux des cas, aucun contact animal n'était retracé dans l'historique du patient. Lorsqu'il y avait eu léchage, toutes les infections étaient liées à C. canimorsus ; les trois cas à C. cynodegmi étaient liés à des morsures (2 chiens et 1 chat).

Létalité de 11 %

La durée moyenne de 12 jours entre ce contact et l'apparition des signes cliniques. Les types d'infection étaient :

  • bactériémie (88 % des cas), dont un tiers ayant développé un choc septique. Certaines de ces bactériémies étaient associées à une méningite (1 cas sur 5) ou endocardite (5 % des cas) ;
  • infection cutanée et des tissus mous (29 %) ;
  • ou Infection ostéoarticulaire (15 %), la première forme pouvant être associée à l'une ou l'autre.

Conformément à la littérature, aucune des trois infections à C. cynodegmi n'était associée à une bactériémie. En revanche, les infections à C. capnocytophaga ont conduit à 4 décès et 3 amputations. Tous les autres cas ont guéri sans séquelles. En effet, toutes les souches issues de ces cas se sont révélées sensibles à l'association amoxicilline-acide clavulanique (traitement reçu par un quart des patients, de nombreux autres antibiotiques appropriés étant prescrits), mais aussi aux céphalosporines de 3e génération, fluoroquinolones… Toutefois, pour trois patients, il n'a pas été mis en œuvre d'antibiothérapie en début d'infection (ils ont présenté une bactériémie et deux d'entre eux sont décédés).

Comorbidités

Deux facteurs de risque de l'infection à Capnocytophaga sont décrits dans la littérature : la splénectomie et l'alcoolisme. Ils se vérifient dans la présente étude : 37,5 % des patients présentaient une addiction à l'alcool et 24,4 % avaient subi une splénectomie (58 % des patients étaient également fumeurs). Méningite et amputation étaient plus fréquents chez les premiers. En outre, 12,5 % étaient diabétiques (type I) et 5 % sous traitement immunosuppresseur. Seuls 21 % des patients ne présentaient pas de facteur de risque connu. Au final, le patient à risque d'infection par Capnocytophaga est « un homme de plus de 50 ans, fumeur et buveur chronique ».

Etude prospective

Pour les auteurs, le nombre de cas réels d'infection est probablement supérieur aux chiffres présentés ici car :

  • la mise en évidence de ces bactéries est délicate (la culture prend de 3 à 5 jours) ;
  • elles sont sensibles aux classes d'antibiotiques habituellement prescrites pour prévenir les infections liées à des morsures.

Ils en appellent à la constitution d'une étude prospective internationale, avec « établissement d'une collection de souches, pour mieux comprendre cette zoonose rare mais sévère ».