titre_lefil
logo_elanco

28 mai 2021

France : la fréquence des morsures de chats très fortement sous-estimée

par Vincent Dedet

Temps de lecture  3 min

Les résultats de l'enquête sur les morsures de chiens et de chats en France sont les premiers pour l'espèce féline à avoir une portée nationale, et montrent que le premier animal de compagnie est également celui qui mord le plus souvent (son maître). Illustrations : LeFil, DR.
Les résultats de l'enquête sur les morsures de chiens et de chats en France sont les premiers pour l'espèce féline à avoir une portée nationale, et montrent que le premier animal de compagnie est également celui qui mord le plus souvent (son maître). Illustrations : LeFil, DR.
 

En moyenne, un Français sur dix a été mordu par un chien ou par un chat au cours des 5 dernières années, estime une enquête réalisée par les épidémiologistes de l'Anses et de l'ENVA et présentée ce 21 mai lors des journées scientifiques de l'Association pour l'étude de l'épidémiologie animale (AEEMA) par Guillaume Crozet (laboratoire de santé animale Anses-ENV d'Alfort). Cela correspond à un peu moins de 4 millions de morsures par an – nettement au-dessus des chiffres de la surveillance mordeur… Cet accident est donc « très fréquent et probablement actuellement encore sous-estimé, notamment pour les morsures de chats », plus de trois fois plus nombreuses que celles de chiens.

Enquête en ligne

La dernière évaluation du nombre de morsures en France remontait à 1992, et ne concernait alors que les chiens. Elle estimait cette incidence à 0,37 morsure par 1 000 personnes par an. La présente enquête a été réalisée en ligne sur 2019-2020, via les réseaux sociaux (ce qui se traduit par une faible participation des personnes de plus de 60 ans), et ne prenait en compte que les morsures ayant induit une effraction cutanée (pas un pincement). Elle a obtenu 2 384 réponses dont 2 336 ont pu être incluses dans l'analyse. Au bilan sur les 5 dernières années :

  • 3,8 % des répondants ont été mordus au moins une fois par un chien (intervalle de confiance à 95 % : 2,9 à 4,9 %). Cela correspond à 12,3 morsures par 1 000 personne et par an (IC à 95 % : 6,7 à 11,9) – soit 795 000 morsures de chien par an à l'échelle de la France. C'est aussi plus de 30 fois supérieur à l'estimation de 1992 ;
  • 9,1 % des répondants ont été mordus au moins une fois par un chat (IC à 95 % : 7,4 à 11,2 %). Cela correspond à 47,1 morsures par 1 000 personne et par an (IC à 95 % : 34,8 à 59,3) – soit 3 048 000 morsures de chat par an.

Dans les deux cas, seul un répondant sur cinq déclarait une visite vétérinaire pour animal mordeur : 21,6 % lors de morsure canine et 18,3 % lors de morsure féline. Loin de la seule estimation nationale disponible à partir des données des DDPP, datant de 2007 et évaluant le nombre de morsures à 10 000/an.

Mordeurs connus

Pour les chiens, le contexte de la morsure est assez équilibré, avec environ un tiers des chiens ayant mordu leur propriétaire (32,5 %), un tiers des chiens mordeurs étant connus de la personne mordue (35,8 %) et un tiers des cas par un chien inconnu (36,0 %). Pour les chats, la proportion de morsures par l'animal du foyer est nettement plus élevée (62,4 %) et un peu plus du quart des morsures infligées par un chat connu (28,1 %). Restent 12 % de morsures par un chat inconnu. Les morsures de chats étant plus fréquentes que celles de chien, au total « dans plus de 80 % des cas [la morsure] est le fait d'un animal connu de la personne mordue ».

Peu de consultations

Les morsures canines donnent lieu significativement plus souvent à une consultation médicale (17,0 %) que les morsures félines (3,7 %). Ce qui fait au total que seules 7,3 % des personnes mordues ont consulté un médecin, généraliste ou à l'hôpital. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette différence : en premier lieu la localisation des morsures, la littérature indiquant que les morsures de chats sont avant tout infligées sur les membres alors que celles de chiens peuvent atteindre le thorax, le cou ou la face et nécessiter une intervention plus rapide. Le format des chiens peut intervenir aussi, une morsure par un chien de grande taille pouvant provoquer des lésions plus étendues. Il reste que les enquêtes reposant sur les morsures identifiées à l'hôpital sous-estiment très fortement la fréquence de l'événement.

Facteurs de risque

Les analyses de ces chiffres par les modèles multivariés ne réservent, elles, pas de surprise. Les principaux facteurs de sur-risque de morsure dans les 5 dernières années sont :

  • le fait de posséder un chien (sur-risque quadruplé) ;
  • le fait de posséder un chat (sur-risque triplé) ;
  • le fait d'être vétérinaire (sur-risque triplé pour les morsures de chiens, quadruplé pour celles de chats) ;
  • et le fait d'être étudiant (sur-risque x 2 pour les morsures de chat).
  • A noter que le fait de posséder un chien et un chat est protecteur au regard de la morsure par un chat, sans qu'il soit avancé d'explication pour cette observation.

« De telles données peuvent donc inciter à réfléchir sur les modalités de gestion et de prévention des morsures de carnivores domestiques, qui restent un problème de santé publique », conclut Guillaume Crozet, avec ses co-auteures.