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24 août 2020

Covid-19. Les vétérinaires ont conservé 80 % de leur chiffre d'affaires pendant le confinement, selon l'Insee

par Eric Vandaële

Temps de lecture  5 min

Un chiffre d'affaires en chute de 20 % pendant le confinement
Entre janvier et mai 2020, le chiffre d'affaires des vétérinaires n'a baissé que de moins de 0,5 % par rapport à la même période de 2019, grâce à des pertes réduites à moins de 20 % de chiffre d'affaires pendant la période de confinement et à une croissance moyenne de 6,5 % sur janvier, février et mai. Figure LeFil selon des données de l'Insee.
Un chiffre d'affaires en chute de 20 % pendant le confinement
Entre janvier et mai 2020, le chiffre d'affaires des vétérinaires n'a baissé que de moins de 0,5 % par rapport à la même période de 2019, grâce à des pertes réduites à moins de 20 % de chiffre d'affaires pendant la période de confinement et à une croissance moyenne de 6,5 % sur janvier, février et mai. Figure LeFil selon des données de l'Insee.
 

Qui se trompe ? L'Insee ou les enquêtes d'opinion ?

Les enquêtes auprès des vétérinaires ont toutes montré une très forte chute de l'activité des vétérinaires — canins surtout — pendant la période de confinement, de la mi-mars à la fin avril. Les rendez-vous sont annulés. Les vaccinations reportées. Le personnel salarié mis en chômage partiel. Les ventes au comptoir sont réduites aux besoins les plus urgents… Même si la permanence et la continuité des soins ont bien évidemment toujours été assurées, il apparaît, à l'évidence, que l'activité vétérinaire a été bien réduite entre le 16 mars et le 30 avril (voir les Fil du 21 avril, du 24 avril et du 6 mai).

Des pertes économiques abyssales selon les enquêtes

La première enquête de l'Ordre des vétérinaires, à laquelle près de 1800 praticiens ont répondu fin avril, fait craindre des pertes économiques abyssales.

  • Les trois quarts des confrères déclarent des chutes de chiffre d'affaires de plus de 50 % en avril.
  • Pour plus d'un quart d'entre eux, ces pertes dépassent les 75 % de chiffre d'affaires et environ 5 % ne déclarent plus aucun chiffre d'affaires entre le 16 mars et le 30 avril.
  • Pour le mois d'avril, au plus fort du confinement, seulement 2 à 3 % des praticiens canins estiment que la perte de chiffre d'affaires est inférieure à 25 %.

Un chiffre d'affaires en recul de 0,5 % seulement de janvier à mai 2020

Mais la statistique officielle, celle de l'Insee, vient brusquement contredire ces estimations moroses. Certes, les vétérinaires ne font évidemment pas partie des rares activités, comme l'e-commerce, qui ont pu profiter du confinement pour accélérer leurs ventes. Néanmoins, selon l'Insee, les structures vétérinaires ne semblent pas avoir trop souffert de la période de confinement, tout du moins en termes de chiffre d'affaires (en valeur) ou de production (en volume d'activités).

  • En mars, le chiffre d'affaires a baissé de 11 % par rapport au mois précédent de février et de 7 % (seulement ?) par rapport à mars 2019.
  • En avril, un mois complet de confinement, il a chuté de 18 % par rapport à février 2020 et de 14,3 % par rapport à avril 2019. Le chiffre d'affaires d'avril 2020 est descendu à son niveau de 2015, un recul de cinq ans en arrière.

Enfin, le mois de mai marque un léger rattrapage avec une hausse de 8 % du chiffre d'affaires par rapport à mai 2019 ou de 3-4 % par rapport à janvier-février 2020. Ce mois de mai 2020 est d'ailleurs le meilleur jamais observé par l'Insee en termes de chiffres d'affaires. Mais le précédent record datait de mois de… janvier dernier. L'activité vétérinaire progresse de 3 à 5 % par an depuis au moins dix ans. Ce record de mois de mai sera donc probablement dépassé en 2020 ou 2021. Les indicateurs des mois de juin et de juillet ne sont pas encore connus.

Au final, sur les cinq premiers mois de l'année 2020, le recul en chiffres d'affaires (en valeur) n'est que de 0,5 % par rapport aux cinq premiers mois de 2019. Car, par rapport à 2019, les hausses de chiffres d'affaires des mois de janvier (+7,7 %), février (+3,4 %) et mai (+8,3 %) compensent les pertes de mars (-6,9 %) et d'avril (-14,3 %). Sur l'indice Insee de la production des vétérinaires (en volumes), il est même observé une petite croissance de 0,5 % sur les cinq premiers mois de 2020 par rapport à 2019.

Les statistiques de l'Insee sont-elles fiables ? Oui elles sont exhaustives !

Ces chiffres officiels de l'Insee sont tellement surprenants par rapport aux enquêtes déclaratives de quelques dizaines ou centaines de praticiens qu'il est légitime de se poser la question de leur fiabilité. Certaines statistiques de l'Insee, comme les indices des prix, reposent d'ailleurs sur des panels dits représentatifs qui, chez les vétérinaires, n'incluent que quelques dizaines de structures…

Mais les indicateurs de l'Insee sur les chiffres d'affaires et le volume d'activité ne rentrent pas dans cette catégorie. Ils reposent sur les déclarations fiscales mensuelles pour le paiement de la TVA. Jusqu'en 2015, seul un échantillon de 160 000 entreprises (toutes activités confondues) était conservé pour construire ces indices. Depuis 2016, les déclarations mensuelles de toutes les entreprises sont exploitées. Les indicateurs de l'Insee ne sont pas seulement fiables, ils sont exhaustifs !

L'Insee inclut aussi les chiffres d'affaires des vétérinaires ruraux

Comment expliquer alors un tel écart entre les déclarations des praticiens dans les enquêtes d'opinion et ces données exhaustives traitées par l'Insee ?

Une explication porte sur le périmètre des activités vétérinaires suivies par l'Insee par rapport aux confrères qui répondent aux enquêtes. Les déclarations fiscales analysées par l'Insee sont bien celles de — toutes — les structures vétérinaires (selon leur code NAF). Elles incluent donc toutes les cliniques canines ainsi toutes les structures vétérinaires mixtes, rurales ou spécialisées dans les filières hors-sol. L'impact du covid-19 n'a évidemment pas été le même pour toutes ces filières. L'activité canine a été bien davantage impactée que celle en productions animales. La plupart des sondages ne s'intéressent qu'aux praticiens canins qui ont été aussi les plus affectés.

Toutefois, les enquêtes de l'Ordre des vétérinaires sont ouvertes à tous les confrères qui veulent bien y répondre. Sur les 1764 répondants, un quart sont des vétérinaires mixtes (ou ruraux) et les deux tiers exercent exclusivement en « canine ».

Une seconde explication, très partielle, peut être suggérée. Chaque année, la profession vétérinaire s'enrichit de 1 à 2 % de praticiens supplémentaires, qui principalement, s'orientent vers la canine. L'indice produit par l'Insee sur le chiffre d'affaires n'est pas un indice par vétérinaire ou par clinique vétérinaire. Mais il globalise toutes les activités produites par tous les vétérinaires en exercice en France. Cette croissance démographique explique d'ailleurs en partie la croissance du chiffre d'affaires de 3 à 5 % par an constatée depuis au moins dix ans.

Anticiper le pire est normal. Mais le pire n'est jamais sûr…

Enfin, dernière explication toute personnelle, il ne peut pas non plus être exclu que la perception de la baisse d'activité en cette période de crise soit plus importante que la baisse réelle du chiffre d'affaires durant la période de confinement. D'autant que les factures sont parfois réglées tardivement par les clients venus consultés avant la mi-mars.

Finalement, anticiper le pire dans une période de crise sanitaire inédite est assez normal. Notre inquiétude sanitaire se transforme en inquiétude économique lorsque toute l'activité semble congelée. Mais le pire n'est jamais sûr… Et c'est tant mieux !