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21 avril 2020

Covid-19. Les praticiens canins français souffrent et résistent dans l'attente d'une amélioration de la situation

par Agnès Faessel

Temps de lecture  6 min

Réponses des vétérinaires canins français interrogés, début avril (n=109) versus mi-mars (n=133). Source : enquêtes CM Research.
Réponses des vétérinaires canins français interrogés, début avril (n=109) versus mi-mars (n=133). Source : enquêtes CM Research.
 

L'activité des vétérinaires en France est évidemment très affectée par la crise du Covid-19. Celle des « canins » sans doute plus que les ruraux et mixtes. Interrogés début avril dans le cadre d'une enquête multi-pays, ils déclarent tous subir désormais une baisse de leurs recettes.

« Comprendre pour s'adapter »

L'objectif de cette enquête internationale, publiée en libre accès par l'Institut CM Research sur son site, est d'évaluer l'impact de la pandémie sur l'activité des vétérinaires : « comprendre comment les choses changent pour les praticiens, et les conseiller sur la manière de s'adapter à ces nouveaux défis ».

Ce travail est voué à être renouvelé « toutes les 2 à 3 semaines » : une première enquête (wave 1) a été effectuée mi-mars, dans 5 pays d'Europe (France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne), ainsi qu'aux USA et en Australie. La seconde (wave 2) s'est déroulée entre le 27 mars et le 2 avril dans les 7 mêmes pays (les rapports, en anglais, sont téléchargeables à la rubrique 'En savoir plus').

Le questionnaire s'articule en 6 parties :

  1. Le changement de comportement des clients,
  2. Les modifications mises en place dans les cabinets et cliniques,
  3. L'impact fonctionnel et économique de la pandémie,
  4. Les aides reçues et espérées,
  5. Les sources d'informations,
  6. Les projections sur la situation à venir.

Ce Fil présente les réponses des 109 vétérinaires français interrogés (133 dans la première enquête), libéraux et salariés, tous d'activité animaux de compagnie et travaillant dans diverses tailles ou types de structures. Un prochain Fil s'intéressera à la situation comparative des autres pays.

Une baisse des recettes désormais générale

Début avril, les risques que représente l'épidémie pour eux-mêmes inquiètent davantage les praticiens canins français que trois semaines auparavant (mi-mars). La proportion des confrères s'estimant « extrêmement » ou « assez » concernés par ces risques évolue en effet de 45 à 65 %.

Au plan professionnel en revanche, les conséquences de la crise étaient déjà fortement redoutées, et elles le restent : 81 % des répondants s'estiment « extrêmement » ou « assez » préoccupés, contre 78 % dans la première enquête, menée juste avant le confinement et le maintien des activités aux seuls cas ne pouvant pas être reportés.

Et ils sont désormais 100 % à constater une baisse des recettes dans la semaine écoulée. Mi-mars, une telle diminution ne touchait que 41 % des structures. La moitié (51 %) n'avait pas subi de changement et 8 % avait même constaté une augmentation (sans doute en lien avec le démarrage des fortes ventes d'aliments et autres produits stockés par des propriétaires inquiets de manquer, voir ci-après l'évolution du comportement des clients).

« La situation va encore s'aggraver », mais moins qu'avant

Un léger optimiste commence toutefois à s'amorcer quant à l'évolution de la situation (professionnellement) dans les semaines à venir. Une aggravation est en effet attendue pour la grande majorité des vétérinaires (87 %), mais elle sera importante pour 42 % (vs 65 % précédemment) et seulement modérée pour 45 % (vs 28 %, voir graphique en illustration principale).

7 % des cabinets et cliniques ont fermé

Quelles mesures ont-elles été prises ? Sans surprise et confinement oblige, les plus gros changements, depuis mi-mars, sont la généralisation des mesures de limitation de la venue des clients (visites sur rendez-vous, report des actes non urgents, etc.) et de prévention de la contamination (vêtements de protection, lavage des mains, etc., voir graphique ci-dessous). Plus de la moitié des vétérinaires (56 %) demande que le propriétaire lui confie son animal pour les soins et attende dehors.

Plus aucune structure n'a rien mis en place (contre 9 % trois semaines avant).

Source : enquêtes CM Research.

 

Il est intéressant de constater que 7 % des vétérinaires ont fermé (sans doute si la maladie a touché un ou plusieurs membres de l'équipe). Et 28 % ont des collaborateurs en arrêt maladie (7 % avant).

Les informations et conseils donnés aux propriétaires, lors de leur visite ou sur le site Internet ou la page Facebook de la clinique, n'ont pas évolué en proportion.

Les cliniques sont désertées

Conséquence de ces mesures, la quasi-totalité des vétérinaires d'activité canine (99 %) constatent désormais une baisse de la fréquentation de leur établissement. Ils étaient déjà 48 % à l'observer mi-mars. Mais alors, 45 % n'avaient pas vécu de changement. Et 8 % rapportaient une augmentation, ce qui concorde avec la proportion de confrères relevant une hausse de leurs recettes à cette période.

Logique également, le carnet de rendez-vous s'est vidé. Pour 80 % des cliniques au moins (contre 28 % trois semaines avant, voir graphique ci-dessous). 14 % recensent au contraire un plus grand nombre de rendez-vous clients. Mais il s'agit d'une évolution constatée par rapport à la semaine précédente. Donc il peut s'agir des structures qui proposaient habituellement des consultations sans rendez-vous, et/ou du retour des propriétaires pour des cas urgents (ou qui le sont devenus), et qui seraient venus plus vite consulter sans le confinement.

Source : enquêtes CM Research.

 

Stockage de médicaments et d'aliments

Le comportement des clients a, lui aussi, évolué. Le graphique ci-dessous présente ce qui est observé. Il s'y retrouve notamment les achats compulsifs de petfood et de traitements, ainsi que le respect des gestes barrières et la demande de mesures de protection : distanciation sociale, lavage des mains, port d'un masque, etc.

Source : enquêtes CM Research.

 

Les demandes d'informations et de conseils se tassent par comparaison à début mars. Les questions des propriétaires, qui portaient essentiellement sur le risque de transmission entre animaux et humains, ciblent davantage maintenant les mesures de prévention à suivre pour éviter l'infection (surtout pour leur animal mais aussi pour eux-mêmes). Il n'est pas rapporté (à la date de l'enquête) de demande pour « tester » les animaux. Davantage de vétérinaires rapportent par ailleurs la venue de personnes présentant des signes compatibles avec l'infection.

Satisfaction croissante des conseils reçus par la profession

Les principales sources d'information des vétérinaires sont :

  • les médias (presse spécialisée pour 76 %, presse grand public pour 54 % des répondants),
  • les instances gouvernementales (via les sites web nationaux pour 69 % et locaux pour 14 %),
  • les représentants de la profession (Ordre, syndicats, associations, etc. pour 62 %),
  • l'OMS (26 %),
  • les réseaux sociaux (27 %) et les confrères à la clinique (22 %).

En bonne proportion d'ailleurs, les praticiens français sont satisfaits de la qualité des conseils et des directives transmis par leurs représentants professionnels nationaux : 51 % sont satisfaits ou très satisfaits, en hausse de 14 points par rapport à la première enquête, contre 34 % d'insatisfaits ou très insatisfaits. Ils le sont moins de leurs dirigeants politiques (39 % de satisfaits et 40 % d'insatisfaits).

Côté fournisseurs : un effort financier et pas de rupture

Et qu'attendent les vétérinaires (les « canins » aux moins) de leurs fournisseurs ? Avant tout un effort financier : des facilités de paiement, pas d'augmentation de tarifs… Cette attente est en forte hausse dans les résultats de la seconde enquête (voir graphique ci-dessous).

Source : enquêtes CM Research.

 

L'autre volet essentiel concerne la chaîne d'approvisionnement des médicaments et autres produits avec des mesures pour anticiper les risques de ruptures et les éviter : augmenter la production, rationaliser les livraisons, informer sur l'état des stocks, etc.

Ces attentes des Français ne sont pas très différentes de celles des vétérinaires des autres pays. Un prochain Fil s'intéressera aux principales variations observées selon les pays.