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15 mai 2020

SARS-CoV-2 : plus de cas chez les chats, une nouvelle reproduction expérimentale de l'infection, et une meilleure description des chiens de Hong Kong

par Vincent Dedet

Temps de lecture  10 min

Dans une étude réalisée en laboratoire P3, des virologistes japonais viennent de confirmer qu'expérimentalement, le SARS-CoV-2 peut se transmettre par contact direct entre chats (illustration : université de Tokyo).
Dans une étude réalisée en laboratoire P3, des virologistes japonais viennent de confirmer qu'expérimentalement, le SARS-CoV-2 peut se transmettre par contact direct entre chats (illustration : université de Tokyo).
 

Le nombre de chats trouvés infectés dans des conditions “naturelles” continue d'augmenter et d'apparaître dans plusieurs pays européens. Ils ont tous en commun d'être liés à une contamination probable d'origine humaine. Dernier en date, en Bavière (Allemagne), le chat d'une résidente d'Ephad, décédée le 12 avril et trouvé infecté (asymptomatique) à la fin du mois.

Trois chats dans un Ephad

Le cas a été publié par une virologiste de la faculté vétérinaire de Hanovre (Allemagne) ce 13 mai (voir Promed avec le numéro d'archive 20200513.7332909). Il s'agit d'une chatte de 6 ans dont la maîtresse est décédée de la Covid-19 le 12 avril dernier ; l'épisode « est encore en cours » dans l'établissement, où vivaient aussi deux autres chats (une femelle de 15 ans et un mâle de 10 ans). Les trois chats étaient en liberté et « avaient des contacts avec tous les résidents, mais aucun n'a présenté de signes respiratoires ». Des écouvillons pharyngés ont été réalisés sur les trois chats et analysés en RT-PCR le 29 avril. Seule la chatte dont la maîtresse était décédée de Covid-19 a présenté un résultat (faiblement) positif. Les trois chats ont été isolés dans un local ; ils ont à nouveau fait l'objet d'un prélèvement le 4 mai. Les deux chats initialement négatifs le sont restés, tandis que « l'autre chat était alors clairement positif ». Ils ont donc été tous trois isolés « dans un local de quarantaine de l'université ». Au 6 mai, aucun n'avait présenté de signes respiratoire ; ils feront l'objet de prélèvements réguliers.

Signes cliniques « incidents »

Le 8 mai, c'était l'Espagne qui, via un communiqué de son association des vétérinaires spécialisés en médecine des petits animaux (AVEPA), annonçait “son” premier cas félin. L'animal présentait troubles respiratoire et une insuffisance cardiaque, et a été consulté à la faculté vétérinaire de Barcelone. Il a été euthanasié du fait de son état. L'autopsie a été réalisée au centre de recherche en santé animale (CReSA) de l'université de Barcelone. Elle a confirmé la pathologie cardiaque (cardiomyopathie hypertrophique), liée aux signes cliniques. Toutefois, le génome du SARS-CoV-2 a été détecté dans la muqueuse nasale et un ganglion mésentérique, avec une charge génomique très faible. C'est considéré « comme une découverte incidente, et non la cause des signes cliniques de l'animal ». L'animal est malgré tout présenté comme un cas d'infection.

France : 2

Avec ses deux cas, la France rejoint l'état de New York en tête de ce challenge morbide. Le premier cas français a été publié lui aussi via un courriel envoyé à Promed (voir avec le numéro d'archive 20200501.7289409). Les propriétaires de plusieurs chats (nombre total non précisé) ont été « suspects d'être atteints de Covid-19 ». Des « écouvillons nasopharyngés et rectaux ont été réalisés » sur chacun des deux animaux, et soumis à qRT-PCR (2 gènes du virus). L'un des chats a été trouvé positif à partir de l'écouvillon rectal, « et ce résultat a été confirmé par le centre collaborateur de l'OIE à l'Institut Pasteur ». L'animal « présentait des signes respiratoires et digestifs légers », et l'écouvillon nasopharyngé était négatif. L'origine « probable » de son infection est « ses propriétaires ». Le communiqué relatif au second cas a été publié le 12 mai par l'école nationale vétérinaire de Toulouse. L'animal est originaire de Bordeaux et « comme pour des cas précédemment identifiés dans le monde, [il] vivait avec des personnes fortement suspectes d'avoir contracté le Covid-19 ». Au plan de la symptomatologie et du diagnostic, « le chat prélevé était atteint de troubles respiratoires et a été examiné à plusieurs reprises par un vétérinaire praticien. La toux persistait malgré le traitement anti-infectieux et antiinflammatoire. La recherche de virus s'est avérée positive à partir d'un prélèvement naso-pharyngé par un premier test qRT-PCR ciblant le gène E du SARS-CoV-2, puis confirmé par un deuxième test PCR ciblant le gène RdRp (cibles IP2 et IP4) du virus. Les écouvillons rectaux de cet animal ont été testés négatifs. D'autres analyses sont en cours au laboratoire IHAP pour caractériser le virus ». Le communiqué précise aussi qu'une « enquête sérologique multicentrique est également en construction pour mieux évaluer, a posteriori, la circulation du virus chez les chat ».

New York : 2 (hors zoo)

Le 22 avril, l'agence de santé animale américaine (APHIS) avait en effet annoncé d'emblée deux chats de compagnie positifs pour le SARS-CoV-2. Ils vivent « dans deux lieux différents de l'état de New York, ont présenté des signes respiratoires modérés et devraient guérir complètement ». L'APHIS indique que « le diagnostic de routine sur les animaux n'est pas actuellement recommandé ». Toutefois, le vétérinaire « a fait réaliser le test sur le premier chat du fait des signes cliniques, [bien que] personne dans son foyer n'ait été confirmé comme atteint de Covid-19. Le virus a pu lui être transmis par une personne de son foyer qui était a- ou paucisymptomatique ou par contact avec une personne infectée à l'extérieur du domicile ». Le second chat appartient à une personne confirmée infectée avant l'apparition des signes cliniques sur l'animal « alors qu'un second chat dans ce foyer n'a présenté aucun signe de maladie ». Les premières analyses étant positives, le laboratoire de diagnostic a déclaré les cas aux services vétérinaires fédéraux, qui ont pris en charge les tests de confirmation au laboratoire vétérinaire fédéral « et a inclus des échantillons supplémentaires ». Une semaine plus tard, la déclaration d'APHIS à l'OIE précisait que les cas confirmés dataient du 1er et du 6 avril. Elle détaille que « les signes cliniques incluaient éternuements et écoulement nasal. Des échantillons prélevés sur les chats ont été soumis à une PCR pour le SARS-CoV-2 suite à l'obtention de résultats négatifs pour d'autres pathogènes respiratoires. L'un des chats provient d'un ménage comportant deux chats et une personne dont on sait qu'elle est atteinte par la COVID-19 ; l'autre chat provient d'un ménage dans un quartier atteint et il est autorisé à aller dehors. Le SARS-CoV-2 a été confirmé dans des échantillons basés sur des tests moléculaires (PCR et séquençage) d'échantillons provenant du laboratoire de test initial et dans des échantillons de suivi obtenus directement. On s'attend à ce que les deux chats se rétablissent complètement ; les tests effectués sur les échantillons de suivi indiquent que les deux animaux sont en voie de guérison de l'infection ».

Japon : transmission par contact

Du côté de l'expérimental, une étude japonaise publiée en libre accès ce 13 mai dans le New England Journal of Medicine décrit la transmission du SARS-CoV-2 entre chats. Les auteurs ont inoculé trois jeunes chats (2 femelles de 15 semaines d'âge et un mâle de 18 semaines), sous anesthésie générale. Trois voies d'inoculation ont été utilisées sur chaque animal : intranasale (2 narines), oculaire (2 yeux), orale et trachéale. L'inoculum total représente 5,2 105 UFP. Ces chats ont fait l'objet d'écouvillons nasaux et oraux quotidiens. Le lendemain de l'inoculation, un chat indemne de même sexe et âge que celui avec lequel il serait apparié était introduit dans la même cage (contact direct). Tous les chats ont été trouvés excréteurs par voie nasale, y compris les contacts, pour des durées comparables, mais les chats contacts présentaient une charge virale supérieure au pic d'excrétion à celle des chats inoculés (voir le tableau ci-dessous). Aucun écouvillon rectal n'a fourni de résultat positif. Aucun animal n'a présenté de signes cliniques (pas d'hyperthermie ni perte de poids ni même conjonctivite. Ils avaient tous séroconverti (IgG) à 24 jours post-inoculation (même les contacts). Il s'agit de la seconde expérience rapportant une transmission inter-individuelle chez des chats. Celle-ci a été réalisée dans des conditions mieux décrites et probablement mieux contrôlées que l'étude chinoise publiée en avril.

Durée et importance de l'excrétion nasale de SARS-CoV-2 chez les trois paires de chats lors de l'inoculation réalisée à l'université de Tokyo (Japon) en laboratoire P3 (LeFil, d'après Halfmann et coll., 2020).

Ces données sont en contradiction apparente avec les observations réalisées en Allemagne et aux USA, en conditions “naturelles”, pour le moment.

Chiens de Hong Kong

Enfin, le 13 mai a également été publié en détail le cas des deux chiens identifiés comme infectés à Hong Kong entre fin février et fin mar. L'article, signé des virologistes de l'université de la péninsule, paraît dans Nature. Ces deux chiens sont les seuls, parmi 15 chiens confiés aux service de quarantaine portuaire de Hong Kong après avoir vécu leur confinement en compagnie de maîtres malades, à avoir été trouvés positifs.

Le premier chien (Spitz de 17 ans) présentait plusieurs comorbidités dont un souffle de stade 2, une maladie rénale chronique, de l'hypertension pulmonaire, hypothyroïdie et hyperadrénocorticisme. Transféré à la quarantaine le 26 février, il a été testé positif en RT-PCR sur les prélèvements nasaux et oraux effectués le 26 et le 28 février. Il est testé faiblement positif en RT-PCR sur les prélèvements nasaux les 1, 3,5 et 9 mars (de 7,5 102 à 2,6 104 copies de génome/ml), puis négatif les 11 et 13 mars (il décède peu après avoir été rendu à sa propriétaire). Les écouvillons rectaux et prélèvement de fèces réalisés sur ce séjour ont toujours été négatifs. Sur la période de séjour en quarantaine, le chien était « vigile et alerte » sans signes cliniques attribuables à une infection virale. L'isolement viral a échoué, ce qui, notent les auteurs, est attendu pour les prélèvements présentant une charge génomique < 106 copies de génome/ml. Un prélèvement de sérum datant du 3 mars était positif en vironeutralisation (1/80). Le séquençage du virus présent dans les deux premiers écouvillons nasaux a été réussi (93 et 94 % du génome total), et comparé aux séquences obtenues de la propriétaire et d'un cas secondaire (humain) survenu chez elle avant son hospitalisation ; ils sont identiques.
Le second chien (berger allemand de 2,5 ans) est transféré à la quarantaine le 18 mars, et a été testé positif en RT-PCR sur les prélèvements nasaux et oraux effectués les 18 et 19 mars, puis négatif les 20, 23, 25 et 30 mars. L'écouvillon rectal réalisé le 18 mars a été trouvé positif en RT-PCR avec une charge génomique plus faible que le prélèvement nasal. Du 19 au 30 mars, le titre sérologique de l'animal est passé de 1/10 à 1/160. Le chien qui vivait en sa compagnie et qui a été placé en quarantaine en même temps est resté négatifs pendant toute la période (virologiquement et sérologiquement). Le séquençage du virus présent dans les deux premiers écouvillons nasaux a été réussi et trouvé identique à la séquence de l'isolat de la propriétaire. Ces virus étaient différents de ceux du foyer du premier cas canin.
Pris ensemble, ces éléments « sont en faveur d'une transmission de l'Homme au chien ». Aucun signe clinique n'a été observé chez les deux animaux et « il n'est pas connu si les chiens infectés sont capables de transmettre le virus à d'autres animaux ou à des humains ». Les auteurs indiquent aussi dans la discussion que l'hôte intermédiaire du SARS-CoV-2 se cache possiblement en pleine vue : « les chiens ou d'autres canidés peuvent être vendus ou présents en proche voisinage des marchés aux animaux sauvages vivants [en Chine], source présumée du franchissement initial de la barrière d'espèce par le SARS-CoV-2. Ils devraient faire l'objet d'un dépistage dans les investigations liées à l'origine du virus, pour déterminer s'ils ont joué un rôle dans cet événement ».