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25 juin 2019

La télémédecine, mode d'emploi : les médecins disposent désormais d'un guide de bonnes pratiques des consultations à distance

par Agnès Faessel

Temps de lecture  9 min

Une fiche d'information pédagogique destinée aux patients est élaborée par la HAS en soutien du dialogue nécessaire entre le médecin et le patient pour recueillir son adhésion à la démarche de téléconsultation.
Une fiche d'information pédagogique destinée aux patients est élaborée par la HAS en soutien du dialogue nécessaire entre le médecin et le patient pour recueillir son adhésion à la démarche de téléconsultation.
 

Comment faire de la télémédecine de qualité, et en toute sécurité ? En médecine humaine, la Haute autorité de santé (HAS) a adopté mi-mai un guide de bonnes pratiques. Publié il y a quelques jours, le 20 juin, ce guide est assorti de divers outils : fiche d'information du patient, évaluation des pratiques… Tous ces documents sont téléchargeables à partir du site internet de la HAS.

Qualité et sécurité « équivalentes à un acte en présentiel »

Ces règles de bonnes pratiques sont une nouvelle étape pour favoriser le déploiement opérationnel de la télémédecine en France. Les précédentes avaient défini les 5 actes de télémédecine (téléconsultation, téléexpertise, télésurveillance, téléassistance, réponse médicale dans le cadre des urgences), puis les conditions autorisant la réalisation de certains d'entre eux. Les avancées concernent en premier lieu les consultations à distance – désormais remboursées par l'assurance maladie depuis septembre dernier – et la téléexpertise (lorsqu'un professionnel sollicite à distance l'avis d'un autre professionnel). Le nouveau guide de bonnes pratiques concerne ainsi exclusivement ces deux domaines, avec un focus particulier sur la téléimagerie.

Ces bonnes pratiques ciblent toutefois tous les actes de téléconsultation et de téléexpertise, « réalisés en ville, établissements de santé, établissements sociaux et médico-sociaux, domicile des patients, en exercice libéral ou salarié », y compris ceux qui ne sont pas éligibles au remboursement par l'assurance maladie.

Dans le communiqué qui accompagne leur diffusion, la HAS explique que la télémédecine « est une modalité d'exercice médical comme une autre qui doit avoir un niveau de qualité et de sécurité équivalent à un acte en présentiel ». L'objectif est en effet de faciliter l'accès aux soins pour tous, en particulier bien sûr dans les déserts médicaux mais pas seulement. Les actes de télémédecine répondent ainsi aux mêmes exigences que l'exercice en présentiel, notamment en termes de déontologie et de standards de pratiques.

Pour les vétérinaires, la télémédecine est une des priorités de l'Ordre des vétérinaires. Une évolution du Code rural est envisagée. Les conditions de la réalisation d'actes à distance — surtout la téléconsultation — et l'encadrement de telles pratiques sont donc en cours de réflexions (voir aussi LeFil du 21 janvier 2019 et celui du 18 mars 2019).

Avant, pendant et après

Le guide HAS des bonnes pratiques de téléconsultation et de téléexpertise est un document didactique d'une trentaine de pages, qui rappelle les prérequis de ces actes de télémédecine (organisation, locaux et matériel, protection des données personnelles, etc.) avant d'aborder leur « mode d'emploi » : avant (avec les règles à respecter en amont), pendant (déroulement) et après (compte-rendu).

Il est efficacement synthétisé dans un court mémo de 7 pages.

Anticiper une perte du réseau internet

Parmi les prérequis figure par exemple de disposer d'outils de communication adaptés (vidéotransmission), ainsi que d'outils informatiques pour l'échange, le partage et le stockage des données (messagerie, plateforme d'échange sécurisées). Il faut évidemment savoir se servir de ce matériel… Et il faut aussi avoir prévu les modalités de travail « en mode dégradé » : en cas de rupture de la connexion internet, si une prise en charge en urgence du patient est nécessaire, etc.

La protection et la sécurité des données personnelles doivent également être assurées. Les mesures portent sur la sécurité des données numériques (utiliser un hébergeur agréé ou certifié, par exemple), mais aussi sur celles des locaux avec la protection de leur accès, une bonne gestion des habilitations, etc.

Pas d'annonce à distance d'un mauvais pronostic

En amont d'une téléconsultation, le consentement du patient doit être obtenu, ce qui impose une bonne information de ses modalités pratiques, des alternatives possibles, des aspects liés à la confidentialité et la protection des données, du coût, etc. Une notice d'information est à la disposition des praticiens (voir ci-après et l'image en illustration).

La téléconsultation est également appréciée au préalable comme pertinente par le médecin qui va la réaliser. Consulter à distance doit être adapté à la situation clinique du patient, ce qui n'est pas le cas pour l'annonce d'un mauvais pronostic, par exemple.

Les données médicales du patient doivent être accessibles, et ce dernier doit être capable aussi de communiquer à distance, quitte à être assisté par une tierce personne (un professionnel de santé, un proche, un interprète).

Être attentif à sa posture

La consultation débute avec la localisation et l'identification du patient, afin de vérifier qu'il s'agit de la bonne personne et du bon dossier médical, et l'authentification du médecin.

Ensuite, celui-ci restera attentif à sa posture, « compte-tenu de la barrière liée à l'écran » : être à bonne distance de la caméra, ne pas sortir du champ… Il lui faudra aussi favoriser l'expression du patient, s'assurer de sa compréhension, veiller à ne pas être dérangé (sans doute encore plus qu'en présentiel). Chacun peut stopper la téléconsultation à tout moment. Sinon, celle-ci s'achève, « comme pour toute consultation », par les conclusions du médecin, les éventuelles prescriptions et l'orientation du patient pour la suite de sa prise en charge.

Le patient ne découvre pas seul les conclusions

Après, un compte-rendu de la consultation est élaboré et enregistré. Il est transmis au patient de manière sécurisé, accompagné des éventuels autres documents utiles (ordonnance, courrier de demande d'examen). Mais leur contenu est connu au préalable par la personne : « avant de pouvoir accéder au compte-rendu dans son dossier, le patient doit avoir été préalablement informé des conclusions de la téléconsultation et des suites de sa prise en charge, par le professionnel médical ayant réalisé l'acte ». Il ne les découvre pas.

Le compte-rendu peut aussi être envoyé au médecin traitant – c'est fortement conseillé – et aux autres professionnels impliqués dans la prise en charge de la personne.

Téléexpertise : focus sur l'imagerie médicale

Ces bonnes pratiques de téléconsultation se retrouvent pour partie dans celles de la téléexpertise : information et consentement du patient, pertinence de la réalisation par l'expert requis, élaboration et transmission d'un compte rendu. Mais la coordination reste du ressort du médecin requérant, qui transmet la demande et les informations nécessaires au professionnel requis, puis oriente le patient pour la suite de sa prise en charge.

Dans le cadre de la téléexpertise, un guide de bonnes pratiques spécifique et un mémo de synthèse (6 pages) sont consacrés à la téléimagerie : radiographie, scanner, IRM, scintigraphie, etc. (la télé-échographie est ici exclue). La téléimagerie regroupe deux types d'actes.

  • La réalisation d'un acte d'imagerie médicale avec interprétation à distance, pour laquelle l'imageur « analyse la demande d'examen, supervise la réalisation de l'acte, analyse les images et, parfois, identifie un besoin d'examen complémentaire ». Il comprend trois acteurs : l'imageur (à distance donc), le manipulateur (sur place) qui réalise l'examen et le médecin de proximité (sur place) qui prend en charge la patient en cas d'effet indésirable.
  • La téléexpertise sensu stricto, où l'expert imageur livre un avis sur un examen d'imagerie médicale.

Dialoguer avec son patient pour expliquer, rassurer

Ces guides et mémos sont destinés aux professionnels : « médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes ». Mais le consentement éclairé du patient est indispensable et essentiel. La HAS propose en complément une notice d'information pour les patients, à remettre avant la téléconsultation (ou téléexpertise), car « les informer en amont […] est primordial pour obtenir leur adhésion ». "Ma consultation médicale à distance" est une fiche pédagogique d'une page qui reprend les points à aborder avec le patient : les avantages de la télémédecine (éviter un déplacement, consulter plus rapidement…), l'équipement technique nécessaire (ordinateur connecté, webcam…), le déroulement de la consultation (notamment les éléments à prévoir à disposition), le paiement et le remboursement, les droits (consentement, secret médical, protection des données personnelles).

Cet « outil de dialogue » avec le patient vise aussi à le rassurer, permettre que le choix de la téléconsultation soit « réellement partagé ».

Il en existe une version incluant le rendez-vous (date, heure et lieu, nom du médecin, adresse de la plateforme de connexion, etc.).

Auto-évaluer ses pratiques autour d'un cas

Enfin, il apparaît nécessaire de s'assurer que les actes de télémédecine répondent aux attentes et aux besoins des patients. Un outil d'évaluation de la mise en œuvre de la téléconsultation ou de la téléexpertise est donc proposé par la HAS. Il s'appuie sur la « méthode du patient-traceur » : une méthode d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins qui « consiste à analyser de manière rétrospective, en équipe, le parcours de prise en charge d'un patient en comparant les pratiques réelles aux pratiques de référence puis de mettre en œuvre des actions d'amélioration ». Concrètement, la qualité de la prise en charge est étudiée à partir d'un cas réel, au travers d'entretiens menés avec le patient concerné, puis l'équipe pluri-professionnelle impliquée. Cette auto-évaluation s'effectue avec un patient choisi pour être du profil qui correspond à celui que l'on souhaite analyser, et consentant.

Pour l'évaluation de la téléconsultation, deux grilles sont incluses dans le document proposé (téléchargeable également),

  1. pour l'entretien avec le patient : une série de questions à lui poser, sur le contexte d'organisation de sa téléconsultation, son information, la communication établie avec le médecin, le suivi ;
  2. puis pour l'analyse en équipe : un plus long questionnaire en 4 parties sur toutes les étapes de la procédure (demande, préparation, réalisation, conclusion).

Une troisième grille est destinée à l'analyse en équipe d'une téléexpertise.

Ces grilles constituent des trames à adapter à la situation. Leur utilisation est facultative, et d'autres méthodes peuvent être utilisées au choix de l'équipe.