titre_lefil
logo_elanco

4 décembre 2018

Facile, rapide, efficace : la friction hydro-alcoolique en alternative au savonnage à la chlorhexidine est à l'étude pour la préparation des sites opératoires

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

S. aureus sur gélose de Chapman
Les prélèvements étaient mis en culture sur gélose de Chapman, milieu sélectif utilisé pour l'isolement des staphylocoques (cliché Philippinjl, source wikimedia commons).
S. aureus sur gélose de Chapman
Les prélèvements étaient mis en culture sur gélose de Chapman, milieu sélectif utilisé pour l'isolement des staphylocoques (cliché Philippinjl, source wikimedia commons).
 

Ils sont efficaces pour la désinfection des mains… les gels hydro-alcooliques le seraient-ils aussi pour le nettoyage pré-chirurgical de la peau ? Cette piste semble effectivement bien intéressante, selon les résultats d'une étude préliminaire réalisée sur 6 chiens à l'école vétérinaire de Toulouse. Ces travaux ont été présentés par Erik Asimus (service de chirurgie, ENV Toulouse) au congrès annuel de l'Afvac qui vient de s'achever à Marseille.

Pas de résistance aux gels hydro-alcooliques

Aujourd'hui, la technique conseillée chez l'animal pour préparer un site opératoire après la tonte est un nettoyage à l'aide d'un savon antiseptique à la chlorhexidine, le savonnage devant durer au moins 5 minutes. La présence de germes sur la peau est amplement démontrée, et justifie cette désinfection. Toutefois, des résistances à la chlorhexidine sont observées. D'où le projet de tester l'efficacité des gels hydro-alcooliques en alternative : aucune résistance à leurs composants n'est connue à ce jour. Car c'est bien en lien avec la lutte contre l'antibiorésistance que cette nouvelle étude a été réalisée, financée par l'Anses dans le cadre du plan EcoAntibio 1.

Trois protocoles comparés

6 chiens beagle ont donc été recrutés pour cet essai (des animaux élevés dans de bonnes conditions sanitaires, utilisés notamment pour la formation des étudiants de l'école). Ils ont été anesthésiés puis placés en décubitus latéral. Trois sites d'environ 15 cm de diamètre ont été préparés chirurgicalement (tonte et nettoyage) : aux jonctions entre épaule et thorax, entre thorax et abdomen et entre abdomen et cuisse (des zones correspondant à des sites opératoires usuels).

Chaque site était préparé selon l'un des protocoles suivants :

  1. Savonnage à l'aide d'une solution moussante de chlorhexidine (gluconate) à 4 % puis rinçage au NaCl isotonique, répétés 5 fois et achevés par l'aspersion d'une solution de chlorhexidine à 0,5 % (protocole standard à ce jour) ;
  2. Savonnage au savon doux (non antiseptique) et rinçage (1 seule fois), puis application de gel hydro-alcoolique (friction à l'aide d'une compresse jusqu'au séchage), répétée 3 fois ;
  3. Application de gel hydro-alcoolique comme précédemment (3 fois), sans le nettoyage au savon doux préalable.

Le gel testé était celui habituellement utilisé dans l'établissement pour la désinfection des mains des chirurgiens.

Suivi de la flore cutanée pendant 3h

Outre le chronométrage du temps passé, quatre prélèvements pour bactériologie ont été effectués sur boîte de Pétri sur chaque zone : avant la préparation de la peau, juste après, après 1h et après 3h. Les chiens étaient maintenus sous anesthésie et les zones recouvertes d'un champ stérile.

La mise en culture était effectuée sur deux milieux (flore totale et milieu de Chapman pour favoriser la détection des staphylocoques). L'identification des germes présents était suivie d'un antibiogramme (pour les staphylocoques).

Les éventuels effets indésirables de la procédure (réaction cutanée) ont également été recherchés durant 24h.

Zéro colonies sur toutes les zones

Et les résultats sont donc très encourageants : des germes « classiques » ont été cultivés et identifiés à partir des prélèvements réalisés avant le nettoyage (des colonies de staphylocoques en majorité, dominées par Staphylococcus pseudintermedius). Mais ensuite, aucun germe n'a poussé, quels que soient les sites et les durées après prélèvement.

Dans les conditions de l'étude, les protocoles expérimentés apparaissent ainsi d'efficacité équivalente. Et ils sont bien tolérés : seules quelques réactions cutanées très mineures sont observées avec les deux premiers. Au-delà du désagrément pour le chien, ces irritations favorisent les multiplications bactériennes.

Plus pratique sans rinçage

Le temps passé à la préparation chirurgicale présente des différences significatives. Il est d'environ 6 minutes (375 secondes) en médiane avec le premier protocole, contre 4 (240 sec.) avec le second et un peu plus de 3 minutes (190 sec.) avec le troisième. Ce gain de temps potentiel reste toutefois peu impactant au regard de la durée totale de l'anesthésie dans le cadre d'une chirurgie.

En revanche, l'intérêt pratique du troisième protocole (limité à l'application de gel hydro-alcoolique) est l'absence de rinçage après savonnage. Cette étape étant toujours délicate pour éviter la recontamination du site.

Des chiens (trop) propres

La préparation du site opératoire vise à réduire la contamination naturelle de la peau, et empêcher la multiplication des germes durant le temps de la chirurgie. Le protocole testé semble donc prometteur dans cet objectif.

Les limites de l'étude et sa nature expérimentale ne permettent toutefois pas encore de recommander la technique en pratique courante. Une nouvelle étude, plus large et en conditions réelles d'intervention chirurgicale, doit pour cela venir confirmer ses bons résultats. En effet, outre leur faible effectif, les chiens inclus ne sont pas suffisamment représentatifs des animaux opérés en clientèle vétérinaire : leur peau est très propre, peu contaminée et sans contenir de staphylocoques multi-résistants. Chez des chiens de propriétaires, au pelage éventuellement long et immanquablement plus sales, il est possible que le second protocole, prévoyant un nettoyage préalable au savon doux, soit préférable afin d'éliminer les débris cutanés avant frictions au gel hydro-alcoolique. Un tel savonnage est recommandé en humaine pour la préparation des mains des chirurgiens.