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Elanco & Proplan

30 octobre 2025

Le réchauffement climatique ne limitera pas la présence des chenilles processionnaires en France (mais ailleurs oui)

par Vincent Dedet

Temps de lecture  3 min

Cartographie des zones où le climat est (1981-2018) ou sera (2041-2060) plus ou moins favorable à l'implantation de la chenille processionnaire du pin, selon les projections réalisées par une équipe internationale. D'après Rossi et coll., 2025.
Cartographie des zones où le climat est (1981-2018) ou sera (2041-2060) plus ou moins favorable à l'implantation de la chenille processionnaire du pin, selon les projections réalisées par une équipe internationale. D'après Rossi et coll., 2025.
 

Jusqu'à présent, il était admis que le réchauffement climatique (en particulier hivernal) allait favoriser l'extension vers le nord de la répartition géographique de la chenille processionnaire du pin (Thaumetopoea pityocampa). Toutefois, des chercheurs européens (dont de l'Inrae), algériens et turcs viennent de montrer que la biologie de cette espèce est aussi conditionnée par la durée de l'ensoleillement hivernal… et par sa dispersion à vitesse de chenille, alors que l'imago vole peu. Ce qui vient limiter les capacités de cette bébête à monter en latitude…

Trois périodes

Pour évaluer le risque de dispersion de ces chenilles vers le nord (elles sont originaires du pourtour méditerranéen), les auteurs ont segmenté leur étude sur trois durées :

  • Celle pour laquelle les données climatiques étaient encore peu influencées par le réchauffement – entre 1961 et 1980, et alors que l'espèce était encore confinée à son berceau d'origine ;
  • Celle pour laquelle l'espèce a été nettement en expansion en Europe – entre 1981 et 2018. C'est sur cette période que la totalité de la métropole a été conquise par cet insecte ;
  • Et celle, prospective, de sa future distribution entre 2041 et 2060, à partir des projections actuelles d'évolution climatique pour cette période.

Toute la France conquise

L'ensemble des données a été analysée dans trois modèles, qui concourent à montrer que, pour la dispersion de la chenille processionnaire, la variable ayant le plus d'importance est la durée d'ensoleillement, devant de faibles températures hivernales. La durée d'ensoleillement a un rôle direct sur la thermorégulation du nid. La variable ayant l'influence la plus faible est la température estivale maximale (en fait elle limite l'extension de l'espèce au sud, en particulier en Afrique du nord). Et les modèles utilisés par les auteurs reproduisent avec plus de 95 % de précision les données de répartition réelle des chenilles sur la période 1981-2018. Ainsi, la cartographie obtenue permet d'observer que le changement climatique n'aura pas d'effet positif sur la répartition de ces chenilles dans l'hexagone (voir l'illustration principale). Au contraire, les zones qui ne lui étaient pas encore favorables (sud du Massif Central, arc alpin et Jura) le deviendront.

Une avancée stoppée au nord

Parmi les régions qui devraient bénéficier de changements positifs figurent le sud)est de l'Espagne et le nord de l'Afrique du nord (qui ne lui sera plus hospitalière) et le nord de l'Europe, où la remontée de l'insecte sera se poursuivra par rapport à la période actuelle. Mais elle sera stoppée par une durée d'ensoleillement hivernal insuffisante, pour l'essentiel sur le 52e parallèle, de la Grande-Bretagne (dont le sud-est sera favorable jusqu'au 54e parallèle) à la Pologne (à partir de laquelle la zone favorable chutera progressivement jusqu'au nord de la mer Noire – au 45e parallèle).

Attention à ce que l'on plante !

Pour les auteurs, ces résultats sont préoccupants à la fois au sens de la santé publique et de la santé animale, du fait de la poursuite probable de l'expansion de cette espèce dans les régions densément peuplées d'Europe du Nord. Le pin noir (Pinus nigra) et le cèdre de l'Himalaya (Cedrus deodara) sont deux espèces d'arbres abondamment plantées dans l'espace public, et sont fortement réceptives à la chenille processionnaire du pin… Pour les auteurs, planter ces espèces « devrait être évité, en particulier dans l'espace public [urbain] où l'exposition humaine [et des animaux domestiques aux chenilles et à leurs produits allergisants et urticants] est probable ». D'autant que les villes, du fait de « leur diversité végétale et de leur connectivité écologique avec les zones périurbaines, peuvent servir de points d'ancrage pour la colonisation végétale dans les régions en cours de colonisation » par cet insecte envahissant.