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7 août 2018

Un nouveau (pox)virus félin, fatal, découvert en Italie

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

A partir des lésions de dermatite nodulaire ulcéreuse sur le corps d'un jeune chat non immunodéprimé, des cliniciens, spécialistes et virologistes italiens viennent de décrire un nouveau poxvirus, apparemment fatal (cliché reproduit avec l'aimable autorisation du Pr Nicola Decaro).
A partir des lésions de dermatite nodulaire ulcéreuse sur le corps d'un jeune chat non immunodéprimé, des cliniciens, spécialistes et virologistes italiens viennent de décrire un nouveau poxvirus, apparemment fatal (cliché reproduit avec l'aimable autorisation du Pr Nicola Decaro).
 

Un nouveau virus félin vient d'être décrit par des cliniciens et virologistes italiens, qui cause une infection fatale au terme de signes cutanés sévères. Il s'agit au départ d'un jeune chat de 6 mois, présenté en consultation pour « une dermatite nodulaire ulcéreuse multicentrique », « en particulier sur les pattes et la face » (voir le cliché ci-dessous). Il était correctement vacciné contre les principales infections virales du chat, et était négatif pour les rétrovirus félins.

Des lésions cutanées nodulaires ont été observées sur le museau du chat, mais d'autres étaient aussi présentes sur son thorax et ses membres (cliché reproduit avec l'aimable autorisation du Pr Nicola Decaro).

Évolution fatale

C'était un chat domestique, ayant accès à l'extérieur et « présentant un comportement de chasseur ». Tous les examens classiques de dermatologie ont fourni un résultat négatif. Un examen cytologique a indiqué une forte présence d'éosinophiles, et la numération sanguine a confirmé une leucocytose modérée. « L'état de l'animal se dégradant rapidement, il a été euthanasié » ; de nombreux prélèvements cutanés ont été réalisés. Les résultats de l'histologie étaient en faveur d'une infection virale (infiltration leucocytaire), et plus particulièrement par un poxvirus (présence de corps d'inclusion, voir l'image ci-dessous).

Histologie d'une lésion cutanée (coloration à l'hématoxyline-éosine, x 100) présentant une infiltration leucocytaire et des corps d'inclusion cytoplasmiques. Cliché reproduit avec l'aimable autorisation du Pr Nicola Decaro.

Un pox, mais lequel ?

Ces résultats, associés aux signes cliniques, ont conduit à tenter d'identifier le génome d'un poxvirus dans les prélèvements. « Nous pensions au départ à un virus cowpox », à l'image des nombreux cas d'infection de chats par ce virus décrits dans la littérature (plus de 400), indique le Pr Nicola Decaro (université vétérinaire de Bari, Italie). L'ADN a été extrait d'une préparation histologique, pour être soumis à une PCR spécifique des poxvirus, qui s'est révélée positive. De la microscopie électronique a aussi été réalisée à partir d'autres prélèvements, qui a confirmé qu'un virus ayant la morphologie des pox était présent (voir l'image ci-dessous). Ce virus a été isolé en culture et le surnageant a également montré des particules virales “pox-like” en microscopie électronique.

Cliché de microscopie électronique (x 25 000) du surnageant de culture cellulaire obtenu à partir des tissus félins lésés ; la morphologie est bien celle des poxvirus (cliché reproduit avec l'aimable autorisation du Pr Nicola Decaro).

Un seul parent proche

Les analyses moléculaires à la recherche d'autres pathogènes sur les biopsies sont toutes revenus négatives. A ce stade, les auteurs pensaient toujours avoir affaire à un virus cowpox. La souche a été baptisée Italy_09/17 et son génome intégralement séquencé. L'arbre phylogénétique construit à partir des données du séquençage place bien Italy_09/17 au sein des Orthopovxvirus, mais de manière décalée par rapport aux génomes de tous les autres virus de ce groupe, y compris pour 10 souches différentes du virus cowpox. En revanche, il apparaît particulièrement proche d'une autre souche (99,66 % d'homologie), identifiée elle aussi en Italie en 2015, mais au sein d'une colonie de macaques. Avec les autres analyses moléculaires, ces résultats convergent pour rapprocher ce poxvirus félin de celui de l'ectromélie (poxvirus des rongeurs, 98,1 % d'homologie de séquence), plutôt que de celui des bovins (vaccine). Le virus de l'ectromélie n'est décrit que chez les rongeurs de laboratoire, et aucune infection féline (ni humaine) n'a été décrite avec ce dernier poxvirus.

Nouveau… et à explorer

« La sensibilité des chats aux Orthopoxvirus, et en particulier au virus cowpox, est déjà connue », et les auteurs reconnaissent qu'ils suspectaient un tel cas au début des investigations. Malgré le nom de cowpox, ce poxvirus a les rongeurs pour réservoir et non les bovins, hôtes accidentels (comme l'Homme). Logiquement, ils sont habituellement transmis aux chats par les rongeurs – et dans le cas présent, le jeune chat avait un comportement de chasseur. Il s'agit cependant d'un virus différent, dont l'origine reste à déterminer. Comme les poxvirus identifiés lors d'infections félines ont rarement été étudiés aussi en détail que dans la présente étude, il n'est pas possible d'affirmer qu'il s'agit du premier cas décrit avec ce nouveau virus. Mais il reste que le « vrai réservoir animal de ce nouveau virus », déjà passé au singe et au chat, « reste donc à évaluer ». Et « l'idée que les rongeurs sauvages puissent [en] être porteurs ne peut pas être écartée ».

Potentiel zoonotique ?

Comme le virus cowpox est occasionnellement zoonotique (infection bénigne hors sujets immunodéprimés), les auteurs indiquent que le potentiel de transmission à l'Homme de ce nouveau virus félin reste lui aussi à explorer. D'autant qu'il a induit une infection fatale sur un jeune animal immunocompétent. En attendant de disposer de données plus étoffées, « les vétérinaires et les éleveurs félins devraient être conscients de ce risque additionnel lors de la manipulation de chats avec lésions cutanées », préviennent ces auteurs.