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Elanco & Proplan

3 juin 2016

Pendant que Ceva rachète Biovac, l’Anses accepte le retour des autovaccins ruminants

par Eric Vandaële

Temps de lecture  5 min

Avec le rachart des autovaccins Biovac et de ses traitements de désensibilisation, Ceva espère « partir à la conquête de nouveaux territoires », pour aller exporter ce savoir-faire français en Europe. Photo Biovac.fr

À l’origine de l’interdiction des autovaccins chez les ruminants, le risque de transmission d’un prion par un autovaccin est désormais considéré comme « nul » ou « quasi nul ».

 
Avec le rachart des autovaccins Biovac et de ses traitements de désensibilisation, Ceva espère « partir à la conquête de nouveaux territoires », pour aller exporter ce savoir-faire français en Europe. Photo Biovac.fr
 

À quelques jours d’intervalle, deux informations relatives aux autovaccins ont été publiées.

Ceva vient d’acquérir le leader français Biovac de la fabrication des autovaccins. En canine, Biovac est peut-être mieux connu pour ses allergènes de la gamme Biogénix° destinés aux traitements de désensibilisation des chiens, des chats ou des chevaux. En France, Biovac est le seul fabricant autorisé d’allergènes pour un seul animal (Apsa) pour, d’abord, procéder au diagnostic étiologique d’allergies, puis au traitement de désensibilisation.

Quelques jours avant ce rachat, l’Anses a divulgué son avis favorable à la levée de l’interdiction des autovaccins pour les ruminants en vigueur depuis le 3 janvier 2002 (arrêté aujourd’hui remplacé par celui du 2 décembre 2003 toujours en vigueur en 2016).

Une prochaine levée de l’interdiction

Les autovaccins pour ruminants ne sont certes pas encore réautorisés. Mais ce n’est désormais plus qu’une affaire de quelques semaines ou, au pire, de quelques mois.

Un arrêté devrait être pris pour abroger officiellement l’interdiction de préparation des autovaccins chez les ruminants et introduire les restrictions recommandées par l’Anses.

Puis les fabricants d’autovaccins devront faire valider par l’Agence du médicament vétérinaire la liste des maladies et des agents pathogènes contre lesquels ils seront autorisés à fabriquer des autovaccins à partir de prélèvements issus de l’élevage.

Une interdiction française non suivie en Europe

Au début des années 2000, les experts français de l’Afssa craignaient une transmission du prion responsable de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) à travers les prélèvements de tissus destinés à la préparation des autovaccins. Sur la base du principe de précaution, ils avaient donc interdit en France la fabrication des autovaccins pour ruminants.

En Europe, aucun autre pays n’a interdit les autovaccins ruminants. Même le Royaume-Uni n’a pas jugé utile de prendre cette mesure. Seule la France applique donc, depuis presque 15 ans, ce principe de précaution en Europe.

La mesure 15 du plan Écoantibio

Depuis 2016, la situation a changé sur deux fronts. D’abord, en 2011, avec la publication du plan Écoantibio. Sa mesure 15 prévoit alors un réexamen des autovaccins pour diminuer le recours aux antibiotiques. Après un premier rapport de l’Anses favorable aux autovaccins dans toutes les espèces, le ministère de l’agriculture (DGAL) a officiellement saisi l’Anses en décembre 2013 en vue de lever définitivement l’interdiction qui pèse sur les autovaccins ruminants du fait du risque de transmission des prions.

Une très faible prévalence d’ESB en France

Pour les experts des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) qui bloquaient jusque-là cette levée, c’est surtout la situation épidémiologique qui a évolué depuis 15 ans. La prévalence des cas sporadique de vache folle ou de tremblante en France est désormais très faible même si elle n’est pas tout à fait nulle.

  • Pour la vache folle (ESB), elle est estimée à 3 10-6, soit un cas pour 3 millions de vaches. Alors que la France compte aujourd’hui moins de 8 millions de vaches laitières ou allaitantes.
  • Pour la tremblante, cette prévalence est un peu plus élevée : de l’ordre 10-4, soit un cas pour 10 000 ovins.

Une probabilité « nulle » ou « quasi-nulle »

Dans l’hypothèse où le prélèvement se trouverait infecté par un prion, les différentes opérations de préparation des autovaccins devraient aussi conduire à réduire encore davantage la probabilité que l’autovaccin soit infecté.

La probabilité de transmission d’un prion avec un autovaccin est jugée comme « nulle » ou « quasi nulle ». Selon les scénarios, cette probabilité est estimée :

  • Chez les bovins, entre 2 10-20 et 1,2 10-13, une probabilité infinitésimale qui s’exprime, « dans le pire des scénarios » à un autovaccin infecté pour des dizaines de milliers de milliards produits,
  • Chez les ovins, entre 7 10-19 et 4 10-12, une probabilité « au pire » d’un vaccin infecté pour mille milliards fabriqués.

Pas de prélèvement à partir de tissus à risque

Pour réduire encore cette probabilité de transmission, l’Anses émet quelques conditions restrictives. Elle recommande d’éviter la préparation d’autovaccins ruminants à partir des prélèvements issus des tissus suivants à risque plus élevé d’infection par le prion :

  • Le système nerveux central (SNC) pour les bovins âgés de plus de 12 mois d’âge et les petits ruminants de plus de 3 mois,
  • Les tissus lymphoïdes (nœuds lymphatiques, rate…),
  • Le pus isolé d’abcès localisés sur des nœuds lymphatiques,
  • Un écouvillon lacrymal réalisé par frottement de la face interne de la 3ème paupière,
  • Et le placenta chez les petits ruminants.

En outre, pour la préparation, l’Anses recommande au fabricant d’autovaccins :

  • D’effectuer au moins trois repiquages en milieu solide avant ensemencement,
  • De privilégier le matériel à usage unique,
  • De mentionner sur l’étiquetage des autovaccins, l’espèce cible et le numéro de l’exploitation visée.

Quatre fabricants autorisés en France

Quatre fabricants d’autovaccins sont autorisés en France.

  • Deux sont des entreprises privées basées dans le Maine-et-Loire,
    • Biovac, désormais Ceva, basé à Beaucouzé près d’Angers, à quelques centaines de mètres du siège de MSD santé animale,
    • Filavie plus au sud du département, une société intégrée au groupe avicole Grimaud.
  • Les deux autres fabricants sont des laboratoires vétérinaires départementaux publics de Bretagne :
    • Labocéa 22 (anciennement LDA22) basé à Ploufragan,
    • Labocéa 35 (anciennement LVD35 et Isae35) aujourd’hui basé sur le même campus que l’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) près de Fougères.