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Elanco & Proplan

25 mars 2016

Normes biochimiques en canine : proposition de nouveaux intervalles de référence pour 5 races

par Vincent Dedet

Intervalles de référence proposés par les auteurs de cette vaste étude, pour les 5 races canines pour lesquelles ils disposaient d’au moins 120 sujets, et pour lesquels plusieurs paramètres diffèrent significativement des intervalles de référence utilisés jusque-là pour les chiens (d’après Chang et al., 2016).
Les valeurs en italique sont « possiblement sous-estimées », celles en gras sont « possiblement surestimées ». Les intervalles de confiance de chaque intervalle de référence figurent dans les données supplémentaires de la publication (voir dans la section “en savoir plus” de ce Fil).

Les équipes de cliniciens et de biologistes du Royal Veterinary College de Londres (Royaume-Uni) viennent de publier les résultats de l’étude approfondie des résultats d’analyse sanguine de plus de 3 000 chiens. Bien que les valeurs se trouvent dans l’intervalle de référence utilisé jusque-là, ce travail identifie des différences pour certains paramètres en fonction de l’âge, le sexe (y compris la castration) et la race.

 
Intervalles de référence proposés par les auteurs de cette vaste étude, pour les 5 races canines pour lesquelles ils disposaient d’au moins 120 sujets, et pour lesquels plusieurs paramètres diffèrent significativement des intervalles de référence utilisés jusque-là pour les chiens (d’après Chang et al., 2016).
Les valeurs en italique sont « possiblement sous-estimées », celles en gras sont « possiblement surestimées ». Les intervalles de confiance de chaque intervalle de référence figurent dans les données supplémentaires de la publication (voir dans la section “en savoir plus” de ce Fil).
 

Pour justifier leurs résultats, ces biologistes et cliniciens britanniques rappellent que « les chiens sont l’espèce de mammifère terrestre la plus polymorphe ». Logiquement, leurs paramètres biochimiques sanguins devraient donc varier. Et c’est justement là le résultat qu’ils viennent de publier, dans l’analyse rétrospective des paramètres biochimiques de 3 045 chiens, où plus de 60 races étaient représentées par au moins 10 sujets. Leur travail est restitué au travers d’une publication de 17 pages, accompagnée de 47 pages de tableaux pour l’ensemble des données par race et/ou sexe, ainsi que de données brutes et de figures complémentaires.

Fourchette

Pour chacun de ces sérums, collectés entre 2004 et 2013, tous les analytes – à l’exception du glucose – se trouvaient à l’intérieur de la fourchette de valeurs normales du laboratoire de diagnostic de l’université (glucose dans l’intervalle de référence pour 1 495 chiens). Plus important : « une très grande majorité des sérums (99,8 %) ont été prélevés sur le même type de tubes et analysés par le même équipement (IL600 Clinical Chemistry Analyzer - Instrumentation Laboratory Ltd.) ». Les paramètres sur lesquels porte ce travail sont au nombre de 18 : protéines totales, albumine, globuline, sodium, potassium, chlorure, calcium, phosphore inorganique, urée, créatinine, cholestérol, bilirubine totale, alanine aminotransférase (ALT), phosphatase alcaline (PAL), créatinine kinase (CK), amylase, lipase et glucose.

36 races ayant au moins une valeur de référence différente

La population étudiée est donc composée de chiens âgés de 4 mois à 18 ans, à 10,2 % des femelles entières, à 31,6 % des femelles stérilisées, à 22,6 % des mâles entiers et à 35,7 % des mâles castrés. Cinq races (en plus des croisés) comprenaient plus de 120 sujets : Labrador Retriever (n = 327), Cavalier King Charles (CKC, n = 174), Berger allemand (BA, n = 160), Boxer (n = 146) et Golden Retriever (n = 121). Toutefois, ils ont étudié l’effet de la race sur les paramètres biochimiques sur l’ensemble de la population de leur échantillon. Leur analyse statistique (analyse en composantes principales) identifie 36 races ayant un phénotype particulier pour au moins un paramètre biochimique. Pour 7 races, au moins trois paramètres étaient significativement modifiés (voir le tableau ci-dessous).

Races canines pour lesquelles au moins trois des 18 paramètres biochimiques sanguins sont trouvés comme ayant un intervalle de référence significativement différent de celui utilisé jusque-là en routine par le laboratoire de diagnostic du Royal Veterinary College (d’après Chang et al., 2016).

 

Cinq nouveaux intervalles de référence

Pour améliorer la puissance statistique de leur travail, les auteurs ont utilisé deux méthodes différentes.

Aussi, les auteurs ne se sont lancés à proposer de nouveaux intervalles de référence que pour les races comprenant plus de 120 sujets dans leur population (voir l’illustration principale et le fichier fournissant le détail pour chaque race dans la section "en savoir plus”).

Dans cette étude des valeurs de référence de plus de 3 000 chiens, c’est le Cavalier King Charles pour lequel le plus grand nombre de paramètres biochimiques sanguins diffère des valeurs de référence admises pour les chiens en général. Pour ces auteurs, du Royal Veterinary College, « cela souligne la nature unique de cette race, à la fois au plan de la conformation et des aspects physiologiques » (source photo : wikimedia).

 

15 paramètres influencés par l’âge

Les autres effets (âge, sexe) sont aussi trouvés significatifs pour certains paramètres biochimiques, mais sont jugés de moindre pertinence clinique. Ainsi, pour l’âge, il n’y a que trois analytes qui ne sont pas significativement influencés (les auteurs ont fait des tranches d’âge d’un an jusque 2 ans, puis de 2 ans jusque 10 ans, tous les chiens de plus de 10 ans sont ensemble). Ce sont le sodium, les chlorures et le glucose. La valeur normale mesurée augmente avec l’âge pour les protéines totales, la globuline, le potassium, l’ALT et la lipase (p<0,0001). Les autres analytes se comportent de manières diverses. Par exemple, l’albumine a une même valeur jusque 4 à 6 ans, puis elle se réduit significativement (p<0,0001). La PAL a une courbe en U, sa valeur chutant jusque 2-4 ans (p<0,0001), puis remontant au niveau de “départ” et s’y maintenant. Pour l’urée, la créatinine, le statut entier/castré modifie la donne…

Hormones mâles

Pour le sexe, l’effet le plus marqué est observé pour la lipase, avec une activité nettement plus faible chez les mâles entiers (264±11 U/L) par rapport aux mâles castrés (371±10 U/L, p<0,0001) – alors qu’il n’y avait pas de différence chez les femelles. Le distinguo devient plus complexe pour l’amylase, où les valeurs sont nettement plus élevées chez les mâles entiers de 1-2 à 6-8 ans par rapport aux femelles entières (les animaux castrés sont, ensemble, entre ces extrêmes). Les auteurs attribuent cette observation à l’effet des hormones mâles. Enfin, il n’y a pas d’effet sexe pour l’albumine, le Na, Ca, P, urée, PAL et glucose.

Créatinine : affiner la valeur diagnostique

C’est surtout la créatinine qui retient l’attention des auteurs. « Sa concentration sérique est connue pour varier avec la masse musculaire, qui peut être en grande partie approchée par la taille, et est à la base d’inférences diagnostiques et de décisions thérapeutiques importantes pour l’évaluation de la fonction rénale ». À partir des données collectées, les auteurs observent que le sexe, l’âge et le statut castré/entier influent, en association avec la race, sur la valeur observée. Ils estiment que c’est donc surtout pour ce paramètre que le clinicien devrait disposer « d’intervalles de référence adaptés à chaque race, mais qui soient standardisés pour le sexe et le statut de castration, pour affiner la valeur diagnostique de cet analyte en médecine canine ». Ils n’ont pas (encore ?) fait le travail, qui demanderait l’exploration d’une base de données encore plus volumineuse.