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Elanco & Proplan

6 août 2024

Sialocèle chez le chat : quelques complications mais pas de récidive après la chirurgie

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

Cette planche anatomique illustre le système salivaire du chat, composé de 4 glandes majeures : mandibulaire (ou sous-maxillaire, sm), sublinguale mono et polystomatique (b pour buccale), parotide (p) et zygomatique (f pour faciale). Contrairement au chien, parmi les glandes mineures, le chat possède une glande salivaire molaire plus développée (au niveau de la première molaire mandibulaire). Source Wikimedia Commons.
Cette planche anatomique illustre le système salivaire du chat, composé de 4 glandes majeures : mandibulaire (ou sous-maxillaire, sm), sublinguale mono et polystomatique (b pour buccale), parotide (p) et zygomatique (f pour faciale). Contrairement au chien, parmi les glandes mineures, le chat possède une glande salivaire molaire plus développée (au niveau de la première molaire mandibulaire). Source Wikimedia Commons.
 

Plutôt décrites chez le chien, les sialocèles peuvent aussi affecter le chat. Ces mucocèles salivaires, parfois appelés « kystes salivaires », résultent d'une accumulation anormale de salive hors de la glande ou du conduit salivaire, le plus souvent dans le tissu sous-cutané en région cervicale chez le chien.

Les ranules désignent spécifiquement les mucocèles présentes au niveau du plancher buccal, souvent de grande taille et issues de la glande sublinguale (parfois du canal de la glande mandibulaire). Ce type de sialocèle apparaît plus commun dans l'espèce féline, selon l'étude de 21 cas, dont les résultats sont publiés en libre accès dans la revue spécialisée Veterinary Surgery. L'objectif de l'étude était effectivement d'évaluer surtout la prise en charge chirurgicale de ces lésions et son pronostic.

21 chats en 11 ans dans 10 cliniques

Cette étude rétrospective américaine a impliqué 10 centres hospitaliers universitaires, et recensé 21 cas sur une période de 11 ans (2010-2021). C'est donc peu dire que les sialocèles sont rares chez les chats ! Les cas retenus devaient toutefois avoir été traités chirurgicalement, ce qui est considéré comme le traitement de choix, chez le chien en tout cas.

S'agissant généralement de cas référés, la fréquence de l'affection dans l'espèce féline est probablement un peu sous-estimée quand même. Les cas de tumeur des glandes salivaires ainsi que ceux dont le suivi n'était pas renseigné avaient été exclus aussi.

Ces 21 chats sont de sexe mâle en courte majorité (12 cas contre 9 chez des femelles), de diverses races, divers poids (3 à 10 kg pour une médiane à 4,1 kg) et divers âges au moment du diagnostic (1 à 20 ans, la médiane étant de 5 ans mais la moyenne de 6,2 ans). Chez le chien, une prédisposition des mâles a été observée. Les chats mâles sont atteints ici à un âge plus élevé que les chattes : 7,9 ans en moyenne contre 4,4. Ces 21 chats avaient accès ou non à l'extérieur en proportion équivalente.

Signes cliniques locaux, parfois respiratoires

Le motif de consultation est le plus souvent l'apparition d'une masse cervicale (11 cas), d'une dysphagie (9 cas) et/ou d'un ptyalisme (7 cas). Mais des troubles respiratoires peuvent être présents : stertor dans 3 cas dont 2 associés à une détresse respiratoire.

D'autres signes sont moins fréquents, notamment une exophtalmie (1 cas), une léthargie (2 cas), des mouvements anormaux de la langue (2 cas).

L'examen clinique et de la cavité orale permet généralement de visualiser une masse anormale. Et une ranule est donc souvent détectée : dans 12 cas ici soit 57 %. D'où l'importance de rechercher ces lésions lors de l'examen oral.

Le diagnostic de sialocèle a été obtenu à l'imagerie médicale (14 cas) ou après la chirurgie par cytologie du contenu de la lésion (14 cas) et/ou histopathologie (15 cas).

La lésion est généralement unilatérale : bien plus souvent à gauche ici (15 cas) qu'à droite (dans les 6 autres cas). Les glandes salivaires mandibulaires et sublinguales sont les plus fréquemment touchées, comme chez le chien. Dans deux cas, la glande salivaire molaire, spécifiquement développée dans l'espèce féline, était concernée.

La cause est rarement précisée

Même si la cause primaire du sialocèle est rarement établie – son étiopathogénie est globalement méconnue –, un traumatisme est considéré comme une origine possible. Ainsi, parmi les 21 cas, deux présentaient un historique récent de traumatisme en région de la tête ou du cou (l'un au cours d'un jeu avec son propriétaire et l'autre suite à bagarre avec d'autres chats).

Dans un cas, des extractions dentaires avaient été pratiquées peu avant. Des lamelles à mâcher étaient données à l'un des chats ; aucun n'avait pour habitude de mâchonner un jouet. Enfin, dans un cas, un sialolithe obstructif était associé.

Pratique d'une marsupialisation dans 11 cas

L'intervention chirurgicale a consisté en une exérèse des glandes salivaires concernées (sialoadénectomie), seule (10 cas) ou associée à la marsupialisation d'une ranula (7 cas). Une simple marsupialisation d'une ranula a été effectuée chez 4 chats.

Des antibiotiques ont été administrés en péri-opératoire chez la grande majorité des chats (17/21) et une antibiothérapie postopératoire a été prescrite chez 12.

Lorsqu'isolée, la marsupialisation a donné de bons résultats. Et les auteurs proposent donc d'évaluer le bénéfice comparatif de la sialoadénectomie, intervention plus invasive que la marsupialisation, afin de mesurer l'intérêt de cette dernière technique seule, éventuellement en première tentative avant l'exérèse de la glande. Un drainage de la sialocèle (aspiration) avait été effectué en revanche en première intention chez environ la moitié des chats (avant de les référer), mais ce traitement avait été suivi d'une récidive.

Bon pronostic à court et long terme

Dans tous les cas, l'évolution des cas après la chirurgie a été cliniquement favorable. Quelques complications peropératoires sont survenues, dans 3 cas (14 %) : incision accidentelle de la veine faciale, lésion supposée du nerf lingual, et exérèse du ganglion lymphatique au lieu de la glande salivaire mandibulaire (sans toutefois la nécessité d'une reprise chirurgicale suite à l'amélioration clinique constatée).

Des complications postopératoires sont également rapportées :

  • Dans 3 cas au cours de l'hospitalisation (14 %), notamment une tuméfaction autorésolutive au niveau du site opératoire chez 2 chats, le troisième ayant présenté une gêne ou douleur (exprimée par des coups de pattes au visage durant 48 heures) ;
  • Dans 3 cas à court terme (dans les 30 jours postopératoires, 14 %), avec un écoulement purulent hémorragique du site de marsupialisation, la persistance de la tuméfaction au niveau du site opératoire pour l'un des cas précédents, et un traumatisme de la langue ;
  • Et dans un cas à long terme (5 %), avec la reprise des coups de pattes au visage chez le même animal, identifiée correspondre à un syndrome de douleur oro-faciale, traité avec succès par une combinaison de corticoïdes, antalgiques et anticonvulsivants.

Ces complications restent donc globalement peu fréquentes et mineures. Et le suivi des chats pendant au moins 30 jours, et à plus long terme mais pour seulement 11 (ce que regrettent les auteurs), a montré l'absence de nouvelle complication, de récidive ou d'atteinte controlatérale ultérieure.