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Elanco & Proplan

12 juillet 2024

Des staphylocoques dorés positifs pour la toxine de Panton-Valentine empoisonnent la vie d'une famille… jusqu'à ce que les médecins pensent aux chats

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Bien que les chiens et chats soient habituellement colonisés par des Staphylococcus pseudintermedius, ils peuvent occasionnellement l'être par le staphylocoque dorée de l'humain. Ici, gros plan des colonies de Staphylococcus aureus sur gélose au sang de bovin. La longueur de la barre d'échelle équivaut à 5 mm (cliché : Karl-Erik Johansson - BVF, SLU & SVA & Lise-Lotte Fernström - BVF, SLU).
Bien que les chiens et chats soient habituellement colonisés par des Staphylococcus pseudintermedius, ils peuvent occasionnellement l'être par le staphylocoque dorée de l'humain. Ici, gros plan des colonies de Staphylococcus aureus sur gélose au sang de bovin. La longueur de la barre d'échelle équivaut à 5 mm (cliché : Karl-Erik Johansson - BVF, SLU & SVA & Lise-Lotte Fernström - BVF, SLU).
 

Il n'y a pas que les bactéries multirésistantes qui effraient les responsables de santé publique. Les staphylocoques dorés équipés des gènes codant pour la toxine de Panton-Valentine (PVL) représentent eux aussi une menace pour la santé, en particulier s'ils viennent à s'établir en milieu de soins. Cette toxine (codée par deux gènes, lukS et lukF), perfore la membrane des neutrophiles et pénètre la peau indemne. Les souches de staphylocoques dorés PVL+ sont à l'origine de lésions cutanées sévères et d'abcès, et se transmettent en général aisément au sein de l'entourage d'une personne atteinte. La solution ? Décontaminer (le terme médical est « décoloniser ») tout le monde. Ce qui a été réalisé de manière répétée pour une famille allemande, qui rechutait régulièrement. Jusqu'à ce que les médecins pensent à tester les chats du foyer…

SASM PVL+

Entre 2017 et 2022, chacun des membres d'une famille (les deux parents et les deux enfants) ont présenté des abcès – entre 5 et 15 chacun. Dès le début, les médecins ont identifié que ces abcès étaient causés par un staphylocoque doré (S. aureus) sensible à la méticilline (SASM) et porteur des gènes codant pour la toxine de Panton-Valentine (PVL+). Le traitement des abcès a été suivi de trois tentatives de décolonisation sur l'ensemble de la famille. En France, lors de deux échecs de décolonisation, il n'est pas recommandé de poursuivre les tentatives (surtout pour les SARM).

Protocole lourd

En humaine, la décolonisation se fait à l'hôpital et consiste (après guérison des abcès et vérification de la sensibilité de la souche à la mupirocine) à, pendant 5 jours consécutifs :

  • « appliquer une noisette de mupirocine 2 % sur la surface interne de chaque narine trois fois par jour, puis presser le nez pour répartir la pommade sur la muqueuse nasale » ;
  • réaliser une « douche/bain ou toilette quotidiens du corps entier (y compris cheveux) avec un savon à base de gluconate de chlorhexidine à 4 % » ;
  • « changer draps, serviettes et tenue du patient après chaque toilette ».

SASM félins

À la suite des trois échecs, « les cliniciens se sont penchés sur les sources possibles de recontamination » des membres de la famille… et ont pensé aux deux chats du foyer. Ce qui n'était pas si logique car la présence conjointe des gènes lukS et lukF chez des souches animales n'a que très rarement été décrite. Les vétérinaires microbiologistes de l'institut de microbiologie et des épizooties de l'université libre de Berlin ont donc été contactés. Ils ont demandé au vétérinaire traitant de réaliser des écouvillons oraux, nasaux, inguinaux, périanaux et rectaux sur ces chats, et de les leur envoyer. Les écouvillons oraux et nasaux ont fourni, pour les deux chats, des souches de staphylocoques dorés sensibles à la méticilline (SASM), et le typage moléculaire a montré qu'un seul chat était porteur d'une souche PVL+. Les auteurs ont donc séquencé plusieurs des SASM félins et ont comparé ces séquences aux isolats PVL+ de leurs humains (un parent et un enfant). La souche féline PVL+ est homologue de celle issue du parent, et la souche PVL- est homologue de celle de l'enfant. Et lorsqu'ils s'intéressent aux séquences des deux gènes de la PVL, les auteurs observent qu'elles sont identiques à celles du clone USA300, une souche de staphylocoque résistant à la méticilline (SARM) ayant fortement circulé en population générale aux USA, en dehors de tout contexte vétérinaire.

Chats décolonisés ?

Les staphylocoques dorés ne sont pas des germes habituels des carnivores domestiques, le plus souvent porteurs de S. pseudintermedius. La réglementation allemande ne l'interdisant pas, les auteurs ont donc tenté de décoloniser les chats, à partir de février 2023, pour éviter une recontamination des maîtres. Ils n'ont pas plongé les animaux dans un bain de désinfectant, mais ont prescrit un traitement de 10 jours associant amoxicilline et acide clavulanique (per os) – au vu du profil de sensibilité des souches. Pendant cette période, les chats étaient confinés dans un environnement limité et toute manipulation était suivie du lavage des mains de l'opérateur. Après ces 10 jours, de nouveaux prélèvements ont été réalisés. Le chat qui hébergeait le SASM PVL- était bien débarrassé de son staphylocoque doré… Mais pas celui porteur de la souche PVL+.

Et 4e tentative

Il lui a donc été administré un second traitement, mais le chat refusait alors les comprimés. Aussi les auteurs ont-ils réalisé une administration quotidienne d'amoxicilline par voie générale et pendant 14 jours. Ce chat a été prélevé 13 et 44 jours après la fin de ce second traitement, et confirmé débarrassé de sa souche PVL+. C'est alors que les médecins ont réalisé leur quatrième tentative de décolonisation de la famille… qui a réussi : les prélèvements réalisés à 3 et 6 mois ont tous été négatifs pour cette souche.

Le retour d'expérience de ce cas clinique One Health est que, « lorsque des infections récurrentes des tissus mous associées à un staphylocoque doré PVL+ surviennent au sein d'une famille et que des mesures d'hygiène renforcées et des tentatives de décolonisation échouent à plusieurs reprises, les cliniciens doivent envisager que les animaux de compagnie puissent faire partie du cercle de transmission ».