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Elanco & Proplan

4 juillet 2024

Une ASV piquée lors d'une prise de sang sur un chien suspect de leishmaniose : quel risque zoonotique ?

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

La blessure au pouce de l'ASV, accidentelle, n'était pas importante… Mais elle est intervenue pendant une prise de sang sur un chien suspect de leishmaniose, et confirmé séropositif par la suite. Les experts néerlandais, qui ont été confrontés à ce cas, décrivent leur démarche (cliché DR).
La blessure au pouce de l'ASV, accidentelle, n'était pas importante… Mais elle est intervenue pendant une prise de sang sur un chien suspect de leishmaniose, et confirmé séropositif par la suite. Les experts néerlandais, qui ont été confrontés à ce cas, décrivent leur démarche (cliché DR).
 

Le risque de transmission iatrogène lors d'un acte médical n'est pas limité au personnel soignant d'humaine. Le bulletin de l'institut néerlandais de la santé publique et de l'environnement (RIVM) relate le cas – et la conduite à tenir – d'une ASV accidentellement piquée au pouce pendant la réalisation d'une prise de sang sur un chien suspect de leishmaniose.

Accident de contention

Les auteurs racontent qu'en janvier 2023, ce sont les services de santé municipaux qui ont contacté la structure de référence du RIVM pour un avis sur le risque de transmission zoonotique de la leishmaniose dans un contexte d'accident professionnel. L'ASV, âgée de 26 ans, « tenait le chien pour que le vétérinaire puisse prélever des échantillons de sang. Suite à un mouvement imprévu du chien, l'aiguille s'est retrouvée dans le pouce de l'ASV, provoquant une plaie superficielle qui saignait légèrement. Il était possible que le sang du chien n'ait pas encore été aspiré dans l'aiguille au moment de l'accident », mais cela ne pouvait pas être exclu.

Lévrier espagnol

L'autre protagoniste, le chien, était un lévrier espagnol de 7 ans, que le propriétaire avait adopté (en même temps que d'autres) en Espagne, à une date non précisée. Lors de la consultation, il présentait des signes de maladie rénale, de malaise et « des lésions cutanées aux extrémités des oreilles » ayant conduit le praticien à suspecter un cas de leishmaniose. La prise de sang (qui a ensuite été réussie) était destinée au laboratoire de diagnostic pour recherche du génome de Leishmania infantum par PCR, et pour sérologie. Au moment de l'appel au RIVM, le résultat de la PCR était connu, et négatif ; la sérologie était encore en cours.

11 % de séropositifs

Les services médicaux municipaux interrogeaient les experts pour connaître la réalité du risque de transmission zoonotique par la piqûre accidentelle, et la conduite à tenir auprès de l'ASV. Il n'y a pas de cas autochtone de leishmaniose canine, ni viscérale humaine, aux Pays-Bas. Toutefois, des données non publiées indiquent que 11 % des chiens importés depuis des zones d'enzootie sont séropositifs au regard du parasite. Dans le cas présent, il y a eu effraction cutanée et comme le mode de transmission le plus fréquent de la leishmaniose est via la piqûre d'un phlébotome, « il peut y avoir eu un contact sanguin » avec le parasite.

Risque très faible

Toutefois, le parasitologue du RIVM a estimé que le risque de transmission pour ce cas était « très faible », pour les raisons suivantes :

  • chez le chien, « le parasite se trouve principalement dans les macrophages des tissus (lymphoïdes) et rarement dans le sang circulant ». De fait, la PCR sur sang était négative ;
  • les amastigotes « se trouvent dans la peau du chien aux sites des lésions cutanées. Ce n'est généralement pas la zone du cou, où le chien devait être prélevé » ;
  • il y avait « peu, voire pas de sang [du chien] dans l'aiguille, et la plaie [de l'ASV] était minime ».

Pas de suivi sérologique

Du fait des effets secondaires importants d'un traitement antileishmanien chez l'humain, il n'a pas été retenu de réaliser une prophylaxie post-exposition pour l'ASV. Un suivi sérologique lui a été proposé, avec une première prise de sang à réaliser rapidement, puis une autre trois mois plus tard. En cas de séroconversion, un traitement serait alors envisagé. Sans surprise, la sérologie lors de la première prise de sang est revenue négative. Toutefois, l'ASV, qui avait eu « des difficultés de communication avec son généraliste », n'a pas réalisé de prise de sang ultérieure. Le service d'expertise du RIVM l'a recontactée un an après l'accident, et elle a expliqué qu'elle « se portait bien et était en bonne santé ».

Chien séropositif, traité

En revanche, la sérologie du chien est revenue positive. Le chien a été traité après l'obtention de ce résultat (allopurinol), et ses oreilles ont été opérées ; ses constantes rénales et hépatiques restent élevées, comme les titres en anticorps anti-Leishmania, mais il est en bon état général. Il n'a pas de parasitémie du fait du traitement (suivi vétérinaire semestriel) et il n'y a pas de vecteur compétent de la leishmaniose aux Pays-Bas : dans tous les cas, le chien ne représente de risque ni pour ses congénères, ni pour les humains.

Pour les auteurs, l'intérêt majeur de ce cas est d'avoir « suscité une discussion utile entre les professionnels de santé publique concernés (y compris vétérinaires) sur le risque zoonotique associé à cette blessure par piqûre d'aiguille ».