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Elanco & Proplan

18 juin 2024

Effet d'une recommandation de consensus sur les prescriptions : l'exemple de l'oméprazole à l'échelle d'un hôpital universitaire

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Les modalités de prescription des inhibiteurs de la pompe à protons ont fait l'objet d'une recommandation de consensus publiée par l'ACVIM en 2018. Est-elle appliquée ? Une étude a comparé les indications (dont les ulcérations/érosions gastroduodénales) de prescription d'oméprazole dans une structure universitaire avant et après la publication de 2018 (cliché : David Walker, RVC - wikiVet).
Les modalités de prescription des inhibiteurs de la pompe à protons ont fait l'objet d'une recommandation de consensus publiée par l'ACVIM en 2018. Est-elle appliquée ? Une étude a comparé les indications (dont les ulcérations/érosions gastroduodénales) de prescription d'oméprazole dans une structure universitaire avant et après la publication de 2018 (cliché : David Walker, RVC - wikiVet).
 

Les recommandations de bonnes pratiques de prescription sont-elles suivies d'effets ? Pour tenter de répondre à cette question, des cliniciens, pharmacologues et épidémiologistes vétérinaires ont réalisé une étude rétrospective, en prenant comme exemple un inhibiteur de la pompe à protons (oméprazole). Les gastroprotecteurs ont fait l'objet d'une recommandation de l'American College of Veterinary internal medicine (ACVIM) en 2018, en médecines canine et féline. Les auteurs ont donc tiré au sort 100 chiens ayant consulté en 2017 et 2021 à l'hôpital de la faculté vétérinaire de Madrid (Espagne), pour évaluer si la publication de ce consensus avait modifié les pratiques de prescription de la molécule.

Réduction du nombre de chiens traités

Les dossiers médicaux électroniques de tous les chiens auxquels de l'oméprazole avait été prescrit ont été sélectionnés, puis ont été exclus les patients qui avaient déjà reçu de l'oméprazole prescrit par leur vétérinaire traitant, ceux qui en ont reçu sur une durée inférieure à 24 h lors de leur hospitalisation, et ceux ayant des données médicales incomplètes. En 2017, 10,9 % des 5 384 chiens ayant consulté cette structure hospitalière ont reçu de l'oméprazole, contre 9,5 % des 5 801 patients ayant consulté en 2021. La différence est significative (p=0,01) et reflète « une réduction de la prescription d'oméprazole au fil du temps ». Pour pouvoir détecter une modification de 75 % des pratiques de prescription, avec un risque de 5 %, les auteurs devaient inclure 100 cas par année. Ils ont donc classé les chiens correspondant aux critères d'inclusion par ordre alphabétique de leur nom, et ont retenu les 100 premier des listes de chaque année. Ils obtiennent des chiens âgés de 10,4 ans en moyenne sur 2017 et de 13,8 ans en 2021 (p<0,0001), mais ne discutent pas par la suite l'impact de cette différence sur les indications de prescription. Les proportions de mâles et de races croisées dans les deux populations n'étaient pas significativement différentes.

Une administration quotidienne

Les critères pris en compte dans l'analyse étaient :

  • la dose prescrite (si elle était <0,7 mg/kg, elle était considérée comme incorrecte), mais aucun animal n'a reçu de dose incorrecte ;
  • la fréquence d'administration, avec 5 % des chiens ayant reçu une administration toutes les 12 heures (toutes les 24 heures pour les autres) en 2017, contre 84 % en 2021 (p<0,0001) ;
  • la présence (oui ou non) d'une réduction progressive de la dose chez les patients traités pendant plus de 4 semaines, qui a elle aussi présenté une modification hautement significative (p<0,0001) entre 2017 (6 %) et 2021 (34 %) ;
  • l'utilisation concomitante d'autres gastroprotecteurs (pas de différence entre les deux populations).

Si les auteurs notent une amélioration de la proportion de traitements administrés deux fois par jour, ils n'ont pu évaluer si la recommandation d'administrer ces traitements peu de temps avant les repas a été prescrite, et suivie.

Indications plus judicieuses

Pour les indications de la prescription d'oméprazole, la recommandation de l'ACVIM les juge appropriées lors d'ulcération/érosion gastroduodénale associée à une maladie gastro-intestinale primaire, ou secondaire à une maladie hépatique, à l'hypertension portale, à une maladie rénale et à une pancréatite. Elles le sont aussi dans la prise en charge d'une œsophagite secondaire à un reflux gastro-œsophagien ou une régurgitation per-anesthésique, et chez les chiens de travail ou de sport (stress). Là encore, il y a une différence hautement significative entre les deux années : 37 % des indications de 2017 étaient conformes à la recommandation publiée ultérieurement, contre 74 % en 2021 (p<0,0001). Ces modifications sont en particulier liées à l'augmentation de la fréquence des ulcérations/érosions gastroduodénales parmi les motifs de traitement (p=0,001), des maladies rénales associées à ces ulcérations/érosions (p=0,007) et à une forte réduction des prescriptions liées à la prévention des effets des AINS (p=0,0005).

Beaucoup ont lu, encore plus ont suivi les recommandations

En parallèle de l'étude sur les dossiers médicaux, les noms des cliniciens liés à chaque cas ont été retenus et un formulaire de deux questions leur a été adressé, dont les réponses ont été anonymisées. La première question était de savoir s'ils avaient lu la recommandation de l'ACVIM dans son intégralité ; la seconde si cette lecture avait modifié leurs modalités de prescription des inhibiteurs de la pompe à protons chez les chiens. La très grande majorité a répondu qu'ils l'avaient lu intégralement (84 %) et un nombre encore plus important que cela avait modifié leurs prescriptions (94 %). Pour les auteurs, cela signifie que « il y a eu un alignement [des pratiques des cliniciens] avec les preuves scientifiques, probablement en lien avec la formation continue, comme attendu en contexte universitaire ». Toutefois, par sa nature rétrospective, cette étude ne peut conclure sans équivoque à un lien de causalité entre la publication des recommandations en 2018 et le comportement de prescription en 2021. Mais les auteurs estiment cependant que l'impact des recommandations a été positif, même si « des efforts complémentaires sont nécessaires pour améliorer les prescriptions inappropriées » restantes.