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Elanco & Proplan

14 juin 2024

Le liquide amniotique, matrice d'intérêt pour évaluer le statut immunitaire des chiots nés de césarienne

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Une étude italienne a comparé les titres en anticorps amniotiques contre les Parvovirus et Adénovirus canins et le virus de la maladie de Carré, lors de césarienne, chez des chiennes ayant des titres plasmatiques soit élevés, soit faibles en ces IgG. Elle confirme l'intérêt de ce prélèvement non invasif lors de césarienne, plutôt qu'une prise de sang aux chiots nouveau-nés (Groppetti et coll., 2024).
Une étude italienne a comparé les titres en anticorps amniotiques contre les Parvovirus et Adénovirus canins et le virus de la maladie de Carré, lors de césarienne, chez des chiennes ayant des titres plasmatiques soit élevés, soit faibles en ces IgG. Elle confirme l'intérêt de ce prélèvement non invasif lors de césarienne, plutôt qu'une prise de sang aux chiots nouveau-nés (Groppetti et coll., 2024).
 

En médecine humaine, le liquide amniotique est « une matrice sensationnelle » car il contient divers composés permettant un diagnostic précoce d'anomalies de la gestation. Peu avant le terme, il contient également des IgG, qui reflètent le statut immunitaire de la mère. Une équipe de cliniciens et biologistes vétérinaires de l'université de Milan (Italie) vient de publier les résultats d'une étude explorant l'intérêt du dosage des anticorps spécifiques des virus inclus dans la vaccination de base, à partir du liquide amniotique – en lien avec les césariennes, et donc l'élevage canin.

Prélèvements avant l'extraction des chiots

10 chiennes de diverses races (berger allemand, bouvier bernois, American bully et bouledogues français), âgées de 2 à 7 ans et ayant une césarienne programmée ont été incluses dans l'étude. Elles étaient toutes en bonne santé avec une gestation sans anomalie (analyses sanguines et échographie). Leur statut vaccinal était connu : 4 d'entre elles étaient à jour de tous les principaux vaccins. Une prise de sang était réalisée dans l'heure précédant l'intervention, puis avant l'extraction des chiots, chacun était maintenu vertical et le sac amniotique était « délicatement percé par l'aiguille d'une seringue de 20 ml, qui aspirait le liquide », de manière à ne pas toucher le chiot. Les portées comprenaient de 2 à 11 chiots. Deux aliquots de 15 ml que chaque liquide amniotique ont été centrifugés, et le surnageant congelé pour analyses ultérieures. Le liquide amniotique de 2 chiots n'a pu être prélevé en quantité suffisante. Pour les autres, les analyses réalisées étaient le dosage des IgG totales et celui des IgG spécifiques des trois virus de la vaccination de base : le parvovirus canin (CPV-2), le virus de l'hépatite canine infectieuse (CadV-1) et le virus de la maladie de Carré (CDV). Les mêmes analyses ont été réalisées sur le plasma des mères.

Vaccination de base à jour

Pour les IgG totales, les auteurs n'observent pas de corrélation entre les valeurs plasmatiques chez la mère et dans le liquide amniotique. De même, il n'y avait pas de différence entre les IgG totales plasmatiques des mères ayant leurs vaccinations à jour et les autres. Pour les IgG totales amniotiques, il y avait en revanche une tendance (p=0,07) à des valeurs plus élevées chez les mères régulièrement vaccinées. Seules les IgG anti-CAdV-1 amniotiques avaient un titre plus élevé (p =0,01) chez les mères régulièrement vaccinées que chez les autres. C'est cohérent avec le fait que toutes les chiennes régulièrement vaccinées avaient un titre plasmatique protecteur en IgG anti-CAdV-1, contre deux tiers des autres chiennes.

Titres élevés dans le plasma et le liquide amniotique

En prenant les valeurs connues de seuil de protection ( 1:80 contre le CPV-2,  1:16 contre le CAdV-1 et 1:32 contre le CDV), les auteurs ont divisé les chiennes en deux groupes : celles ayant des titres faibles (sous le seuil de protection) et celles ayant des titres élevés. À noter que les chiennes régulièrement vaccinées étaient à 100 % au-dessus du seuil contre le CPV-2 et le CAdV-1 et à 75 % contre le CDV (contre 83, 67 et 33 %, respectivement, pour celles irrégulièrement vaccinées). Ainsi, il y a 4 chiennes de l'étude (dont une irrégulièrement vaccinée) dans le groupe “titres élevés”. Les auteurs observent alors (voir l'illustration principale) que :

  • les concentrations en IgG anti-CPV-2 étaient plus élevées dans le liquide amniotique des chiots nés de mères ayant des titres élevés que dans celui des chiots nés de mères ayant des titres faibles (p = 0,003)
  • les anticorps amniotiques anti-CAdV-1 (p = 0,08) et anti-CDV (p = 0,09) avaient tendance à être plus élevés chez les chiots nés de mères ayant des titres élevés.

Les auteurs ont validé que le sexe du chiot n'impacte pas la concentration amniotique en ces IgG spécifiques.

Pas d'attribution clinique, mais…

Tous les 63 chiots de l'étude sont nés vivants, mais 8 sont décédés dans les 48 premières heures de vie (12,7 %). Tous les soins néonataux ont été prodigués avec attention et chaque chiot a bu le colostrum de sa mère. Au total 18 des chiots de 5 portées ont présenté de la diarrhée sur les deux premiers mois de vie, toutefois il n'a pas été réalisé de diagnostic spécifique, ne permettant en particulier pas d'explorer de relation entre protection d'origine maternelle et agents pathogènes entériques. Dans leur analyse statistique des données des portées, les auteurs notent aussi que « le poids de naissance, le score d'Apgar et la mortalité néonatale n'ont pas eu d'influence significative sur les concentrations en IgG ». Toutefois, ils notent aussi que « le nombre de chiots ayant présenté une pathologie est statistiquement plus élevé parmi les portées issues de mères qui n'ont pas été régulièrement vaccinées (p = 0,049) ». Et en particulier, « les chiots qui ont développé des symptômes gastro-intestinaux au cours de la période de suivi de deux mois présentaient des titres en IgG anti-CAdV-1 inférieurs à ceux des chiots sains (p = 0,04) ».

Ils proposent une explication à ce phénomène : « le fœtus avale du liquide amniotique contenant des immunoglobulines, et un transfert systémique par absorption intestinale peut avoir lieu ». Ils supposent qu'alors, « la concentration en IgG du liquide amniotique soit positivement corrélée à celle du sang des chiots nouveau-nés, comme cela a été rapporté chez l'humain », ce qui reste à vérifier. Ils en retirent que, plutôt que le plasma maternel, « le liquide amniotique semble contenir des informations sur l'immunité néonatale ayant un potentiel diagnostique intéressant, permettant un dépistage précoce de l'état immunitaire des chiots nouveau-nés et leur protection efficace contre les maladies infectieuses ». Aussi les auteurs proposent-ils, « en raison de l'impact stressant des procédures telles que les prises de sang, les alternatives non invasives sont fortement recommandées chez les chiots nouveau-nés ».