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Elanco & Proplan

13 juin 2024

Coup de chaleur : plus fréquents mais pas plus fatals en période de canicule

par Agnès Faessel

Temps de lecture  6 min

 

La chaleur est évidemment un facteur de risque de coup de chaleur ! Et avec la hausse des températures, voire des épisodes caniculaires, le nombre de cas pourrait augmenter.

Au Royaume-Uni, 2022 a représenté l'année la plus chaude jamais enregistrée dans le pays (avant peut-être d'obtenir les chiffres pour 2023…). Une température extérieure dépassant les 40°C y a été enregistrée pour la première fois. Les décès humains pour cause d'hyperthermie ont atteint un nombre inégalé. Et une étude épidémiologique a donc été réalisée sur cette période afin d'évaluer l'incidence et les facteurs de risque des coups de chaleur chez le chien.

Incidence annuelle : 0,23 %

Cette étude a été menée dans le cadre du programme VetCompass, à partir de l'extraction des cas de « maladies associées à la chaleur » pris en charge durant 2022 (décembre 2021 à novembre 2022 inclus) dans un réseau de cliniques d'urgences (Vets Now, qui compte une soixantaine d'établissements). Les résultats sont publiés en libre accès dans le VetRecord.

Au total, 384 cas ont ainsi été recensés, ce qui permet d'évaluer à 0,23 % l'incidence annuelle des coups de chaleur dans ces structures d'urgence (ouvertes nuit et week-end).

La mortalité est élevée en contexte d'urgence

La gravité de l'atteinte clinique a pu être évaluée d'après les données du dossier médical pour 364 chiens, montrant une répartition relativement homogène entre les atteintes légères (31,3 %), modérée (31,0 %) et sévères (37,6 %).

Malgré leur prise en charge, 102 chiens n'ont pas survécu, ce qui correspond à un taux de mortalité de 26,56 % : 10 étaient en fait déjà décédés à leur arrivée et 28 l'ont été sans assistance, les 64 autres ayant été euthanasiés.

Dans une précédente étude VetCompass, analysant les cas pris en charge en 2016 mais en clientèle courante, une incidence bien plus faible avait été évidemment calculée (0,04 %), le coup de chaleur étant typiquement une urgence. Mais le taux de mortalité était plus faible aussi (14 %), peut-être sous-estimé du fait des cas plus graves directement présentés ou référés en centre spécialisé. Les propriétaires peuvent aussi attendre plus longtemps ou devoir de déplacer plus loin pour présenter leur chien en urgence en dehors des heures d'ouverture de leur vétérinaire.

Des pics les jours de canicule

Sans surprise, la répartition des cas dans le temps montre leur prépondérance en période estivale (plus de 80 % des cas sont survenus entre juin et août). Le seul mois de juillet comptabilise 176 cas. Aucun n'a été présenté en hiver, à l'exception de 5 en janvier.

Les auteurs ont surtout distingué les périodes de fortes chaleurs (« canicule ») telles que définies par les autorités de santé britanniques : les jours où une alerte sanitaire de chaleur de niveau 3 est émise, et/ou durant lesquels la température moyenne du centre de l'Angleterre est supérieure à 20°C (en ajoutant le jour précédent et le jour suivant). Ce ne sont pas les mêmes définitions en France…

Sur 2022, 5 périodes ont ainsi été identifiées, toutes entre juin et août et totalisant 40 jours) :

  • 16-19 juin,
  • 10-25 juillet,
  • 30 juillet-5 août,
  • 8-17 août,
  • 23-25 août.

Près de 60 % des cas se sont concentrés durant ces périodes (56,6 %, voir tableau en illustration principale). Le nombre moyen de cas vus par jour dans les cliniques de l'étude est alors de 5,73, contre 1,56 les autres jours. Durant la vague particulièrement chaude survenue du 16 au 19 juillet, 71 chiens (soit 18,5 % de l'effectif total) ont été soignés en urgence pour un coup de chaleur. Ce constat montre que quel que soit le facteur déclenchant, un coup de chaud, c'est avant tout quand il fait chaud !

La mortalité en revanche n'est pas plus élevée en période de canicule (voir le même tableau). Elle est alors de 23,58 %, contre 30,97 % hors période caniculaire (la différence n'est pas significative).

Gare aux brachycéphales encore

Parmi les paramètres démographiques évalués, la race est confirmée comme facteur de risque de coup de chaleur.

Le labrador a été considéré comme race de référence, car de précédents travaux ont établi que le risque de coup de chaleur est similaire chez ces chiens populaires et chez les croisés (ce qui est confirmé ici). Et 7 races présentent un sur-risque par comparaison au labrador : le chow-chow, le bouledogue anglais, le bouledogue français, le terre-neuve, le poméranien, le carlin et le staffie.

Dans l'analyse multivariée, les races brachycéphales ressortent comme très significativement à risque, avec un odds ratio de 4,21 par comparaison aux mésocéphales. Ce n'est pas une découverte chez ces chiens, prédisposés aux difficultés respiratoires et chez lesquels le coup de chaleur s'aggrave probablement davantage et plus vite. Les seuls bouledogues anglais et français représentent ici 37 % de tous les cas, et les brachycéphales toutes races confondues 48,7 %.

Le double pelage des races comme le chow-chow ou le terre-neuve est plutôt adapté à la résistance au froid et pourrait être un facteur prédisposant au coup de chaleur. Mais cela reste à vérifier car inversement, ce pelage semble aussi protéger des rayons solaires (comme chez le koala ou l'ours polaire).

Par ailleurs :

  • Par comparaison aux jeunes chiens (moins de 2 ans), les 4-6 ans et les 8-10 ans sont plus à risque ;
  • Les mâles entiers sont également plus à risque que les femelles entières ;
  • Et les chiens de grand format sont globalement plus à risque (les 10-20 kg, 20-30 kg et plus de 50 kg le sont significativement plus que les moins de 10 kg).

Ces facteurs de risque sont cohérents avec ceux déjà pointés dans d'autres études. L'impact d'un surpoids n'a pas été étudié ici, faute de données suffisantes. Mais d'autre études l'ont identifié comme facteur de risque aussi.

Et gare à l'exercice par temps chaud

Sur le contexte de survenue, 5 potentiels facteurs déclenchants de l'hyperthermie ont été analysés : un environnement chaud (chien exposé à la chaleur), un exercice physique, des soins (vétérinaires, toilettage), le confinement en voiture (stationné ou en mouvement), des convulsions.

Lorsque renseigné (dans 274 cas), le coup de chaud fait le plus souvent suite à un exercice physique (plus de la moitié des cas) ou à une exposition à la chaleur (31 %). Laisser le chien dans la voiture est la cause de 12 % des cas, une crise convulsive dans 11 %. La réalisation de soins est impliquée à 4 %. Ces résultats sont cohérents avec ceux de 2016 (voir LeFil du 13 août 2020). Dans près d'un cas sur 10 ici, plusieurs déclencheurs sont combinés : exercice puis trajet en voiture par exemple.

Sensibiliser le grand public

Face à ces données, l'évolution climatique actuelle vers des épisodes plus fréquents de canicule laisse penser que le risque de coup de chaleur va aller croissant.

Quelles solutions envisager hormis de la prévention ? Comme rappeler de limiter l'exercice physique par temps chaud et d'éviter l'exposition du chien à la chaleur, dans la maison comme dans le jardin.

Une autre étude récente, britannique elle aussi, a montré que les bonnes pratiques de prise en charge d'un coup de chaleur, qui consistent à refroidir (efficacement) l'animal avant de l'amener en consultation, sont insuffisamment appliquées par les propriétaires, probablement mal informés (voir LeFil du 21 juillet 2023). La hausse des adoptions de chiots en période Covid, par des propriétaires novices, et l'engouement pour certaines races brachycéphales comme le bouledogue français, ne peuvent qu'augmenter le risque de cas plus fréquents, plus graves ou mal gérés.