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Elanco & Proplan

10 juin 2024

USA : des « quantités astronomiques » du virus H5N1 dans le lait, qui reste infectieux au moins 5 h sur les manchons trayeurs

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Au 9 juin, il y a officiellement 85 foyers de H5N1 chez des vaches laitières, dans 10 États des USA (le Wyoming en fait partie, bien que la carte officielle n'a pas été mise à jour) et l'Iowa et le Minnesota ont chacun confirmé au moins un foyer pendant le weekend, qui ne figuraient pas encore dans le décompte national à cette date (source : USDA).
Au 9 juin, il y a officiellement 85 foyers de H5N1 chez des vaches laitières, dans 10 États des USA (le Wyoming en fait partie, bien que la carte officielle n'a pas été mise à jour) et l'Iowa et le Minnesota ont chacun confirmé au moins un foyer pendant le weekend, qui ne figuraient pas encore dans le décompte national à cette date (source : USDA).
 

Il y avait 85 élevages bovins laitiers infectés par le virus H5N1 aux USA au 9 juin, avec de nouveaux cas dans le Wyoming, selon l'USDA. Mais en parallèle, l'Iowa et le Minnesota ont aussi déclaré un cas chacun, pas encore comptabilité par le ministère américain de l'Agriculture. Il y aurait donc au moins 87 foyers, dans 12 États américains à cette date.

Centaines de millions de virus

En parallèle, les études portant sur le comportement de ce virus dans le lait de vache commencent à être publiées. En premier lieu, dans un manuscrit publié en ligne et en libre accès (43 p.), des virologistes vétérinaires américains des quatre États concernés par les premiers foyers identifiés fin mars et début avril ont quantifié la charge virale présente dans le lait des vaches infectées : elles allaient de 104,0 à 108,8 TCID50/ml. Ce qui est qualifié de quantités « astronomiques » dans un article d'actualité scientifique publié le 5 juin dans Nature. « Certains échantillons contenaient des centaines de millions de particules infectieuses, un niveau “supérieur à ce que nous pouvons cultiver en laboratoire” pour des expériences, déclare Seema Lakdawala, virologue spécialiste de l'influenza à la faculté de médecine de l'université Emory, à Atlanta (Géorgie). "Dans des conditions idéales, nous n'obtenons pas un tel niveau ; celui-ci est incroyablement élevé” ».

Transmission à la souris

Une autre étude, publiée fin mai dans le New England Journal of Medicine, a exploré l'infectiosité de ce lait dans un modèle de transmission à la souris (3 p.). L'inoculation orale de 50 µl d'un échantillon (vache provenant d'un élevage du Kansas), fournissant 3 106 UFP, a provoqué des signes cliniques chez toutes les souris dès le lendemain de l'inoculation. Elles sont restées vivantes jusque J4 PI (euthanasie pour titration du virus). Cette dernière analyse a identifié une infection systémique, les titres viraux étant les plus élevés dans l'appareil respiratoire. Et – ce qui n'était sans doute pas vérifié auparavant –, ces auteurs détectent le virus dans les glandes mammaires des souris « alors même qu'elles n'étaient pas en lactation ». « En résumé, le lait H5 HPAI positif présente un risque [de santé publique] lorsqu'il est consommé sans traitement ».

Pasteurisation : réduction de 4,5 logs

Il était donc crucial de valider l'efficacité de la pasteurisation, car il n'est pas encore connu si le virus est excrété dans le lait avant l'apparition des signes cliniques dans un élevage. C'est dans ce même article du NEJM (3 p.) que figure une partie de la réponse : les auteurs ont utilisé 4 échantillons de lait provenant de vaches malades d'exploitations du Nouveau-Mexique et du Kansas. Ils les ont placés à 63 ou à 72° C, pendant 5, 10, 20 ou 30 minutes, puis ont recherché la présence d'une éventuelle infectiosité résiduelle par inoculation à des œufs embryonnés ou à des cultures de cellules. À 63° C, il n'y a pas d'infectiosité détectable. À 72° C, selon les conditions à partir de 20 à 30 secondes sur œuf embryonné il n'y a plus de virus infectieux détectable (réduction de 4,5 logs de l'infectiosité), sauf dans un cas. La pasteurisation est donc sensée fonctionner pour inactiver ce virus, mais les auteurs soulignent que leurs conditions expérimentales ne sont donc pas celles d'une installation industrielle.

Sur les manchons trayeurs

Ils observent aussi que le virus survit très bien dans le lait au frigo : « il n'y a que 2 logs de réduction [du titre infectieux] après 5 semaines au froid ». Mais c'est dans un autre manuscrit publié en ligne le 31 mai (5 p.), que des microbiologistes et immunologistes de l'université de Pittsburgh (USA) ont montré que le virus peut très bien survivre sur le matériel de traite. Ils ont artificiellement ensemencé cette matrice (lait cru) avec un virus H5N1 (souche dite B3.13). Puis des gouttelettes de ce lait ont été déposées :

  • soit sur le caoutchouc de manchons trayeurs,
  • soit sur l'acier inoxydable qui l'entoure.

L'ambiance a délibérément été maintenue à 70 % d'humidité relative pendant l'essai, pour mimer les conditions météo de mars-avril dans la région du Texas, où a été identifié le premier cas humain. Des prélèvements ont été effectués 0, 1, 2 et 5 h plus tard, pour évaluation de l'infectiosité résiduelle sur ces surfaces : les prélèvements effectués à 5 h étaient encore infectieux, sur le plastique comme sur le métal. Les mêmes charges virales dans du liquide tampon n'y restent infectieuses qu'une heure.

Démonstration irréfutable

Pour les auteurs, c'est la démonstration « irréfutable que les surfaces contaminées pendant la traite risquent d'infecter les travailleurs des exploitations laitières avec le virus H5N1. La mise en place d'équipements de protection individuelle tels que des visières, des masques et des lunettes de protection est nécessaire pour réduire » ce risque . Car ils estiment que les trayeurs sont exposé :

  • lors de la préparation de la mamelle, avec les premiers jets de lait, qui « entraînent des éclaboussures de lait sur l'équipement ainsi que la production d'aérosols dans la salle de traite » ;
  • lors du décrochage de la griffe, par « pulvérisation de lait sur les personnes effectuant la traite, l'équipement ou les zones environnantes, et la formation possible d'aérosols dans l'environnement » ;
  • et du fait que « la traite a souvent lieu à hauteur des yeux de la personne, l'espace de travail étant physiquement plus bas que les vaches, ce qui augmente le risque de contact entre le lait infectieux et les muqueuses ».