titre_lefil
logo_elanco

10 avril 2024

L'index de résistance vasculaire rénale : outil pronostique du risque de lésions des organes cibles lors d'hypertension canine

par Pascale Pibot

Temps de lecture  5 min

Chez le chien, les signes cliniques liés à l'hypertension artérielle restent absents jusqu'à ce que des dommages organiques irréversibles se produisent (cliché Pixabay).
Chez le chien, les signes cliniques liés à l'hypertension artérielle restent absents jusqu'à ce que des dommages organiques irréversibles se produisent (cliché Pixabay).
 

L'hypertension artérielle systémique (HTA) désigne une élévation anormale et durable de la pression exercée par le sang artériel sur les parois vasculaires et les organes alimentés par ces vaisseaux. L'élévation chronique de la pression artérielle systolique (PAS) entraîne des lésions organiques et affecte notamment les yeux, le cœur, les reins et le cerveau. Une étude prospective réalisée à l'école vétérinaire de Madras, en Inde, a précisé ces conséquences pathologiques à partir du suivi de 135 cas d'hypertension artérielle spontanée chez le chien.

Causes et conséquences de l'hypertension

Plusieurs circonstances peuvent favoriser l'apparition d'une HTA. L'hypertension peut être la conséquence d'un stress (HTA situationnelle), d'une maladie (HTA secondaire) ou se développer de façon idiopathique. Le développement d'une HTA est généralement insidieux, mais chez le chien, il s'agit le plus souvent d'une HTA secondaire ; les causes primaires les plus fréquentes sont la maladie rénale chronique, le diabète sucré, l'hyperadrénocorticisme et l'obésité.

Toutes ces affections entraînent une hausse du tonus orthosympathique ou de la sensibilité aux catécholamines endogènes, et provoquent ensuite une augmentation de la résistance vasculaire périphérique.

Les lésions vasculaires dues à une élévation notable et durable de la PAS apparaissent dans de nombreux organes, mais les plus richement irrigués sont les principales cibles. Une hypertension est ainsi fréquemment à l'origine de lésions cérébrales (accident vasculaire cérébral ou infarctus), oculaires (hyphéma ou hémorragie rétinienne), rénales (nécrose fibrinoïde des artérioles ou perte aiguë de néphrons à cause du développement de la résistance vasculaire) et cardiaques (insuffisance diastolique).

Toutes ces lésions des organes cibles (LOC) influencent négativement la qualité et la durée de vie du chien.

Index de résistance vasculaire rénale

En médecine humaine, le dépistage de l'HTA passe par le suivi de la PAS, mais l'ampleur de l'élévation de la PAS est indépendante de la gravité des LOC. L'évaluation du risque de LOC chez les patients hypertendus s'effectue par la mesure de l'index de résistance vasculaire rénale (IR). L'IR est calculé à partir de données échographiques obtenues sur les artères rénales arquées, selon la formule suivante :

IR = (vitesse du flux sanguin au pic systolique – vitesse finale du flux sanguin lors de la diastole) / vitesse du flux sanguin au pic systolique.

Cet index reflète les modifications hémodynamiques intrarénales. L'angle et la position de la sonde échographique n'influencent pas le résultat. Plusieurs études sur des modèles animaux ou sur des patients humains ont montré que l'IR s'élève en cas d'insuffisance rénale aiguë, ainsi que dans de nombreuses maladies rénales chroniques, en lien avec la durée de l'hypertension. Très peu de données sont en revanche disponibles chez le chien à propos des liens entre l'IR, la PAS et l'HTA. Ce qu'a tenté de combler cette nouvelle étude.

Une étude chez 135 chiens

Il existe des modèles chirurgicaux ou pharmacologiques des conséquences de l'HTA canine, mais peu d'études ont été consacrées à l'impact de l'hypertension naturelle chez le chien comme celle-ci.

Pour évaluer les associations entre la PAS, l'IR et le risque de LOC lors d'hypertension systémique spontanée, cette étude prospective de 18 mois a été menée sur 135 chiens : 123 présentaient une PAS ≥ 140 mmHg lors d'au moins trois visites consécutives, espacées de 3-4 jours. Douze chiens apparemment en bonne santé, présentés à la clinique pour des rappels de vaccinations, ont servi de groupe témoin.

  • Sur les 123 chiens présentant une PAS ≥ 140 mmHg, 93 ont été classés comme hypertendus car leur valeur de PAS était ≥ 160 mmHg. Ce groupe de chiens comprenait 55 mâles (31 entiers, 24 castrés) et 38 femelles stérilisées. L'âge variait de 1,5 à 16 ans, avec un âge médian de 7 ans. Les principales races représentées étaient les suivantes, par ordre décroissant d'importance : spitz, doberman, dalmatien, berger allemand, labrador, lhassa apso, teckel, dogue allemand et boxer. Une cause primaire d'HTA a été établie chez 79 chiens sur 93.
  • Les 30 chiens présentant une PAS comprise entre 140 et 160 mmHg ont été classés comme préhypertendus.

Les chiens inclus dans l'étude ont été répartis en quatre groupes, selon les lignes directrices 2018 de l'American College of Veterinary Medicine (ACVIM) : risque d'HTA minime (groupe A), faible (B), modéré (C) et élevé (D).

Association entre IR et lésions organiques

La présence de LOC a été recherchée dans les yeux, le cœur et le rein. L'ophtalmoscopie et l'échocardiographie ont respectivement été utilisées pour repérer d'éventuelles lésions oculaires et cardiaques. L'échographie rénale, la mesure de l'IR et l'analyse des urines ont permis de mettre en évidence des lésions rénales.

Les résultats de ces investigations sont les suivants.

  • Des hémorragies rétiniennes et une hypertrophie ventriculaire gauche ont été fréquemment observées dans le groupe D ; l'Odd Ratio (OR, c'est-à-dire le surrisque) est respectivement de 13 (IC 95 % ; 0,67-234) et 11 (IC 95 % ; 0,61-207). Des symptômes neurologiques n'ont été observés que dans ce groupe à haut risque.
  • La présence de vaisseaux rétiniens tortueux a été fréquemment constatée dans le groupe B, à faible risque d'HTA ; l'OR est de 11 (IC 95 % ; 0,59-207).
  • Une corrélation positive forte et significative a été mise en évidence entre la PAS et le ratio protéine/créatinine urinaires (R2=0,65), ainsi qu'entre la PAS et l'IR (R2= 0,58).
  • L'IR augmente de manière significative lorsque le nombre de LOC est ≥ 2.

Les auteurs de l'étude concluent que la mesure de l'IR rénale est associée à la PAS ainsi qu'à la fréquence et à la sévérité des LOC. Chez les chiens hypertendus, cet index pourrait donc être utile à l'évaluation des risques pathologiques, favorisant la mise en place d'un traitement adapté. La prévention de l'apparition de nouvelles LOC et le traitement des LOC existantes constituent en effet l'objectif principal du traitement.