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26 mars 2024

En l'absence de traitement de la dermatite atopique canine efficace à 100 %, une prise en charge multimodale reste nécessaire

par Corinne Descours-Renvier

Temps de lecture  7 min

La dermatite atopique canine est une affection certainement sous-diagnostiquée, notamment en cas d'otites chroniques, selon les auteurs d'une revue de synthèse récente sur cette affection (crédit : Gorodenkoff).
La dermatite atopique canine est une affection certainement sous-diagnostiquée, notamment en cas d'otites chroniques, selon les auteurs d'une revue de synthèse récente sur cette affection (crédit : Gorodenkoff).
 

La dermatite atopique canine (DAC) est une affection fréquente, qui altère non seulement la qualité de vie des animaux atteints, mais aussi celle de leurs propriétaires. Pour améliorer la prise en charge de cette maladie complexe, des chercheurs du College of Veterinary Medicine de Pomona (Californie, États-Unis) ont récemment passé en revue les principales études qui lui ont été consacrées.

Une pathogénie complexe et multifactorielle

La pathogénie de la DAC est particulièrement complexe. Elle mettrait en œuvre des facteurs génétiques, un dysfonctionnement de la barrière cutanée, une perturbation du microbiote, un dérèglement immunitaire ainsi qu'une sensibilisation allergénique. Chez le chien, des études ont montré une forte corrélation entre dermatite atopique et mutations génétiques concernant notamment la production de filaggrine, une protéine constitutive de l'épiderme. Mais la génétique n'explique pas tout, puisque les animaux porteurs de mutations ne déclenchent pas tous la maladie. A contrario, tous les animaux atteints ne présentent pas d'anomalies génétiques ! L'environnement joue également un rôle important dans l'apparition de la maladie. A titre d'exemple, les chiens vivant surtout en intérieur ont davantage de risque de développer une DAC.

Une affection sous-diagnostiquée

La prévalence de la dermatite atopique dans l'espèce canine oscille entre 3 et 15 % selon les études, mais l'American College of Veterinary Dermatology (ACVD) estime que ces valeurs ne reflètent pas la réalité. En effet, le diagnostic de la DAC est un diagnostic d'exclusion et la maladie n'est pas toujours reconnue comme telle en pratique. Un simple traitement symptomatique est parfois mis en place sans qu'un diagnostic étiologique ne soit établi, en cas d'otites chroniques par exemple. Parmi les races les plus à risque figurent les bergers allemands, les bouledogues français, les golden retrievers, les Labrador retrievers ou encore les West Highland white terriers. Selon une étude brésilienne, les chiens issus de croisements ne sont toutefois pas épargnés. Les premiers signes de DAC apparaissent habituellement entre 4 mois et 3 ans, l'âge du déclenchement des symptômes étant susceptible de varier suivant les races.

La qualité de vie des animaux et des propriétaires affectée

La grande majorité de propriétaires de chiens atteints de DAC estiment que la qualité de vie de leur animal est affectée par la maladie : troubles de l'humeur, atteinte du sommeil, baisse d'activité... Quasiment la moitié d'entre eux se disent eux-mêmes affectés, en raison notamment du coût des traitements et de la complexité de leur mise en œuvre durant toute la vie du chien.

Un traitement adapté au chien, mais aussi à ses maîtres

Le traitement consiste à contrôler le prurit associé à l'inflammation et les éventuelles infections secondaires, ainsi qu'à restaurer l'intégrité de la barrière cutanée. Les symptômes et la réponse au traitement étant différents d'un animal à l'autre, les auteurs recommandent des traitements personnalisés. Enfin, la prise en charge se poursuivant toute la vie du chien, il est primordial de tenir compte des possibilités de ses propriétaires.

Traitements généraux : la piste des biothérapies

Les antihistaminiques sont encore très utilisés chez le chien atopique. Les auteurs recommandent toutefois de les prescrire en synergie avec d'autres médicaments, l'histamine n'étant pas la seule molécule impliquée dans l'apparition du prurit. Chez le chien, les glucocorticoïdes les plus souvent prescrits en cas de dermatite atopique sont la prednisolone, la prednisone et la méthylprednisolone, à la dose de 0,5 à 1 mg/kg par jour per os. À long terme, les auteurs conseillent de mettre en place un traitement à jours alternés pour limiter le risque d'apparition d'effets secondaires. La cyclosporine est elle aussi utilisée chez le chien, à la dose conseillée dans cette indication de 5 mg/kg par jour per os. Il faut généralement attendre 4 semaines avant de constater une amélioration des signes cliniques. Pour limiter les risques d'apparition d'effets secondaires, il est ensuite possible de diminuer la posologie pour rechercher la dose efficace la plus basse possible. L'oclacitinib est une molécule récente, très utile pour stopper rapidement un prurit d'origine allergique à la dose de 0,4 à 0,6 mg/kg per os (toutes les 12 heures pendant 14 jours, puis une fois par jour). Comme la cyclosporine, elle n'interfère pas avec la réalisation de tests d'intra-dermo réaction (IDR). Ses effets secondaires sont rares, mais elle ne doit pas être utilisée chez le chien âgé de moins de 12 mois. Indiqué dans la gestion du prurit et de l'inflammation chez les chiens atteints de DAC, le lokivetmab est un anticorps monoclonal dirigé spécifiquement contre une cytokine : l'interleukine-31. L'IL-31, qui joue un rôle majeur dans l'apparition du prurit chez le chien atopique. La dose recommandée est de 1 mg/kg, administrée une fois par mois par voie sous-cutanée. L'amélioration des signes cliniques apparaît dans la journée. Si aucune molécule ne permet actuellement de soulager tous les animaux atopiques à elle seule, la piste des biothérapies semble particulièrement prometteuse selon les auteurs de l'article.

Les corticoïdes, toujours très utilisés localement

En raison de leur grande efficacité, les corticoïdes restent très utilisés pour traiter les lésions localisées de DAC. Sur de courtes périodes, les risques d'effet secondaire sont en effet limités. Le pramoxine hydrochloride est un anesthésique local bien toléré, mais ses effets sont susceptibles de s'atténuer au fil du temps. Enfin, l'utilisation locale du tacrolimus contre le prurit a été testée chez le chien atopique : si les résultats sont prometteurs, le coût élevé du traitement reste un frein.

Des topiques pour restaurer la barrière cutanée

En cas de DAC, les acides gras sont intéressants pour renforcer la barrière cutanée. Deux présentations vétérinaires sont citées dans cet article : Dermoscent Essential 6® Spot-on (combinaison d'acides gras et d'émollients) et Atopivet® Spot-on (association de Biosfeen®, un sphingolipide riche en sphingomyéline et de Dermial®, un glycosaminoglycane), citées pour leur intérêt. Les huiles minérales et la paraffine liquide sont également utilisées en cas de dermatite atopique. La première étape consiste à shampouiner l'animal (shampooing antiseptique en cas de surinfection ou kératolytique en présence de squames). Dans un deuxième temps, un mélange moitié d'eau et moitié d'huile minérale est appliqué durant une heure, avant d'être rincé ou essuyé. Chez les animaux qui ne supportent pas les traitements systémiques, les auteurs de l'article utilisent une technique d'enveloppement humide inspirée de celle développée pour les enfants atteints d'eczéma. L'animal est immergé, à l'exception de la tête, dans une baignoire remplie d'eau tiède et de paraffine liquide. L'animal est ensuite séché sans frotter, puis une couche épaisse de produit émolliant ou hydratant est appliquée. En cas de prurit sévère, du furoate de mométasone 0,1 % est ajouté localement. Ensuite, l'animal est recouvert de tissus mouillés avec de l'eau chaude durant une quarantaine de minutes. Cette technique est renouvelée une fois par jour jusqu'à ce que l'animal aille mieux (2 à 3 fois par semaine si un traitement à base de corticoïdes est en cours).

Les probiotiques jugés intéressants

Connu pour son rôle dans la santé de la peau et la fonction immunitaire, le zinc a été ajouté avec succès dans l'alimentation d'une trentaine de chiens atopiques au cours d'une étude reprise par les auteurs. Les probiotiques représentent une autre piste intéressante. De nombreux travaux ont en effet montré l'existence d'un lien entre homéostasie gastrointestinale et lésions cutanées. L'utilisation des probiotiques peut tout à fait être intégrée dans la prise en charge de la DAC, selon les auteurs. Ce serait également le cas du palmitoyléthanolamide (PEA), un agoniste des récepteurs cannabinoïdes. Plusieurs aliments industriels adaptés aux chiens atopiques ont par ailleurs été développés ces dernières années.

Eviter les contacts avec les allergènes

Les auteurs conseillent d'éviter autant que possible les contacts entre l'animal et les allergènes à risque, à l'aide de bains par exemple. En cas d'allergie aux pollens et aux plantes, il est déconseillé de sortit l'animal les jours de grand vent ou après la tonte du gazon. Les filtres à air à haute efficacité (HEPA) sont très utiles en cas de sensibilité aux poussières et aux moisissures. Dans ces cas, le couchage doit alors être changé fréquemment.

Pas de protocole standard pour la désensibilisation

Il est difficile de proposer un protocole standard de désensibilisation dans l'espèce canine, la réponse de chaque animal étant spécifique. Si l'amélioration clinique est obtenue en moyenne au bout de 6 à 8 mois, les auteurs conseillent toutefois d'attendre au moins un an avant de conclure à un éventuel échec. En cas d'allergies saisonnières, il faut parfois même 2 à 3 ans de désensibilisation avant d'obtenir un résultat satisfaisant. Certains vétérinaires, dont les chercheurs du College of Veterinary Medicine de Pomona, sont particulièrement satisfaits des résultats obtenus par rush-désensibilisation, une technique consistant à injecter des doses importantes d'allergènes en un laps de temps réduit. Ils présentent toutefois deux autres formes d'immunothérapie dans leur revue de synthèse : l'immunothérapie sublinguale (administration des allergènes par voie orale) et l'immunothérapie intra-lymphatique. Cette dernière technique, a priori très efficace, consiste à introduire par échoguidage les allergènes dans un nœud lymphatique (le ganglion poplité le plus souvent). Le protocole décrit dans l'article suisse cité en référence nécessite une administration toutes les 4 semaines, renouvelée à quatre reprises, suivie d'une phase de maintenance « classique » par voie sous-cutanée.