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Elanco & Proplan

26 février 2024

Les médecins passent à la prescription 100 % dématérialisée. Les ordonnances des vétérinaires sont hors dispositif

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

Les ordonnances sécurisées deviennent caduques avec la prescription électronique, sauf lorsque celle-ci est matériellement impossible, ou pour les prescriptions vétérinaires de stupéfiants (cliché medivia.fr).
Les ordonnances sécurisées deviennent caduques avec la prescription électronique, sauf lorsque celle-ci est matériellement impossible, ou pour les prescriptions vétérinaires de stupéfiants (cliché medivia.fr).
 

Les médecins ont l'obligation de passer à la prescription électronique d'ici à la fin de l'année. Plus largement, c'est tout ce volet de la santé humaine qui devient 100 % numérique : les prescriptions comme les délivrances.

Dans ce contexte, un décret encadrant la mise en œuvre de la prescription électronique a été publié fin décembre 2023. Ses dispositions ne s'appliquent pas aux vétérinaires. Mais il est intéressant de les découvrir, en écho aux règles de prescription vétérinaire.

Dématérialisation de la chaîne entière

La prescription électronique désigne « la dématérialisation des prescriptions de soins, de produits de santé et de prestations établies ou exécutées par les professionnels de santé et leur transmission à l'assurance maladie par voie électronique ». Toute la chaîne est donc concernée, depuis la rédaction de l'ordonnance jusqu'à l'envoi à la CAPM (ou autre caisse) pour la prise en charge des frais de santé. La prescription électronique concerne les médicaments comme toutes les autres prescriptions : analyses médicales, actes infirmiers, dispositifs médicaux…

Et le décret s'adresse à tous les professionnels de santé, les prescripteurs, notamment les médecins quelle que soit leur spécialité, comme les exécutants : le pharmacien pour la délivrance des médicaments, le kinésithérapeute pour la réalisation des soins, le laboratoire d'analyse pour le prélèvement et le traitement des échantillons, le cabinet de radiologie, l'infirmier, l'opticien, etc.

Développement d'outils compatibles

La caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) en est le maître d'œuvre, assurant la coordination du traitement des données nécessaire à cette dématérialisation (conception et réalisation). Cette mission comprend en particulier le développement des téléservices associés (du ressort de la CNAM) et des moyens techniques nécessaires à leur fonctionnement : les logiciels et plateformes qui utilisent ces téléservices sont agréés par la CNAM afin de garantir leur compatibilité. L'actualisation des logiciels métiers est gratuite pour les professionnels utilisateurs (médecins, pharmaciens, etc.).

La mission de la CNAM inclut aussi la conservation des données (pendant 5 ans).

Protection des données

Le décret précise les droits des patients, concernant en particulier les modalités d'accès aux données.

Ainsi, le patient peut s'opposer à la consultation, par le prescripteur, des données d'exécution de sa prescription électronique. Le médecin ne pourra alors pas savoir, par exemple, si son patient est bien allé chercher ses médicaments, ni dans quelle pharmacie. Cette opposition est exprimée au moment de la prescription (elle est alors enregistrée par le prescripteur dans le système et mentionnée sur l'ordonnance), ou à tout moment auprès la CPAM (ou autre assurance maladie obligatoire). C'est le prescripteur qui informe le patient de ces modalités d'opposition.

Afin de favoriser la coordination des soins, les différents professionnels de santé qui participent à la prise en charge d'un même patient peuvent rechercher les informations sur les prescriptions le concernant, ainsi que leur exécution. Cet accès se limite toutefois aux prescriptions « strictement nécessaires » dans le cadre de cette coordination des soins, de leur continuité, et dans le cadre de la prévention ou du suivi médico-social de la personne.

Dans le cas particulier d'une interruption volontaire de grossesse, la patiente peut demander que sa prise en charge soit couverte par l'anonymat. Seuls le prescripteur et l'exécutant ont alors accès aux données de la prescription électronique.

L'ordonnance papier demeure

La prescription électronique ne remplace pas l'ordonnance papier. Par défaut, le prescripteur l'édite et la remet au patient. C'est le choix du patient d'opter seulement pour l'ordonnance électronique (reçue par messagerie sécurisée sur son espace santé numérique). Il la présentera alors depuis son smartphone au pharmacien ou autre exécutant des soins prescrits (infirmier, opticien, etc.).

Cette ordonnance (papier ou numérique) comporte un dispositif d'identification (QR code), qui permettra à l'exécutant d'accéder à la prescription électronique dans le système et d'y enregistrer l'exécution.

Des cas d'exception

« À l'impossible, nul n'est tenu » : si la prescription électronique n'est techniquement pas possible – pas de connexion Internet, téléservices encore indisponibles ou inaccessibles, ponctuellement (coupure de courant) ou durablement (mais pour une cause étrangère au professionnel), –, une prescription « à l'ancienne », sous format papier, est autorisée. Pratiquer la médecine n'est pas interdit dans les zones blanches !

Dans la suite logique de cette situation, l'exécutant peut exécuter une prescription non dématérialisée.

Autre exception : en cas d'impossibilité d'identification du patient dans le système, la prescription électronique est impossible elle aussi, donc non obligatoire.

Le service de santé des armées n'est pas placé hors dispositif, sauf dans le cadre d'une mission dont les conditions font obstacle à l'usage de la voie dématérialisée.

Une autre dérogation s'applique aux prescriptions occasionnelles pour soi-même ou son entourage (ce qui concerne par exemple les médecins retraités).

Cas particulier des stupéfiants…

La prescription électronique des stupéfiants suit le même processus. Néanmoins, en cas d'impossibilité technique, une ordonnance sécurisée exclusivement papier peut être établie. Le prescripteur devra toutefois le justifier : il précisera sur l'ordonnance celui des motifs possibles de dérogation qui a empêché la prescription dématérialisée (panne Internet par exemple).

… Cas particulier des vétérinaires

Le décret mentionne ici le cas des vétérinaires, lesquels sont autorisés à prescrire des stupéfiants, sur ordonnance sécurisée.

Plus généralement, les vétérinaires ne sont pas soumis à cette exigence de prescription électronique, y compris lors de la prescription de médicaments à usage humain pour un animal dans le cadre de la cascade. Car le « patient » n'est pas le propriétaire, mais son animal, évidemment absent des systèmes d'identification de l'assurance maladie. Et les soins vétérinaires n'entrent pas dans le cadre de la législation source.

Les multiples bénéfices de la dématérialisation

En effet, ce décret est pris en application de l'ordonnance législative du 18 novembre 2020 relative à la prescription électronique, et après une longue phase expérimentale (depuis 2019).

Les objectifs de cette e-prescription sont multiples :

  • Dématérialiser et fiabiliser les échanges entre prescripteurs et exécutants,
  • Sécuriser ces échanges (limiter notamment les fraudes),
  • Amener un gain de temps aux professionnels de santé,
  • Améliorer la coordination et la pertinence des soins.

Le patient accède aussi à toutes ses prescriptions sur une interface unique (le dossier médical partagé).