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Elanco & Proplan

18 septembre 2023

Le salarié naturellement motivé n'existe pas.

À vous de le mobiliser !

par Pierre Mathevet

Temps de lecture  8 min

La quête de sens dans son travail est devenue une priorité pour une majorité de salariés. La combler est désormais une responsabilité essentielle des dirigeants pour générer de la motivation chez les collaborateurs (cliché Pierre Mathevet).
La quête de sens dans son travail est devenue une priorité pour une majorité de salariés. La combler est désormais une responsabilité essentielle des dirigeants pour générer de la motivation chez les collaborateurs (cliché Pierre Mathevet).
 

Tous les employeurs rêvent d'embaucher des salariés motivés. Comme si la motivation était un don du ciel à la naissance, ou une compétence acquise une fois pour toute. Les petites annonces de recrutement se font pourtant régulièrement l'écho de cette quête de l'oiseau rare. Hélas, utopie ! La motivation n'est ni innée, ni le fruit d'un apprentissage. Elle est clairement de la responsabilité des dirigeants. À eux de travailler les leviers de motivation des salariés, et de développer la motivation des équipes.

Car la démotivation coûte très cher à l'entreprise : une étude de 2020, menée par le groupe Apicil et le cabinet Mozart, comptabilise le coût total de la démotivation et l'évalue à 14 310 € par an et par salarié, plus de la moitié provenant du coût des arrêts de travail et le reste de l'impact des manques d'engagement et de performance. En effet, la performance (P) d'une entreprise résulte de la multiplication de deux facteurs. Elle est le produit de l'indispensable compétence (C), d'une part, et de la motivation (M), d'autre part : P= CxM. La baisse de la motivation impacte directement la performance de l'entreprise !

La projection dans un futur gagnant comme base de la motivation

Les définitions de la motivation sont nombreuses, tellement ce terme peut avoir des dimensions variables (individuelles et collectives) et ses racines sont complexes à cerner. Retenons celle de Robert Vallerand, professeur de psychologie au Québec : « La motivation est le moteur, l'énergie intérieure, produisant le déclenchement, la direction, l'intensité et la persistance du comportement pour atteindre un but ». Ainsi, d'emblée, la motivation est directement liée à l'envie d'atteindre un but, à la réussite d'un objectif. Pas de motivation sans une capacité optimiste à se projeter dans le futur, à anticiper une récompense. Qui dit objectif, dit émotion, et incertitude d'atteindre cet objectif, peur de l'échec. Ce lien entre motivation et émotion se retrouve étymologiquement dans la racine latine commune des termes mouvement, motivation et émotion, racine qui est motio.

Depuis la nuit des temps, notre cerveau s'est façonné à travers les deux grands circuits qui le traversent. Celui de la menace et de la peur d'une part (les émotions désagréables), activé par des neuromédiateurs et hormones comme le cortisol et l'adrénaline. Et celui de la récompense et du plaisir, qui met en branle l'ocytocine, la dopamine, la sérotonine et les endorphines. Si l'effort est perçu comme supérieur à la récompense, la motivation n'existe pas. À l'inverse, si l'espoir du gain est supérieur aux efforts supposés à fournir pour l'obtenir, alors naît la motivation. La motivation du coureur à pied sera maximale pour aller s'entraîner si son objectif de battre son record sur le marathon lors de la prochaine course est réaliste. La joie supposée est supérieure à l'effort d'aujourd'hui. Et donc, en réalité, la personne la plus motivée dans le recrutement est le recruteur lui-même. Il est motivé pour trouver quelqu'un le plus vite possible.

Les origines de notre motivation

La motivation est l'énergie qui va permettre d'éprouver une émotion agréable, donc de remplir son ou ses besoins. Les besoins de l'individu sont constitués à la fois des besoins communs à tous ses congénères (reconnaissance, appartenance, sécurité...), et d'autres qui sont très personnels (justice, indépendance, respect, etc.). L'intensité de ces besoins et les marqueurs de leur comblement seront variables d'une personne à l'autre. Ils sont façonnés par notre éducation et notre tendre enfance. Les sources de motivation sont donc très personnelles, leur découverte nécessite de s'intéresser à chacun de ses salariés.

Les leviers de la motivation peuvent être intrinsèques, sous la dépendance exclusive de l'individu, ou extrinsèques, en rapport avec l'environnement dans lequel baigne cet individu. Parmi les leviers de motivation extrinsèques, en lien avec l'entreprise, se trouvent la rémunération, les primes, les conditions de travail. Parmi les leviers intrinsèques, intimes et individuels, sont clairement identifiés l'autonomie, la formation, l'acquisition de nouvelles compétences, et le sens de son travail, le sentiment de contribuer à quelque chose de plus grand que nous. Les véritables boosters de motivation sont les facteurs intrinsèques. Ils sont beaucoup plus puissants et surtout beaucoup plus durables que les facteurs extrinsèques. Si nous considérons que nous réalisons un travail en autonomie, avec les compétences requises et que ce travail est valorisant à nos yeux, alors nous sommes motivés, et durablement.

Enfin, le besoin de reconnaissance est un besoin fondamental de l'être humain. Entendre un « merci pour votre travail, votre implication, votre engagement... », ou tout autre signe de reconnaissance positive, contribue très fortement à la motivation des collaborateurs. Bien entendu, ces signes ne possèdent de la valeur aux yeux de celui ou celle qui les reçoit, que s'ils sont authentiques et sincères, s'ils sont ancrés dans une réalité partagée. Cela est une voie essentielle dans les entreprises aujourd'hui pour développer la motivation des salariés.

La motivation est limitée dans le temps, surtout la motivation extrinsèque

La motivation dépend de l'environnement dans lequel nous agissons et elle est limitée dans le temps. Elle disparaît d'office avec l'atteinte de l'objectif. Si bien que nous sommes motivés par quelque chose pendant une certaine durée. Par exemple, la personne qui est en processus de recrutement peut être sincèrement motivée par le fait de rejoindre votre entreprise. Mais la motivation risque de cesser de fait quand il ou elle aura signé son CDI, ou accédera au nouveau poste espéré. Il sera nécessaire alors de trouver ou d'actionner d'autres leviers de motivation. La quête est permanente et continue, car les objectifs évoluent en fonction des circonstances.

D'où l'intérêt de travailler les facteurs intrinsèques, même s'ils sont moins visibles et très individuels, car ils sont beaucoup plus durables que les facteurs extrinsèques. Si nous acceptons une nouvelle mission et que nous avons une augmentation de salaire pour cette nouvelle mission, au bout de quelques mois cette augmentation est noyée dans notre salaire. Nous en perdons la perception. Alors notre motivation s'éteint rapidement. Les avantages gagnés deviennent des acquis, les fameux acquis sociaux, qui ne sont plus du tout une source de motivation. Lorsque la carotte est atteinte et mangée, alors l'énergie pour avancer s'est évanouie.

Les questions pour évaluer le niveau de motivation des collaborateurs

Identifier les leviers de motivation individuels nécessite de s'intéresser de manière fine à ses collaborateurs. La seule personne qui connaît les clés de sa propre motivation est bien entendu le salarié lui-même. L'interroger sur ses sources de motivation est donc à faire dès l'entretien de recrutement, par exemple en se basant sur des questions comme : « Pourquoi souhaitez-vous rejoindre notre équipe ? », « Quels sont les éléments que vous connaissez et qui vous attirent le plus dans notre entreprise ? », « En rejoignant notre entreprise, qu'est-ce que vous espérez trouver que vous n'aviez pas dans votre poste précédent ? », et même plus directement, « Quelles sont vos sources de motivation personnelles dans votre travail ? ».

Et bien entendu, puisque notre motivation évolue sans cesse au cours de notre vie, il est nécessaire de l'évaluer régulièrement chez ses collaborateurs, afin de pouvoir l'entretenir. Certaines questions lors des entretiens, en particulier l'entretien individuel annuel ou l'entretien professionnel, deviennent primordiales, formulées par exemple comme suit :

  • « Pour quoi (en 2 mots !) vous levez-vous le matin pour venir travailler ici ? »
  • « Qu'est-ce que cela vous apporte de venir travailler ici ? »
  • « Selon vous, à quoi sert votre travail au quotidien dans notre structure ? »
  • « Qu'est ce qui fait sens pour vous dans votre travail ? »
  • « À quoi contribuez-vous en venant travailler ici ? »
  • « En quoi votre métier est-il passionnant pour vous ? »
  • « Votre motivation serait décuplée si quoi ? »
  • « Qu'est ce qui pourrait se passer dans l'équipe qui vous conduirait à démissionner ? »…

Les tueurs les plus fréquents de la motivation au travail

Même si la motivation est individuelle, certains comportements ont un impact négatif sur la motivation d'une majorité de collaborateurs. Et avant de s'employer à les mobiliser et les motiver, il est déjà précieux de ne pas les démotiver. Les dix principales causes de démotivation sont :

  • Le manque d'écoute de la hiérarchie ;
  • Le manque de données sur la direction dans laquelle veut aller l'entreprise ;
  • Un manque d'équité dans les décisions ;
  • Le sentiment de ne pas avoir les moyens de faire un travail de qualité ;
  • L'excès de contrôle, la vérification permanente et donc l'absence d'autonomie ;
  • Le manque de confiance dans l'équipe ;
  • Le sentiment de ne pas être soutenu par ses collaborateurs en cas de difficulté personnelle temporaire ;
  • Un équilibre temps personnel/temps professionnel insatisfaisant ;
  • Les injonctions paradoxales (« soyez créatif, mais ne sortez pas du cadre que je vous donne » !) ou les demandes contradictoires de la part de plusieurs dirigeants.

De la motivation individuelle à la dynamique d'équipe

Et comme la motivation est émotion, elle suit la même dynamique. Car avec les neurones miroirs que nous possédons tous, nous avons la capacité à interagir avec ceux qui nous entourent et nous avons inconsciemment un effet contagieux sur les émotions ressenties par les autres. Lorsque notre entourage pleure devant un film triste à la télévision, nous copions bien involontairement ce comportement, leur émotion désagréable est devenue aussi notre tristesse. Donc la motivation de certains salariés aura un impact positif sur celle du reste de l'équipe. La dynamique d'équipe repose sur la capacité d'un certain nombre de collaborateurs de témoigner, par leur comportement, de leur motivation et de leur satisfaction à atteindre leur objectif. Ainsi, écrire la mission commune de l'entreprise et/ou partager sa vision auront un impact sur la motivation des collaborateurs, en développant le sens de leur engagement et en leur donnant une vision positive d'avenir. Par exemple, chez Orange, le travail à réaliser n'est plus « d'installer des poteaux téléphoniques et des câbles ». Il est devenu une véritable mission : « relier les hommes ». L'impact sur la motivation est évident !

Et bien entendu attention, car cela est aussi vrai dans l'autre sens. La démotivation de certains peut contaminer plusieurs personnes, impactant alors l'ambiance et la performance de l'équipe. Identifier les personnes démotivées, ou activement désengagées, voire toxiques, et corriger leurs comportements, est une urgence.

Finalement, en réalité, on ne motive pas quelqu'un, on le mobilise pour qu'il ait envie de passer à l'action en suivant toujours le même cycle : Besoin, Action, Motivation, Détente.