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Elanco & Proplan

8 septembre 2023

Chien épileptique : risque de crise dans les 24 heures suivant une ballade prolongée

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

D'après Cameron et al., JSAP 2023
D'après Cameron et al., JSAP 2023
 

Les scientifiques ont été surpris de leurs résultats, qui s'écartent de ceux observés chez l'homme. Chez les patients épileptiques, une augmentation du niveau d'activité physique habituel réduit la fréquence des crises ultérieures ; seule une petite proportion d'entre eux rapportent au contraire une augmentation de ces crises, en particulier suite à une activité intense. Des observations voisines sont documentées aussi dans le cadre expérimental chez les rongeurs. Mais cette nouvelle étude évoque l'inverse chez le chien.

53 chiens présentant des crises sporadiques sous traitement

Pour évaluer cela, les auteurs de cette étude américaine, menée à l'école vétérinaire de Madison (Wisconsin), et dont ils publient les résultats en libre accès dans le JSAP, ont recruté 53 chiens atteints d'épilepsie idiopathique.

Les animaux, âgés entre 1 et 9 ans, étaient atteints depuis au moins 6 mois et avaient déjà présenté au moins 2 crises d'épilepsie généralisées. Ils étaient sous traitement antiépileptique, et la fréquence résiduelle des crises devait être d'au moins une tous les 3 mois. Ils ne présentaient pas de maladie chronique concomitante, ni de traitement spécifique autre (hormis les traitements antiparasitaires prophylactiques usuels).

Leur alimentation, et surtout leurs routines quotidiennes (activités et phases de repos/sommeil) étaient renseignées par le propriétaire avant de commencer l'étude.

Enregistrement des activités et des crises d'épilepsie

Durant la période d'étude (6 mois), chaque chien a été équipé d'un détecteur d'activité (accéléromètre connecté fixé à un collier) dont les données collectées ont été transmises aux auteurs. Celles-ci ont permis d'établir les niveaux d'activité moyenne hebdomadaire pour chacun (niveau de référence, estimé sur 14 jours).

Durant les 3 premiers mois, les instructions étaient de ne pas changer ses habitudes. Ensuite, deux groupes de chiens ont été formés au hasard, d'effectif équivalent. Dans le groupe test, il était demandé aux propriétaires d'augmenter d'au moins 20 % le niveau d'activité moyen du chien (ce qu'ils n'ont pas toujours réussi à faire). Des objectifs concrets étaient donnés à chaque propriétaire, basés sur l'activité moyenne individuelle de son animal : une promenade plus longue par exemple. Dans le groupe témoin, il était préconisé de ne rien changer.

Le propriétaire complétait également un carnet de suivi des crises épileptiques, où il précisait la date, l'heure, la durée et le type de chaque épisode (crise généralisée ou focale). Les auteurs ont pu en tirer l'incidence journalière des crises, durant les 6 mois d'étude. Et ils ont recherché les liens entre cette incidence et l'augmentation de l'activité observée (par tranche de +10 %), en considérant l'éventuel impact d'autres paramètres liés à la période (jour de la semaine et mois), à l'animal (âge, sexe, statut sexuel), au traitement (dosage des médicaments).

Des effets opposés à ceux chez l'homme

Dans l'analyse multivariée, qui prend donc en compte ces autres paramètres, les résultats montrent une augmentation significative de l'incidence des crises épileptiques durant le jour suivant une augmentation modérée de l'activité : entre 10 et 30 % (voir figure en illustration principale). Ce constat est donc à l'opposé de ce qui est rapporté chez l'homme. Et il apparaît ainsi contre-productif de conseiller d'augmenter l'exercice physique chez un chien apparemment réfractaire au traitement antiépileptique ; il s'agit finalement là de l'objet final de ces recherches. Une surveillance particulière de l'animal après une séance un peu plus active que d'ordinaire serait donc même à recommander.

Les auteurs rappellent que les médecins conseillaient historiquement aux patients épileptiques de limiter l'exercice physique, en cas de crise ou s'il semble la générer (hypothétiquement en lien avec l'hyperthermie, l'hypoglycémie ou l'hyperventilation associée, ou encore la fatigue et le stress et leurs conséquences métaboliques). Mais les récentes études sur le sujet montrent plutôt une réduction de la fréquence de ces crises, pendant et après, traduisant potentiellement un effet neuroprotecteur de ce type d'activité, au-delà du bien-être physique et émotionnel que le sport apporte à ces personnes. La transposition ne semble pas opportune dans l'espèce canine.

Il existe néanmoins une petite proportion de patients épileptiques (jusqu'à 10 %) qui semble vivre le contraire des autres (avec des crises plus fréquentes après une activité plutôt intense). Cet effet pourrait dépendre du type d'épilepsie présenté, en particulier les épilepsies idiopathiques ou d'origine génétique chez cette catégorie de patients, qui sont plus proches des types d'épilepsie canine.

Chez le chien toutefois, dans cette étude, l'incidence des crises reste inchangée lorsque le niveau d'activité est augmenté plus fortement (de 40 ou 50 %), de même que lorsqu'il est resté stable (voir figure).

Incidence plus élevée lorsque les jours raccourcissent

Indépendamment du niveau d'activité, les crises sont plus nombreuses en automne (septembre, octobre et novembre) par comparaison à janvier ; chez l'homme, les hospitalisations des patients épileptiques sont aussi plus nombreuses les mois d'hiver où la luminosité des journées est réduite.

Sur la semaine, elles sont moins fréquentes les mercredis par comparaison aux lundis. Sauf à considérer que les chiens sont moins actifs en milieu de semaine (ce qui est souvent vrai par comparaison aux week-ends), il pourrait s'agir d'un artéfact, par défaut d'observation du chien. Le signalement des crises est en effet basé sur du déclaratif, ce qui représente l'une des limites de ces travaux, les crises survenant la nuit étant moins facilement observées par le propriétaire par exemple, alors qu'elles sont fréquentes.

Par ailleurs, l'incidence des crises apparaît supérieure chez les chiens traités avec des doses élevées de lévétiracétam.

La même équipe de chercheurs avait déjà observé qu'augmenter l'activité des chiens épileptiques était associé à une meilleure qualité de sommeil, mais à une augmentation de la fréquence mensuelle des crises (voir LeFil du 17 novembre 2022) ; c'est ce second point qu'elle a souhaité préciser dans cette nouvelle analyse des données récoltées.