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2 février 2023

Risque élevé de séquelles neurologiques lors de méningite ou méningoencéphalite bactérienne chez le chien

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

8 des 24 chiens de cette étude sont des bouledogues français, potentiellement prédisposés aux otites moyennes, une infection de l'oreille étant le foyer infectieux primaire fréquent dans les cas de méningites bactériennes (cliché Pixabay).
8 des 24 chiens de cette étude sont des bouledogues français, potentiellement prédisposés aux otites moyennes, une infection de l'oreille étant le foyer infectieux primaire fréquent dans les cas de méningites bactériennes (cliché Pixabay).
 

Les méningites et méningoencéphalites bactériennes sont des maladies graves, associées chez l'homme à un taux élevé de mortalité et de fréquentes séquelles neurologiques. Les données sur leur pronostic chez le chien étant parcellaires, des cliniciens britanniques ont réalisé une étude rétrospective sur 24 cas.

24 cas sur une période de 10 ans

Ces cas avaient été diagnostiqués et pris en charge dans l'un des 5 centres de référés participant à l'étude, entre 2010 et 2020. Ce sont donc des maladies relativement rares.

Un prélèvement de liquide céphalorachidien afin de confirmer le diagnostic avait été systématiquement effectué. Les cas d'empyème ou d'abcès intracrânien étaient exclus (ce sont des cas particuliers requérant une décompression chirurgicale en urgence).

Les 24 cas recensés étaient des chiens d'âges variés (2 mois à 10 ans, avec une médiane à 4,2 ans), de sexe mâle à 63 % (15/24). La race la plus représentée est le bouledogue français, avec 8 cas.

Infection aiguë

Ces maladies évoluent généralement de manière aiguë, plus de la moitié des chiens (13/24 soit 54 %) ont été présentés (référés) dans les 48 heures suivant l'observation des premiers signes cliniques. 4 autres (soit 17 %) ont été présentés dans les 3 à 7 jours, et 7 (29 %) après plus de 7 jours. La médiane est ainsi à 2 jours.

Les chiens, notamment ceux référés plus tardivement, avaient généralement été traités par des antibiotiques et/ou des corticoïdes ou des AINS, en première intention, sans amélioration clinique. Les corticoïdes à dose immunosuppressives sont en effet le traitement de première ligne du syndrome méningite-artérite cortico-répondant (SRMA), bien plus fréquent et qui entre dans le diagnostic différentiel des méningites bactériennes.

Déficits neurologiques à 75 %

L'examen clinique n'a montré que 3 cas d'hyperthermie (13 %). Il a permis de suspecter un foyer infectieux primaire dans 11 cas (46 %), le plus souvent une otite (chez 9 chiens).

À l'examen neurologique, les trois-quarts des chiens (18/24) présentaient des anomalies :

  • Une altération de l'état mental (chez 12 chiens),
  • Une ataxie (8),
  • Un état non ambulatoire (8),
  • Une tête penchée (8),
  • Un déficit des réactions posturales (3),
  • Un déficit des nerfs crâniens (13), le plus souvent un nystagmus (10) ou un strabisme (6).

Une hyperesthésie cervicale était présente chez 10 chiens, dont 5 sans troubles neurologiques associés.

Chez l'homme, ces maladies se manifestent souvent par la triade hyperthermie/raideur du cou/altération de l'état mental, ce qui ne semble donc pas être le cas dans l'espèce canine (seuls 2 chiens présentaient cette triade). Toutefois, un traitement avait généralement été initié avant de référer l'animal, ce qui a pu normaliser certains paramètres, notamment la température corporelle.

Diagnostic sur examen de LCR

Quelques anomalies sont détectées aux analyses de sang, en particulier une neutrophilie (12 cas) et une monocytose (8 cas).

Une IRM est quasi-systématiquement effectuée (chez 22 chiens ici), mais c'est l'analyse du liquide céphalorachidien (LCR) qui apporte le diagnostic de certitude, mettant en évidence chez tous les chiens une pléocytose neutrophilique (généralement marquée), la présence de bactéries à la cytologie chez 16 d'entre eux (67 %), et suite à la mise en culture chez 8/21.

L'IRM en revanche a permis de détecter ou confirmer la présence d'une otite moyenne ou interne, dans 14 cas (70 %). Les méningites et méningoencéphalites bactériennes résultent effectivement souvent de l'extension d'un foyer infectieux primaire, touchant notamment les structures voisines comme l'oreille (15 cas sur 24 ici). Les chiens concernés étaient en large majorité des races brachycéphales (12/15), à l'exemple du bouledogue français, races potentiellement prédisposées aux otites moyennes.

Les autres origines de l'infection comprennent les septicémies, la migration d'un corps étranger, une inoculation traumatique ou iatrogénique (identifiées chez aucun chien de l'étude).

Longue antibiothérapie

Le traitement des méningites et méningoencéphalites bactériennes repose avant tout sur une antibiothérapie (molécules et posologies très variables selon le cas), associée à une analgésie et, au besoin, à une corticothérapie à dose anti-inflammatoire (75 % des cas ici, durant 3 jours en médiane).

La durée totale de l'antibiothérapie est relativement longue : jusqu'à 16 semaines, et 8 semaines en médiane.

En outre, chez 6 chiens, une chirurgie de l'oreille a été pratiquée afin d'éliminer le foyer primaire (ostéotomie de la bulle, ablation du canal auriculaire). Chez ces chiens, l'antibiothérapie a été de plus courte durée (3 semaines en médiane).

17 % de mortalité

4 chiens ont été euthanasiés durant l'hospitalisation, en raison de l'absence d'amélioration clinique ou de la survenue de complications (pneumonie par aspiration).

Les autres chiens (20/24 soit 83 %) ont été rendus à leur propriétaire, après une durée d'hospitalisation relativement courte (2,5 jours).

Il est rapporté par ailleurs qu'un traitement antibiotique agressif et précoce, et le traitement chirurgical lors de méningite otogénique, améliorent le pronostic de ces maladies.

Des séquelles neurologiques fréquentes

L'un des chiens a présenté une probable rechute (non confirmée), une semaine après l'arrêt de l'administration des antibiotiques prescrits, traitée efficacement par une nouvelle antibiothérapie (pendant 15 jours).

Un suivi des chiens survivants (au moins 3 semaines près le diagnostic) a pu être renseigné pour 19 des 20 chiens concernés. Il montre que 47 % d'entre eux (9/19) ont conservé des séquelles neurologiques de la maladie : tête penchée dans 6 cas, parésie ou paralysie des nerfs faciaux dans 2 cas, ataxie intermittente dans 4 cas. Ces séquelles sont donc fréquentes mais restent légères. Elles concernaient dans 8 cas des méningites otogéniques.