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25 janvier 2023

Carré : ne pas juger de l'infectiosité d'un chien convalescent à partir d'une PCR

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Évolution de la charge génomique (en valeurs de Ct issue de la RT-PCR quantitative) des écouvillons nasaux ou pharyngés de chiens atteints de maladie de Carré, en fonction du temps depuis le premier prélèvement, chez six chiens pour lesquels de multiples prélèvements étaient disponibles a posteriori (Allen et coll., 2023).
Les cercles rouges indiquent les échantillons avec isolement viral positif. Les cercles noirs indiquent les échantillons à isolement viral négatif. Les cercles gris indiquent les échantillons où seule la qRT-PCR a été effectuée. La ligne verte est le seuil de détection de la qRT-PCR ; les deux astérisques marquent un flacon cassé (peut avoir affecté les résultats de l'isolement viral).
Évolution de la charge génomique (en valeurs de Ct issue de la RT-PCR quantitative) des écouvillons nasaux ou pharyngés de chiens atteints de maladie de Carré, en fonction du temps depuis le premier prélèvement, chez six chiens pour lesquels de multiples prélèvements étaient disponibles a posteriori (Allen et coll., 2023).
Les cercles rouges indiquent les échantillons avec isolement viral positif. Les cercles noirs indiquent les échantillons à isolement viral négatif. Les cercles gris indiquent les échantillons où seule la qRT-PCR a été effectuée. La ligne verte est le seuil de détection de la qRT-PCR ; les deux astérisques marquent un flacon cassé (peut avoir affecté les résultats de l'isolement viral).
 

C'est une information pertinente avant tout pour les refuges, estiment ces virologistes et infectiologues vétérinaires américains : les sujets atteints de maladie de Carré restent excréteurs (infectieux) pendant leur début de convalescence (s'ils survivent à la phase aiguë), mais pas aussi longtemps que le laisserait supposer une analyse PCR. L'information est d'autant plus utile qu'elle n'est pas le fruit d'une inoculation expérimentale, mais d'une étude rétrospective conduite à partir des données de 98 refuges.

Presque un an en PCR

Ces auteurs ont collecté auprès des refuges les données de 5 920 chiens pour lesquels un test de détection du génome du virus de la maladie de Carré avait été réalisé (en RT-PCR quantitative), entre mai 2014 et juin 2020. Le motif d'un tel dépistage était soit une suspicion clinique de maladie de Carré sur l'animal, soit un dépistage au cours d'un épisode de maladie de Carré dans le refuge. Les analyses ont été réalisées dans un unique laboratoire de diagnostic universitaire, et les prélèvements (écouvillons nasaux) étaient réalisés par un vétérinaire ou un employé du refuge formé à cette tâche. Les auteurs ont obtenu 1 393 chiens positifs, dont 968 pour lesquels un seul prélèvement avait été trouvé positif (même si plusieurs avaient été effectués). Pour les 425 autres chiens, il y avait au moins deux résultats positifs. Dans cette population, les auteurs distinguent deux groupes :

  • 100 chiens qui, après le dernier test positif, ont été perdus de vue (pas de répétition du test pour savoir quand l'excrétion du génome viral prenait fin),
  • et 325 chiens pour lesquels un suivi de l'excrétion était disponible, avec des résultats négatifs en qRT-PCR pour les prélèvements les plus tardifs.

Au sein de ces deux groupes, la durée entre le premier et le dernier test positif variait entre 3 et 354 jours. Pour le groupe avec suivi, la durée moyenne d'excrétion était de 43,7 jours (médiane à 34 jours), et à 62 jours, un quart des chiens était encore positif en qRT-PCR.

3 sur 6 excréteurs

Comme la présence du génome viral ne signifie pas que l'animal excrète du virus infectieux, les auteurs ont utilisé les prélèvements congelés pour rechercher la présence du virus (par isolement viral) dans deux types de prélèvements :

  • les écouvillons représentant le premier prélèvement d'un chien et ayant fourni une valeur de Ct faible (<26,6), indicatrice d'un probable début d'infection. Pour cet animal, plusieurs prélèvement ont été réalisés par la suite ;
  • les écouvillons positifs d'un prélèvement répété, éloigné dans le temps d'un premier résultat positif (2 mois voire plus) et toujours positif.

Autant le dire tout de suite, il n'y a que 6 chiens (provenant de 3 refuges) dont les prélèvements répondaient à ces deux exigences : ils avaient été prélevés chacun au moins 5 fois et au plus 7 fois. Pour autant, seuls 3 des 6 chiens ont fourni un isolement viral positif (excrétion de virus infectieux) et aucun au-delà de 14 jours après le début de l'infection (voir l'illustration principale). Cela indique que l'excrétion de virus infectieux ne se prolonge probablement pas après le pic de l'infection. Car les auteurs ont comparé la performance de l'isolement viral à celui de leur qRT-PCR pour des souches de laboratoire : quand le Ct était inférieur à 37, l'isolement viral était toujours positif. Dans le cas présent, des prélèvements ayant une valeur de Ct<37 ont été obtenus, mais ils étaient négatifs en isolement viral : il n'y avait que du génome viral dans ces prélèvements, non du virus infectieux.

RT-PCR et risque infectieux

« La qRT-PCR est très sensible et peut continuer à détecter l'excrétion d'ARN viral sur des périodes prolongées, ce qui rend crucial de différencier le moment où cette excrétion indique un risque infectieux continu et celui où le risque a disparu », expliquent les auteurs. Pour les trois autres chiens, négatifs en isolement viral, les courbes des résultats de la qRT-PCR « suggèrent que le moment du prélèvement a pu commencer après le pic d'excrétion virale ». En pratique, ils estiment que, « attendre une qRT-PCR négative, ou une série de deux résultats négatifs, pour estimer que le chien ne représente plus un risque infectieux, conduiraient à des périodes de claustration très longues », puisque les chiens continuent à être positifs avec ce test. Les auteurs rappellent qu'en humaine, des sujets infectés par le virus de la rougeole, ancêtre direct du virus de la maladie de Carré, ne sont plus considérés comme infectieux 4 jours après l'éruption cutanée (qui se produit 10 à 14 jours après le début de l'infection.

Un marqueur de l'infectiosité ?

Mais les auteurs entrevoient une autre application pratique à leurs résultats : « le pic de charge virale et les jours qui l'entourent pourraient être utilisés comme un marqueur fonctionnel, pour évaluer la fin du risque infectieux ». Selon eux, disposer d'un second résultat d'une nouvelle analyse après le pic de charge viral, pour lequel « la charge virale a diminué (par rapport au pic) semble indiquer que le potentiel infectieux est très probablement passé et que le chien peut être considéré » comme non contagieux. Ils soulignent que « des recherches supplémentaires sont déjà en cours, pour clarifier si le marqueur de la charge virale diminuant à partir du pic sera corrélé de manière cohérente avec la fin du risque infectieux. D'autres études sont également nécessaires pour déterminer si l'utilisation d'un tel marqueur est pratique et permet de sauver des vies en cas d'épizootie ».