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25 novembre 2022

27 experts en médecine féline partagent leurs astuces pour réduire le stress des chats en consultation

par Corinne Descours-Renvier

Temps de lecture  6 min

Une piste pour diminuer le stress du chat est de s'assurer que son transport à la clinique ait lieu dans de bonnes conditions. (Crédit Sokratyks)
Une piste pour diminuer le stress du chat est de s'assurer que son transport à la clinique ait lieu dans de bonnes conditions. (Crédit Sokratyks)
 

Dans son numéro dédié à la médecine féline paru en novembre 2022, la revue américaine Journal of Feline Medicine and Surgery (JFMS) publie un guide de bonnes pratiques visant à améliorer la prise en charge des chats dans les cabinets et cliniques vétérinaires. Fruit d'une collaboration internationale, ce document a été développé à l'initiative de l'International Society of Feline Medicine (ISFM) et de l'American Association of Feline Practitioners (AAFP).

Les chats, des animaux très sensibles aux mauvaises expériences

Dans ce guide, vingt-sept experts en médecine et en comportement félins partagent leurs astuces pour réduire le stress des chats lors de leur venue à la clinique vétérinaire. C'est en effet un enjeu majeur chez ces animaux qui possèdent une excellente mémoire ! Un seul évènement négatif survenu durant une consultation peut en effet suffire à empêcher le bon déroulement des visites suivantes…

Dans une étude réalisée auprès de 1000 propriétaires de chats ayant consulté un vétérinaire, 88,7 % des maîtres ont ainsi observé une baisse significative du bien-être de leur animal, non seulement durant la consultation, mais aussi avant et après la visite (Mariti C et al. J Appl Anim Welf Sci 2016; 19: 375–384). Cette constatation risque de faire hésiter les propriétaires les plus sensibles au confort de leur chat à le ramener ensuite dans une clinique vétérinaire…

Pour les rassurer, les auteurs du guide conseillent aux praticiens d'adopter systématiquement une approche personnalisée, tenant compte des antécédents de l'animal.

Le transport, une étape trop souvent négligée

La première piste pour diminuer le stress du chat est de s'assurer que son transport à la clinique ait lieu dans de bonnes conditions. Les auteurs du guide préconisent pour cela d'habituer l'animal à être manipulé et transporté dès son plus jeune âge. Les vétérinaires ont tout à gagner à conseiller les propriétaires sur la meilleure façon de transporter leur chat. Pourtant, plus de 75 % des maîtres interrogés par les experts de l'ISFM et de l'AAFP déclarent ne jamais avoir reçu de conseils dans ce domaine.

Des vidéos ou des fiches conseils peuvent facilement être mises à leur disposition pour réaliser cet apprentissage. Des exemples sont disponibles sur le site du JFMS (cf. infra).

Attendre et observer avant d'interagir avec le chat

Une fois à la clinique, l'attente devrait être la plus courte possible. Le chat sera ensuite installé dans une salle spécialement aménagée, avec si possible des couvertures et des paniers à larges bords. Les auteurs du guide conseillent d'éviter de changer de salle en cours de consultation, même pour réaliser une prise de sang par exemple.

Une fois dans la salle, la caisse de transport du chat sera ouverte, si possible par le haut. L'étape suivante est de patienter en observant le comportement du chat. L'animal sera en effet moins stressé si c'est lui qui initie l'action. Pour inciter le chat à interagir, le praticien peut toutefois se placer à sa portée et lui tendre la main, sans se pencher au-dessus de lui, ni le regarder directement dans les yeux.

Le premier contact se fait au niveau de la tête et du cou, de préférence au niveau des glandes faciales du chat. Avant de poursuivre, on attend quelques secondes pour vérifier que l'interaction convient à l'animal. Un chat qui cligne lentement des yeux se sent particulièrement bien disposé à l'égard du vétérinaire.

Il est ensuite conseillé de privilégier les mouvements lents et prévisibles et d'adopter une voix douce et calme.

Une contention devrait laisser un maximum de liberté à l'animal

Pour les experts de l'ISFM et de l'AAFP, il est essentiel que le chat ait l'impression de conserver un maximum de liberté. L'animal devrait donc être tenu le moins possible et disposer d'une certaine latitude dans le choix de sa position, qui devrait rester naturelle.

Il ne faut pas hésiter à faire des pauses au cours de la consultation, si nécessaire. L'animal dispose d'un endroit où se cacher s'il le souhaite, le plus souvent sous une couverture.

Savoir faire preuve de flexibilité durant l'examen clinique

Une bonne connaissance du langage corporel du chat permet d'identifier précisément ses émotions et d'adopter l'attitude la plus adaptée. Reconnaître les signes d'émotions négatives comme la peur, l'anxiété ou la frustration réduit en particulier le risque de blessures, à la fois pour le chat et l'équipe soignante !

Si l'examen clinique se fait classiquement de la tête vers la queue, les auteurs du guide conseillent de se rester flexible, en conservant pour la fin l'inspection des endroits les plus sensibles. L'utilisation d'une échelle évaluant la douleur comme la Feline Grimace Scale (felinegrimacescale.com) facilitera l'identification des zones les plus douloureuses.

Du bon usage des anxiolytiques

Le recours aux anxiolytiques est parfois nécessaire pour examiner correctement l'animal. En fonction des antécédents du chat, ces molécules pourront être administrées par le propriétaire à son domicile avant la consultation (gabapentine = 100 à 200 mg/chat ou 20 mg/kg per os 2 à 3 heures avant la première source de stress ; trazodone = 50 à 100 mg/chat ou 10 à 100 mg/kg per os 60 à 90 min avant la première source de stress). De même, en cas de douleur associée, l'utilisation d'antalgiques peut être indiquée avant de manipuler l'animal.

Les experts de l'ISFM et de l'AAFP conseillent par ailleurs d'examiner systématiquement les chats errants après sédation ou anesthésie, pour leur éviter des frayeurs inutiles.

Limiter le stress au cours des examens complémentaires

Il existe également quelques moyens très simples de limiter le stress des chats au cours des examens complémentaires les plus courants.

Les désinfectants alcoolisés sont déconseillés dans l'espèce féline, les chats étant très sensibles à leur odeur.

Lorsqu'un prélèvement de sang ou d'urines est nécessaire, les auteurs du guide suggèrent d'en ponctionner davantage et de stocker l'excédent 24 à 48 heures, au cas où d'autres paramètres doivent finalement être évalués.

Une prise de sang à la jugulaire se réalise, de préférence, en levant doucement la tête de l'animal, sans tenir ses pattes. En cas de besoin, on limitera les mouvements du chat à l'aide d'une simple couverture.

Pour minimiser le stress et la douleur de l'animal, les experts de l'ISFM et de l'AAFP conseillent par ailleurs de réaliser une anesthésie locale avant de poser un cathéter, de changer d'aiguille entre le prélèvement d'un médicament dans un flacon et son administration ou encore de réduire le nombre d'injections faites au chat, en mélangeant dès que possible les produits compatibles.

Éviter l'hospitalisation dans l'espèce féline

Les auteurs du guide déconseillent d'hospitaliser les chats. Si toutefois un animal ne peut pas recevoir les soins nécessaires à son domicile, il faudra vérifier auprès de ses maîtres quelle alimentation il reçoit habituellement et quel type de litière il utilise. Les propriétaires du chat pourront également fournir une couverture portant leur odeur.

Durant l'hospitalisation, les interactions de l'équipe vétérinaire avec l'animal se limiteront au minimum. Si le chat a besoin de distractions, des jouets et autres enrichissements de son milieu pourront lui être proposés.

Ses médicaments seront de préférence donnés dans des friandises. Enfin, si le port d'un carcan s'avère indispensable, on choisira de préférence un collier doux de type élisabéthain.

Les friandises, des outils sous-utilisés chez le chat

Il existe plusieurs raisons de donner une friandise à un chat durant une consultation : établir un lien avec lui, le distraire, le récompenser d'un bon comportement… On croit souvent que les chats ne sont pas sensibles aux récompenses : c'est pourtant le cas pour la majorité d'entre eux !

Si le vétérinaire souhaite donner une friandise, mieux vaut la poser sur la table de consultation que la donner à la main.

Les gourmandises molles sont généralement très appréciées, mais on peut demander aux propriétaires des chats les plus difficiles d'apporter les friandises préférées de leur animal.

Faire évoluer ses pratiques à son rythme

Les experts de l'ISFM et de l'AAFP encouragent les praticiens à faire évoluer leurs pratiques à leur rythme, en fonction de leur envie et de leurs possibilités. L'important, c'est que l'ensemble du personnel soit impliqué dans l'accueil des chats à la clinique et tienne compte des spécificités de l'espèce féline.

Chaque animal étant différent, les auteurs du guide suggèrent par ailleurs de conserver une trace de ce qui fonctionne ou pas pour chaque patient.