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21 septembre 2022

Hepatozoon canis : une transmission verticale est possible

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Visualisation microscopique d'un gamonte d'Hepatozoon canis dans le sang d'un chien naturellement infecté (cliché Wikimedia Commons).
Visualisation microscopique d'un gamonte d'Hepatozoon canis dans le sang d'un chien naturellement infecté (cliché Wikimedia Commons).
 

Un seul cas de transmission verticale de l'hépatozoonose canine avait été rapporté jusqu'à présent, au Japon. Ce nouveau cas, en Allemagne cette fois, serait donc le premier décrit en Europe. Il concerne une portée de chiots nés d'une chienne de 4 ans, importée d'Italie.

Coïnfection par Rickettsia et Hepatozoon ?

Selon le rapport du cas, publié (en libre accès) dans Parasites & Vectors, la chienne de races croisées était en effet originaire de Sardaigne. Elle a été présentée en consultation 2 mois après son arrivée en Allemagne (à Ganderkesee, Basse-Saxe) en raison d'une léthargie et d'une tachypnée sans hyperthermie.

La chienne est gestante et les analyses réalisées révèlent une sérologie positive pour Rickettsia spp. et une PCR positive pour Hepatozoon canis. Les résultats pour d'autres agents de maladies vectorielles sont négatifs (Babesia, Ehrlichia, Leishmania, Anaplasma, Dirofilaria). La chienne présente aussi une légère anémie et une leucocytose. Un frottis sanguin permet d'observer le parasite (gamontes dans les neutrophiles).

Selon les auteurs, le titre sérologique pour Rickettsia (et son évolution) évoque davantage un contact ancien avec la bactérie plutôt qu'une coïnfection, même si celle-ci ne peut pas être écartée. L'expression clinique de l'hépatozoonose canine est effectivement plus fréquente en cas de coïnfection avec un autre agent pathogène.

Un chiot mort-né

À la mise-bas 15 jours après, la chienne donne naissance à 8 chiots, dont un est mort-né et un autre présente un arrêt respiratoire nécessitant une réanimation, pratiquée avec succès.

L'autopsie du chiot mort-né révèle un état avancé de putréfaction, sans atteinte du cordon ombilical et sans lésions inflammatoires visibles sur les organes. Les PCR réalisées sur la rate, le cordon et le liquide amniotique sont positives pour H. canis (pas sur le foie ni la moelle osseuse), attestant sa contamination in utero. Toutefois la cause du décès demeure inconnue, et le lien entre hépatozoonose canine et mortinatalité reste à évaluer.

100 % d'infestation

À J61 post-partum, de nouvelles analyses sont pratiquées, montrant chez la chienne la persistance d'Hepatozoon canis (PCR et cytologie positives) et d'une sérologie toujours positive envers Rickettsia. Des anomalies hématologiques sont également relevées : une légère leucocytose avec une légère neutrophilie, une lymphocytose et une éosinophilie.

Chez les chiots, les frottis sanguins et les analyses PCR effectuées permettent d'identifier la présence du parasite chez chacun (la charge parasitaire étant la plus forte chez le chiot initialement réanimé). Le séquençage génétique a permis de confirmer qu'il s'agit dans tous les cas du même parasite, confortant l'hypothèse d'une transmission verticale.

Les chiots présentent par ailleurs de légères anomalies sanguines : hyperprotéinémie, hyperalbuminémie, hyponatrémie. Certains individus présentent aussi une urémie, et une azotémie.

La chienne encore positive après 4 mois

La chienne est traitée par de l'imidocarbe à J85 et J99.

À J112 (16 semaines) post-partum, la PCR est toujours positive pour H. canis, ainsi que la cytologie sur frottis sanguin. Une légère lymphocytose et une légère éosinophilie sont présentes, ainsi qu'une légère hyperkaliémie et une carence en fer (déjà observée à la première consultation). La chienne est alors stérilisée.

Traitement empirique à l'imidocarbe

Le chiot réanimé à la naissance a présenté après un peu plus de 13 semaines (J95) un épisode de forte hyperthermie, anorexie et léthargie, suivi d'une position en décubitus latéral (J97) avec incapacité de se relever. Le traitement mis en œuvre a associé imidocarbe et soins intensifs, avec une évolution favorable en 3 jours.

Une administration d'imidocarbe a alors été effectuée en prévention chez les autres chiots, et renouvelée pour tous à J111. L'effet thérapeutique de l'imidocarbe n'est toutefois pas établi à ce jour, et les doses à administrer (0,5 ml/10 kg ici) sont empiriques.

Faibles répercussions cliniques

À l'exception de cet épisode, aucun chiot n'a présenté de signe clinique particulier sur la durée du suivi. Un seul a présenté une légère monocytose, détectée aux examens sanguins. Et le bilan biochimique à J125 montre essentiellement une légère augmentation de la créatine kinase (incertaine par défaut de référence fiable chez le chiot) et une hyperkaliémie.

Le suivi de la croissance des chiots pendant un mois après la naissance montre par ailleurs que la prise de poids la plus faible est observée chez le chiot ayant présenté la plus forte charge parasitaire. L'animal n'a toutefois pas présenté de défaut de croissance à proprement parler.

Tester les chiens issus de zones endémiques

R. sanguineus n'est pas endémique en Allemagne, et d'autres tiques ou d'autres voies de transmission étaient suspectées, compte tenu de la prévalence élevée de l'infestation par H. canis chez les populations vulpines sauvages dans le nord du pays. Ici, la chienne a plus probablement été infestée en Italie, avant son importation.

En pratique, les auteurs proposent donc de rechercher en routine la présence du parasite chez les animaux importés de pays où l'hépatozoonose canine est endémique, l'infestation restant généralement asymptomatique.