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12 mai 2022

Barf et compagnie : le maître français vit en Province et médicalise moins son chien

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

L'image est excessive… Les régimes dits non conventionnels ici comprennent le cru (Barf), les régimes proie entières… en référence aux origines sauvages des chiens domestiques (cliché Pixabay).
L'image est excessive… Les régimes dits non conventionnels ici comprennent le cru (Barf), les régimes proie entières… en référence aux origines sauvages des chiens domestiques (cliché Pixabay).
 

Par mode ou par conviction, certains propriétaires canins écartent l'alimentation conventionnelle (boîtes ou croquettes) au profit d'une ration ménagère ou à base de viande crue (Barf), de proie entière, végétarienne…

Cette préférence serait associée à une moindre confiance dans les conseils vétérinaires, selon les résultats de précédentes études. Une équipe française (écoles vétérinaires d'Alfort et de Toulouse) a mené une enquête afin d'identifier les différences entre les modes de vie de ces types de propriétaires dans notre pays. Des spécificités nationales peuvent en effet s'observer. Et elles sont intéressantes à connaître des vétérinaires pour adapter le discours et les conseils, en particulier face aux risques sanitaires associés à certains régimes alimentaires.

Les résultats de cette étude, commandée par la FACCO, sont publiés en libre accès dans BMC Veterinary Research. S'informer de la perception et des nouvelles attentes des consommateurs est évidemment essentiel pour les industriels du petfood, ne serait-ce que pour adapter les stratégies marketing.

Enquête française en France

L'enquête en ligne a été conduite au printemps 2020 (durant le confinement). Le questionnaire (en français) comprenait 103 questions, dont 30 ouvertes, réparties en 5 sections :

  • Profil du chien (paramètres démographiques et sanitaires) et de la famille (nombre d'enfants, profession, etc.) ;
  • Mode de vie et les soins du chien (promenades, traitements antiparasitaires, interactions avec d'autres animaux, etc.) ;
  • Jeux et lieux de repos ;
  • Alimentation (type, composition, quantité, lieu d'achat, etc.) ;
  • Prise alimentaire (lieu de distribution, présence d'autres animaux, vitesse de consommation…).

Le chien devait vivre en France, être adulte (12 mois au moins) et en bon état de santé général (pour éviter les régimes diététiques spécifiques ; des maladies comme de l'arthrose ou une ichtyose n'étaient pas un motif d'exclusion). Un seul chien par foyer était pris en compte.

L'enquête a récolté 429 réponses exploitables, dont 15 % d'habitants de la métropole parisienne. Le nombre de chiens dans le foyer est de 1,72 en moyenne mais de 1 en médiane. Les chiens étaient de profils variables (en termes de race, sexe, âge, etc.).

Non conventionnel : surtout du cru

Une majorité de propriétaires (55 %) nourrissent leur chien exclusivement avec des aliments industriels (boîtes ou croquettes), alimentation qualifiée de conventionnelle ici. À 44 %, ce sont des gammes vétérinaires.

Ils sont 38 % à proposer une alimentation non conventionnelle exclusive (désignant ici les rations crues, ménagères ou végétariennes). Il s'agit à 85 % de régime Barf ou proie entière, etc., et à 15 % de ration ménagère (il n'y avait pas de régime végétarien dans les réponses). Dans les deux tiers des cas (66 %), la composition de la ration provient d'informations trouvées sur Internet ou dans des livres (d'auteurs non vétérinaires) ; à 8 % elle est prescrite par le vétérinaire, à 9 % tirée d'un ouvrage vétérinaire. Elle est personnelle à 17 %. Une complémentation en vitamines et minéraux est absente à 72 %, ce qui confirme le risque de déséquilibres et de carences de ces régimes, lorsqu'établi sans conseil professionnel.

Enfin, 7 % font un mix des deux (ils ont été exclus de l'analyse comparative). Les friandises n'étaient pas prises en compte.

Des provinciaux !

Alors quel est le profil des propriétaires « non conventionnels » ? Les différences significatives par comparaison aux propriétaires donnant boîtes et croquettes sont les suivantes.

  • Un domicile en Province (les parisiens comptent pour 9 % versus 20 %) ;
  • Moins d'enfants (le chien les remplace) et une plus petite maison (ce qui semble lié) ;
  • Un plus grand nombre d'autres animaux dans le foyer (autres chiens ou autres espèces), à 80 % vs 63 % ;
  • Davantage de promenades quotidiennes (91 % vs 78 %) ;
  • Des temps de sortie sans laisse plus longs (évalué par semaine) ;
  • Une vermifugation moins fréquente (62 % traitent plus d'une fois par an contre 89 %).

Le profil de ces propriétaires apparaît ainsi moins urbain, plus tourné vers la nature, le régime cru évoquant a priori une nutrition plus « naturelle », authentique et saine. Les adeptes des régimes Barf font souvent référence aux origines sauvages des chiens, qui pourraient correspondre ici à un accès plus important à l'extérieur, à davantage de promenades sans laisse (ce qui reste réalisable en environnement urbain).

Ces chiens sont moins vermifugés, probablement moins médicalisés (la vaccination n'a pas été évaluée), ce qui suggère, selon les auteurs, une moindre confiance dans le vétérinaire. Cela concorde avec le fait que le vétérinaire n'est pas la première source d'informations en termes d'alimentation pour ces personnes. Il l'est bien davantage pour les propriétaires « conventionnels ».

Quelle place pour le conseil vétérinaire

Chez les propriétaires « conventionnels », malgré la proportion d'achat de gammes vétérinaires, seuls 28 % déclarent que les quantités distribuées ont été prescrites par le vétérinaire (ou conseillées par l'ASV). 47 % suivent les recommandations inscrites sur l'étiquette du produit, 15 % ont été conseillés par une tierce personne, et 12 % donnent l'aliment à volonté.

D'une manière générale, il apparaît que le vétérinaire peut améliorer, si souhaité, sa communication, pour mieux s'affirmer comme une référence en termes de nutrition.

Vis-à-vis des propriétaires « non conventionnels », leur profil suggère une recherche d'être proche de la nature et de satisfaire les besoins éthologiques de leur chien, celui-ci étant au centre du foyer, remplaçant parfois les enfants. L'éthologie pourrait ainsi constituer une porte d'entrée pour entamer la discussion autour de l'alimentation, plutôt que de l'engager sur les besoins nutritionnels de l'animal.