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14 janvier 2022

Fausse piste : des affections apparemment neurologiques mais qui n'en sont pas

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Une otite moyenne ou interne représente 31 % des cas de maladie non neurologique entraînant toutefois des signes neurologiques secondaires, comme un syndrome vestibulaire (cliché Pixabay).
Une otite moyenne ou interne représente 31 % des cas de maladie non neurologique entraînant toutefois des signes neurologiques secondaires, comme un syndrome vestibulaire (cliché Pixabay).
 

Afin d'optimiser la démarche de référé en neurologie, une étude a évalué l'incidence des cas « mimant » une atteinte d'origine neurologique mais se révélant être une fausse piste : une maladie dont ni la nature, ni les signes ne sont finalement neurologiques. L'objectif est d'accélérer le diagnostic final (au moins de ne pas le retarder), en hiérarchisant mieux les hypothèses et les examens complémentaires à réaliser, et de limiter le coût pour le propriétaire. Les examens utilisés en neurologie sont en effet souvent sophistiqués et onéreux.

520 cas analysés

Pour cette étude, les dossiers médicaux de tous les chiens et chats référés pour la première fois en neurologie (service spécialisé de l'Hôpital vétérinaire de l'école de Cambridge en Angleterre) entre 2017 et 2018 ont été recensés. Pour chacun, outre les données démographiques de l'animal (espèce, âge, sexe, race), les signes cliniques ayant motivé le référé, les conclusions de l'examen neurologique pratiqué, et le diagnostic final ont été recherchés.

Un total de 520 cas a donc été inclus :

  • 37 chats (15 femelles et 22 mâles), de diverses races, âgés de 8 ans en médiane ;
  • 483 chiens (202 femelles et 281 mâles, de diverses races aussi, âgés de 6 ans en médiane.

Ces cas ont ensuite été classés en 4 catégories selon le diagnostic final posé :

  1. Maladie neurologique primaire (centrale ou périphérique) ;
  2. Maladie non neurologique, mais entraînant des troubles neurologiques secondaires (par exemple un shunt porto-systémique entraînant des signes d'encéphalopathie hépatique) ;
  3. Maladie non neurologique, et sans troubles neurologiques (les fausses-pistes, donc, comme une maladie orthopédique) ;
  4. Diagnostic indéterminé.

Incidence des fausses pistes : 8 %

Les résultats montrent que le diagnostic de maladie neurologique est très majoritaire, totalisant près des trois-quarts des cas. La répartition est en effet la suivante.

  1. Maladie neurologique : 386/520 soit 74 % (23 chats et 363 chiens) ;
  2. Maladie à conséquences neurologiques : 16/520 soit 3 % (4 chats et 12 chiens) ;
  3. Maladie non neurologique : 42/520 soit 8 % (3 chats et 39 chiens) ;
  4. Diagnostic indéterminé : 76/520 soit 15 % (7 chats et 69 chiens).

Les principales affections entraînant des troubles neurologiques secondaires (catégorie 2) sont les otites moyennes ou internes (31 %), entraînant des signes de syndrome vestibulaire, les shunts porto-systémiques (19 %), à l'origine d'une encéphalopathie hépatique, les insulinomes (13 %), intoxications (13 %) ou carence en thiamine (6 %), se manifestant par des anomalies du comportement.

Selon le service spécialisé dans lequel ils ont été réorientés, les animaux classés en catégorie 3 regroupent principalement des cas de maladies orthopédiques (67 % : lésion d'un ligament croisé, dysplasie de la hanche, polyarthrite à médiation immune, arthrose, etc.), de médecine interne (26 % : notamment des affections gastro-intestinales), d'atteinte ophtalmologique (7 %).

Une boiterie est relativement plus fréquente

Ensuite, l'analyse a comparé les catégories 1 et 3 uniquement, afin de distinguer les cas strictement d'origine neurologique (cause primaire) de ceux d'atteintes non neurologiques (y compris secondaires), et d'en déterminer les facteurs de risque.

Parmi les signes cliniques présentés, constatés par le vétérinaire référant (une posture anormale, une paraparésie, une ataxie, des mouvements involontaires…), seule une boiterie est identifiée comme significativement plus fréquente chez les animaux classés finalement en catégorie 3 : le risque de faire fausse piste est multiplié par 5,42.

S'appuyer sur l'examen neurologique

En regardant les résultats de l'examen neurologique effectué en consultation de référé, il est observé que l'absence d'anomalie augmente significativement le risque d'une atteinte finalement non neurologique.

  • Si l'examen est normal, le risque est multiplié par près de 15 ;
  • S'il est normal et que l'animal n'a pas présenté de crises épileptiformes (car l'évaluation est souvent normale entre les crises), il est multiplié par près de 23 ;
  • S'il est normal chez un animal qui présente une boiterie, il est multiplié par 10,3.

Parmi les cas d'atteinte neurologique, un déficit est identifié à l'examen clinique à 85 %. Inversement, 81 % des cas d'atteinte non neurologique n'avaient pas présenté d'anomalie à l'examen clinique.

Les autres paramètres étudiés (notamment démographiques) n'ont pas permis de dégager de différences significatives.

Examens orthopédique et neurologique minutieux

Ces observations permettent de conclure que, particulièrement face à des cas où l'animal présente une boiterie, les hypothèses diagnostiques autres que neurologiques sont à envisager et explorer de manière méticuleuse avant de référer en consultation spécialisée de neurologie. Un examen orthopédique minutieux, notamment, est conseillé, pour rechercher une douleur vertébrale, une boiterie bilatérale, ou d'autres signes renforçant l'hypothèse neurologique. Il en est de même lorsque l'examen neurologique complet – indispensable – ne révèle pas d'anomalie.