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7 janvier 2022

Soutenir le regard d'un chien âgé : un test délocalisable, pour de futures études sur le vieillissement ?

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Une étude américaine vient de valider le test du 'regard soutenu', permettant d'apprécier la sénilité éventuelle d'un chien, réalisé au domicile de l'animal par son maître (clihcé : Pixabay).
Une étude américaine vient de valider le test du 'regard soutenu', permettant d'apprécier la sénilité éventuelle d'un chien, réalisé au domicile de l'animal par son maître (clihcé : Pixabay).
 

Au laboratoire, l'évaluation du syndrome de dysfonctionnement cognitif canin (SDCC) peut se faire par le test du regard soutenu (qui évalue la perte d'attention). Trois cliniciens américains ont tenté de transposer ce test aux conditions de l'environnement habituel des chiens de  compagnie. Leur idée était de remettre alors ce test “entre les mains” des maîtres, de manière à pouvoir collecter un nombre plus important de données sur le SDCC, va un nombre accru de patients enrôlés et des études prolongées.

Formation des maîtres

Pour cela, il leur a fallu former les maîtres à la réalisation de ce test. Et pour cela, il a fallu aux auteurs construire un module de formation des maîtres. Il est présenté dans une vidéo de 7 minutes sur youtube, qui insiste sur la phase de préparation :

  • La pièce où est réalisé le test doit être au calme, et chaque test se fera au même emplacement,
  • Le chien doit avoir fait son repas depuis au moins 2 h et, si possible, réaliser le test à heure fixe,
  • Le maître doit se munir de son smartphone pour filmer son animal d'une main, pendant qu'il présente une friandise de l'autre. La friandise sera la même pour tous les tests suivants.
  • Le même maître doit réaliser les tests.

L'enregistrement commence en demandant au chien de s'assoir, alors que le maître s'est assuré que le regard de l'animal est visible sur l'écran du smartphone. Le test commence en présentant la friandise en capturant le regard du chien (interdiction de parler au chien). L'enregistrement prend fin lorsque le chien détourne les yeux. Il ne faut pas oublier de lui donner la friandise, « mais pas immédiatement car il ne faut pas le conditionner à détourner les yeux ». Une même journée, le test est répété deux autres fois (trois captures pour un même jour), aux intervalles laissés au choix du maître « pour que l'animal se sente confortable ».

Extrait du module de formation destiné aux maîtres pour leur présenter la position attendue pour le bon déroulement du test et les conditions d'une bonne préparation (Hoel et coll., 2021).

 

Trois sessions at home

Les 21 chiens inclus étaient âgés de 7 à 15,5 ans. Ils étaient recrutés « parmi ceux du personnel de la faculté de médecine vétérinaire de Caroline du nord, et des étudiants ». Les chercheurs ont demandé aux participants de réaliser une première session “d'entraînement” (3 captures), puis de réaliser trois sessions pour l'étude de validation toutes séparées d'une semaine. Il est demandé de ne pas réaliser le test en dehors des sessions hebdomadaires car cela risquerait de biaiser les résultats. Les vidéos étaient envoyées aux chercheurs après chaque session. Après chaque session, le maître remplissait aussi un questionnaire précisant les condition du test (heure, survenue de problèmes, etc.) et reprenant les questions de l'échelle de démence canine (CADES pour Canine DEmentia Scale), un outil déjà validé pour l'évaluation de la sévérité du SDCC (note de 0 à 7 : état normal ; note de 45 et plus, état sévère). Lorsqu'il est réalisé au laboratoire, le test de soutien du regard du chien fournit un résultat inversement corrélé à celui de la CADES : plus le regard est tenu longtemps et plus la note CADES est faible (moins la démence est sévère). Si le chien tenait une minute, le maître devait mettre fin au test (et donner la friandise). Un des maîtres n'a pas réussi le test et son chien a été éliminé de l'étude.

Forte corrélation

La grande majorité (88,2 %) des 183 vidéos soumises étaient acceptables, et ont été utilisées pour la validation. Pour chaque session, les auteurs ont calculé la durée moyenne d'attention de chaque chien (trois vidéos). Si le chien bougeait pendant le test sans rompre le regard, ou si son regard allait du maître à la friandise et au smartphone et retour, les auteurs estimaient que le test n'était pas terminé. Dans l'analyse statistique (régression logistique multivariée), les auteurs observent que :

  • La durée pendant laquelle le chien soutient le regard du maître est significativement (et négativement) associée à la note de CADES (p=0,003) ;
  • En revanche, elle n'est pas associée à l'âge de l'animal (p=0,65) ;
  • Pour un même chien, la répétabilité de la durée du test est « excellente », à 85 % ; celle de la note CADES calculée à partir des réponses du maître était, elle, encore meilleure, à 99 %.
  • Ces deux mesures étaient étroitement corrélées (kappa=0,80), bien que, pour trois des chiens, les résultats ont évolué sur les trois tests successifs du fait de leur SDCC.

Ainsi, les auteurs montrent que « les propriétaires sont désireux et capables de réaliser chez eux et avec leur chien », ce qui « démontre la faisabilité de futures études à grande échelle » sur le vieillissement canin.