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27 juillet 2021

Diabète félin : les promesses d'une insuline « ultra-longue »

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

D'après Gilor et al., JVIM, 2021.
D'après Gilor et al., JVIM, 2021.
 

De l'insuline injectée une fois par semaine seulement chez le chat diabétique… Ce serait bien pratique ! Et c'est l'objectif des recherches sur une insuline recombinante dont les premiers essais sur 5 cas viennent d'être publiés dans le JVIM (en libre accès).

L'étude, menée aux États-Unis (établissements vétérinaires des universités de Floride à Gainesville et de Californie à Davis), a bénéficié d'un financement de l'UC Davis. Cette insuline recombinante est développée par le laboratoire Akston Biosciences, pour le traitement du diabète chez le chat mais aussi chez le chien, en partenariat avec Dechra. Une forme équivalente est également en développement pour l'homme, actuellement au stade préclinique selon les informations disponibles sur le site d'Akston.

Fusionnée à une IgG

Dans les grandes lignes, le concept est de fixer l'insuline (synthétique) à une immunoglobuline G, en la fusionnant à une fraction cristallisable (Fc) de l'anticorps, afin que le recyclage de la molécule dans les cellules aboutisse à un allongement de sa demi-vie plasmatique, donc de la durée d'action. En effet la fraction fusionnée se fixe sur les récepteurs de l'insuline (d'où son action thérapeutique), mais aussi ceux de la Fc (d'où son recyclage intracellulaire, où elle reste protégée de la protéolyse).

Cette insuline recombinante, dite « ultra-longue » action, a donc été testée chez 5 chats diabétiques, déjà sous insulinothérapie depuis au moins 2 mois (entre 2 et 28 mois, 11 mois en médiane).

5 cas bien contrôlés par de l'insuline biquotidienne

Le diabète de ces chats était bien contrôlé, par l'injection biquotidienne d'insuline glargine (0,4 à 0,6 unités/kg) : signes cliniques absents ou discrets, poids stabilisé et stabilisation des fructosamines sériques dans des valeurs normales. Aucun impératif n'était requis sur l'alimentation, mais l'objectif était de la conserver inchangée durant l'expérimentation. Des maladies concomitantes comme une infection urinaire ou une hyperthyroïdie non contrôlée étaient des critères d'exclusion.

Un capteur sous-cutané a été posé sur chaque animal (et renouvelé chaque semaine), afin de procéder à une mesure du glucose en continu (glucose interstitiel). Ces mesures ont débuté une semaine avant le début de l'essai, afin de disposer de valeurs de base en comparaison.

Le suivi, hebdomadaire, a également porté sur l'évolution des signes cliniques et du poids des chats.

Les concentrations en fructosamines dans le sang ont été mesurées au début de l'expérimentation, puis à la fin. D'autres examens, en particulier des analyses de sang (biochimie et hématologie) et d'urines, ont également été effectués à l'inclusion puis à l'issue de l'étude, afin d'évaluer la tolérance du traitement.

Test sur 7 semaines

En remplacement de leur traitement, les 5 chats ont donc reçu une injection sous-cutanée par semaine de l'insuline recombinante, initialement à la dose d'1 nmol/kg environ (dose établie par des études préliminaires sur des chats en bonne santé), pendant 7 semaines. La dose était adaptée (augmentée) au besoin, selon les résultats des paramètres suivis.

La concentration sanguine en insuline recombinante était également mesurée chaque semaine, mais sans être utilisée pour l'adaptation de la dose administrée.

Des résultats intéressants sur l'efficacité et la tolérance

Les résultats globalisés montrent que le glucose interstitiel a eu tendance à monter la première semaine de traitement, puis à redescendre avec l'ajustement des doses, pour se stabiliser à partir de la semaine 4 (c'est-à-dire après la 3e injection).

À l'issue de l'expérimentation, les concentrations médianes en glucose ne sont pas différentes des valeurs de base (voir figure en illustration principale pour l'un des chats).

Les fructosamines sériques ne présentent pas non plus d'évolution significative, tout comme le poids des chats. Et les propriétaires ne rapportent pas d'incident clinique (notamment de signes d'hypoglycémie).

Ces observations montrent ainsi que le traitement expérimental a apporté un contrôle satisfaisant du diabète chez ces animaux. L'un des chats a montré une rémission de son diabète à l'issue de l'étude ; il avait été diagnostiqué comme diabétique 4 mois avant d'être inclus (une telle rémission est usuelle dans l'espèce féline après la mise en place de l'insulinothérapie). Chez les autres individus, le traitement a été prolongé (à la demande des propriétaires).

Par ailleurs, l'insuline recombinante apparaît bien tolérée, localement comme au plan systémique, sans événement indésirable rapporté.

Les résultats de cette étude pilote sont ainsi encourageants, dans l'attente de données sur de plus importantes cohortes, et sur des chats dont le diabète n'est pas encore contrôlé. Car l'usage d'une insuline de très longue action est potentiellement plus difficile à ajuster en termes de dosage, d'autant plus qu'un phénomène d'accumulation de l'insuline semble probable compte-tenu de la longue demi-vie de la molécule recombinante.