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Elanco & Proplan

8 février 2021

Médecine solidaire : la nouvelle association Vetericare propose une aide d'urgence aux propriétaires démunis

par Agnès Faessel

Temps de lecture  6 min

La plateforme www.vetericare.fr devrait être opérationnelle en mars prochain.
La plateforme www.vetericare.fr devrait être opérationnelle en mars prochain.
 

L'objectif est d'éviter les défauts de soins faute de moyens. L'aide financière que propose la toute nouvelle association Vetericare est destinée aux propriétaires n'ayant pas anticipé de devoir débourser des frais médicaux élevés pour leur animal, en cas d'accident par exemple, et incapables de les assumer. Une situation difficile pour eux, mais aussi pour les vétérinaires. Les deux praticiens fondateurs, Céline Porret Condamin et Guillaume Condamin, l'expriment ainsi : « envisager l'euthanasie d'un animal que l'on pourrait sauver, en raison d'un manque de moyens de ses propriétaires, est l'une des pires épreuves du vétérinaire dans sa pratique quotidienne ».

La plateforme ouvrira en mars

Personnellement confrontés à ce type de situations durant leurs 16 et 14 ans d'exercice en clientèle animaux de compagnie, les fondateurs ont souhaité apporter une solution d'urgence, au bénéfice de tous : la possibilité de disposer d'une prise en charge financière de ces frais imprévus.

En pratique, l'association a développé une plateforme internet (vetericare.fr), qui devrait être opérationnelle courant mars. Les vétérinaires adhérents y auront la possibilité d'ouvrir un dossier de financement, en renseignant les éléments médicaux du cas. Le propriétaire complètera le dossier, en déposant notamment une copie de son dernier avis d'imposition, l'aide étant naturellement conditionnée à des ressources modestes.

Des pathologie graves mais de bon pronostic

Parmi les autres critères pris en compte figurent les caractéristiques cliniques du cas : l'aide est destinée à des pathologies nécessitant des traitements lourds (chirurgie, hospitalisation) mais dont le pronostic est bon à l'issue des soins. Le délai de réponse sera rapide – 24 à 48h ouvrées maximum – afin de ne pas retarder la mise en œuvre du traitement.

L'aide se destine ainsi à des cas de fractures, de pyomètre, de corps étrangers digestifs. Elle n'est pas adaptée, en revanche, à des situations d'urgence absolue telles qu'un syndrome de dilatation-torsion qui nécessiterait une réponse immédiate. Et elle se limite aux animaux de compagnie.

500 à 2000 € par an

Enfin, bien sûr, l'acceptation du dossier dépend de la hauteur des fonds mobilisables par l'association.

Vetericare est une association non lucrative de type loi 1901. Les fonds proviennent de trois origines :

  1. Les cotisations des vétérinaires adhérents, d'un montant de 500 à 2000 € par an pour un établissement, selon le nombre de vétérinaires présents sur le site ;
  2. Les dons, legs et autres futures cagnottes participatives… (l'association devrait être agréée d'intérêt général, et espère à terme être reconnue d'utilité publique, ce qui ouvre à des avantages fiscaux pour les donateurs) ;
  3. Le mécénat d'entreprise, 3 premiers mécènes s'étant déjà impliqués à savoir SantéVet Solidarité, Alcyon et l'agence Dooxy (marketing, communication, conseil).

L'association ambitionne de regrouper une centaine de structures adhérentes d'ici la fin de l'année.

Responsabiliser les propriétaires

Selon les fondateurs, les propriétaires se retrouvent généralement dans cette situation difficile par manque de connaissance et de prévoyance des soins médicaux au moment de l'acquisition de leur animal. Vetericare souhaite alors contribuer à mieux les sensibiliser. Dans ce but, les propriétaires ayant bénéficié de l'aide s'engagent à suivre une formation, disponible sur le site de l'association. Dans l'immédiat, ces formations seraient proposées sous la forme de mooc (massive open onligne course), et/ou de textes enrichis de supports vidéo. L'objectif est d'informer sur le coût des soins et l'importance de la médecine préventive.

Les propriétaires seront également informés de l'existence et de l'intérêt des assurances santé vétérinaire. Une partie des frais de traitement reste à leur charge, afin d'éviter une forme d'assistanat. Et ils s'engagent aussi à se mettre en conformité avec la réglementation si ce n'est pas le cas (identification de leur animal, notamment). Ils s'engagent par ailleurs à donner des nouvelles de leur animal sur le site !

Valoriser l'action sociale des vétérinaires

Car l'association souhaite aussi valoriser la solidarité quotidienne des vétérinaires, injustement méconnue. Elle propose d'inscrire l'adhésion à Vetericare dans le projet d'entreprise. Et elle prévoit de communiquer ses actions sur les réseaux sociaux, en publiant des cas.

En effet, confrontés à la réalité des frais de traitement de leur animal, nombre de propriétaires montrent de l'incompréhension, qui peut évoluer, dans un contexte émotionnel difficile, à des tensions voire à de l'agressivité vis-à-vis d'un discours vétérinaire jugé dirigé par des considérations purement financières. Dans le pire des cas, cela aboutit à des opérations de véto-bashing sur les réseaux sociaux. Il s'agit donc ici de renverser la vapeur et de mettre en valeur les actions des cliniques adhérentes.

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Action complémentaire de Vétérinaire Pour Tous

Soutenir la médecine vétérinaire solidaire entre dans le plan d'actions du ministre de l'Agriculture, Guillaume Denormandie (voir LeFil du 22 décembre 2020). À ce titre, la profession a relancé l'association Vétérinaire pour tous (VPT) destinée à favoriser l'accès aux soins pour les animaux des personnes démunies ou en situation de précarité.

À l'occasion de leur conférence de presse, vendredi 5 février, Céline et Guillaume Condamin ont expliqué la complémentarité de leur démarche. Vetericare se concentre en effet sur les cas lourds, urgents, dont la prise en charge fait l'objet d'un dilemme pour des considérations financières. La médecine préventive, les soins du quotidien, ou ceux aux animaux errants, comme les opérations de stérilisation des chats, ne sont pas concernés.

VPT se structure sur 3 niveaux

Les représentants de la profession (Ordre, Afvac, SNVEL) viennent d'ailleurs de lancer un appel aux praticiens pour rejoindre VPT. Ils demandent que les vétérinaires « se structurent en réseau associatif pour agir en synergie avec les services sociaux et les collectivités territoriales, et en complémentarité des actions des associations de protection animale ».

Parmi ses objectifs, la profession souhaite en effet « contribuer en coopération avec les services sociaux et les collectivités territoriales à maintenir les interactions sociales des personnes en situation de précarité en préservant le lien Homme-Animal » et « être complémentaire de l'action des associations de protection animale ».

L'association est pilotée au plan national au travers de sa fédération nationale. Mais son action se regroupe ensuite par région, avec des antennes départementales, en contact avec les DRAFF et les DDPP. Les délégations départementales gèrent, entre autres, les adhésions (bénévoles) des praticiens.

Les services sociaux des communes sont en charge d'identifier les personnes éligibles au dispositif (sous conditions de ressources), lesquelles auront accès à des soins pour leurs animaux (soins préventifs, mais aussi médicaux et chirurgicaux) chez les vétérinaires adhérents. Les frais sont alors partagés à part égale entre l'association (via les fonds issus de subventions et dons), le praticien (au travers des remises consenties) et le propriétaire (avec une aide supplémentaire des associations de protection animale au besoin).

Outre l'accès à son réseau pour les propriétaires à faibles ressources et les SDF (en relation avec les écoles vétérinaires), VPT souhaite aider les communes dans leurs obligations réglementaires en lien avec les animaux (identifications, stérilisations, etc.).

 

Céline Porret Condamin et Guillaume Condamin ont choisi de prendre une année sabbatique pour mener à bien leur projet Vetericare qu'ils gèrent bénévolement.