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19 octobre 2020

Une petite dose de propofol IV stimule immédiatement l'appétit du chat anorexique

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Quantité de nourriture consommée par chacun des chats du groupe traité, 15 puis 30 minutes après l'injection IV de propofol à la dose de 1 mg/kg. Source : Fredley et al. Vet. Record, 2020.
Quantité de nourriture consommée par chacun des chats du groupe traité, 15 puis 30 minutes après l'injection IV de propofol à la dose de 1 mg/kg. Source : Fredley et al. Vet. Record, 2020.
 

L'anorexie est courante et problématique chez le chat malade, particulièrement chez le chat hospitalisé en lien avec le stress additionnel associé au changement d'environnement. Pour stimuler son appétit, la mirtazapine sous forme de pommade transdermique a récemment été autorisée en Europe (Mirataz°, non encore commercialisé en France, voir LeFil du 25 mai 2020). Car les médicaments orexigènes disponibles sont généralement des formes orales, assez inadaptées ici, ou associés à des effets indésirables (ataxie, sédation, hépatotoxicité avec le diazépam, par exemple).

En alternative, et pour un effet immédiat, l'administration de propofol à dose « sub-hypnotique » (1 mg/kg) a été testée dans le cadre d'une étude prospective versus placebo. Avec succès.

12 cas d'anorexie de stress

L'étude a été menée aux États-Unis, sur des chats de refuge anorexiques : ces animaux étaient globalement en bon état de santé, mais le stress lié au recueil en refuge provoque souvent une anorexie, qui peut se prolonger plusieurs jours.

Les 12 chats recrutés ne mangeaient plus du tout, malgré la diversité des aliments proposés (secs et humides). L'examen clinique et les analyses de sang effectués n'ont pas détecté de cause médicale pouvant expliquer l'anorexie.

Les animaux ont été répartis en 2 groupes :

  • 6 ont reçu une administration intraveineuse de propofol à la dose sub-hypnotique de 1 mg/kg (groupe traité),
  • 6 ont reçu comme placebo 1 ml de solution saline par voie intraveineuse (groupe témoin).

Les groupes ne présentaient pas de différence en termes d'âge, de poids, de perte de poids, d'état général, de durée de séjour dans le refuge (8 jours en médiane).

Un « buffet » de 4 aliments au choix

Immédiatement après administration, un assortiment de 4 aliments (croquettes et pâtées de 2 marques différentes chacune) a été proposé à chaque animal. Leur consommation a été mesurée (poids ingéré, en grammes), et la survenue d'éventuels effets indésirables, comme une sédation, des vomissements ou des troubles respiratoires, a été suivie, pendant 30 minutes. Une étude chez le chien en bonne santé a montré en effet que la prise de nourriture suivant l'injection de propofol s'observe surtout durant les 15 premières minutes.

50 % du besoin quotidien est couvert

Et les résultats observés ici sont équivalents : la prise alimentaire s'effectue essentiellement dans le quart d'heure suivant le traitement (87 % du total ingéré par les chats traités, voir figure en illustration principale).

  • Dans le groupe traité, 4 chats sur les 6 ont consommé de la nourriture : une quantité de 45 g en médiane. Cette consommation correspond à environ la moitié du besoin énergétique d'entretien quotidien de ces chats.
  • Dans le groupe témoin, seul un individu a mangé, et seulement une petite quantité de nourriture (5 g). La différence est significative entre les deux groupes.

Les chats traités n'ont pas présenté d'effet indésirable post-traitement.

À l'issue de l'expérimentation, les félins ont suivi le protocole habituel établi dans le refuge pour les cas d'anorexie : administration de mirtazapine per os quotidiennement pendant 5 jours (2,5 mg/j). Et l'évolution de leur appétit montre qu'il devient équivalent dans les deux groupes, et se rétablit après un délai médian de 8 jours.

Orexigène d'action rapide mais courte

L'administration de propofol à petite dose entraîne ainsi une stimulation de l'appétit et une prise alimentaire chez des chats anorexiques, sans délai et sans les effets indésirables observés avec les benzodiazépines. Ces résultats semblent alors particulièrement intéressants lorsqu'une réalimentation rapide est nécessaire (pour éviter le recours à des moyens plus invasifs comme la pose d'une sonde alimentaire). Néanmoins, l'effet n'étant pas durable, le traitement nécessiterait d'être répété (sous réserve d'évaluer sa tolérance) et/ou s'inscrit plutôt en complément d'autres stratégies (médicales, alimentaires, environnementales).

En outre, cette « étude pilote » a évalué l'effet de l'anesthésique sur des cas d'anorexie sans cause médicale. Cet effet peut alors trouver son origine, au moins en partie, dans les propriétés anxiolytiques de la molécule, en plus de ses propriétés orexigènes et anti-émétiques. Il reste donc à vérifier qu'il se reproduit chez des chats malades, et stimule efficacement leur appétit. La voie d'administration, intraveineuse, peut aussi représenter un frein à sa mise en pratique, sauf lorsqu'un cathéter a été posé.