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Elanco & Proplan

14 août 2020

Antibiotiques critiques. Les inspecteurs font du zèle sur le contrôle des antibiogrammes chez les praticiens

par Eric Vandaële

Temps de lecture  7 min

La méthode des disques en milieu gélosé
Le ministère de l'agriculture demande à ses inspecteurs de contrôler les praticiens sur la qualité des antibiogrammes qui supportent la prescription d'antibiotiques critiques. Si le laboratoire utilise la méthode des disques en milieu gélosé, le praticien devrait vérifier qu'il applique bien la norme Afnor U47-107. Source illustration : Wikimedia.
La méthode des disques en milieu gélosé
Le ministère de l'agriculture demande à ses inspecteurs de contrôler les praticiens sur la qualité des antibiogrammes qui supportent la prescription d'antibiotiques critiques. Si le laboratoire utilise la méthode des disques en milieu gélosé, le praticien devrait vérifier qu'il applique bien la norme Afnor U47-107. Source illustration : Wikimedia.
 

En médecine vétérinaire, le recours à des antibiotiques critiques, céphalosporines de dernières générations (C3G/C4G) et fluoroquinolones, a chuté de 90 % depuis 2013 e,t de (seulement ?) 70 % chez les chiens et les chats. C'est déjà beaucoup plus que l'objectif de – 25 % qui avait été fixé aux vétérinaires par la loi d'avenir en 2014.

Tout le monde, politique, scientifique et évidemment vétérinaire, se satisfait depuis deux ans de ce résultat.

Un excellent résultat ne suffit pas à faire baisser la pression

Pourtant, malgré cet excellent résultat, le bulletin officiel du ministère de l'agriculture a publié une nouvelle note de service pour demander aux vétérinaires inspecteurs des DDPP (directions départementales de la protection de la population) de mieux vérifier la « légalité » du recours à des antibiotiques critiques par les vétérinaires prescripteurs. Comme si ces derniers avaient beaucoup abusé du recours à des antibiotiques critiques sur la base d'antibiogrammes « litigieux ». Les chiffres de ventes d'antibiotiques critiques démontrent que ce n'est pas le cas. Mais la rigueur dans les inspections des praticiens sur ce point s'accroît.

Les tests rapides réalisés par les vétérinaires ne sont pas acceptés

Il s'agit en fait de réclamer aux praticiens des garanties sur le respect des normes de qualité des antibiogrammes sur lesquels ils appuient leurs prescriptions de molécules critiques. Car les antibiotiques critiques (fluoroquinolones ou C3G/C4G) ne peuvent être prescrits qu'après une identification du germe et un antibiogramme obligatoire (sauf rares exceptions) selon une méthode validée.

L'arrêté du 18 mars 2016 prévoit que peuvent être acceptées :

  • Soit l'une des deux normes Afnor en milieu gélosé NF U47-107 (décembre 2004), la « méthode des disques » la plus couramment utilisée, ou NF U47-106 (décembre 2012) ;
  • Soit un autre test s'il est validé par l'Anses, avec une attestation de conformité du laboratoire national de référence (LNR) de l'antibiorésistance. En pratique, un seul test validé par l'Anses dispose de cette attestation de conformité : les cartes de BioMérieux Vitek° 2 pour justifier la prescription d'antibiotiques critiques seulement contre des entérobactéries et, pour la seule marbofloxacine, contre des staphylocoques. En pratique, le dispositif Vitek°2 est un automate permettant aux laboratoires de microbiologie, surtout de médecine humaine, de réaliser rapidement — dans la journée — et à une cadence élevée un grand nombre d'antibiogrammes. Cet appareil n'est donc pas un test rapide utilisable par le praticien.

Aucun test rapide réalisé par un vétérinaire ne correspond à ces critères.

C'est au praticien d'apporter la preuve de la qualité de l'antibiogramme

La note de service indique que, c'est au vétérinaire prescripteur d'apporter à l'inspecteur la preuve que la méthode utilisée par le laboratoire d'analyses (interne ou externe) pour justifier ces prescriptions d'antibiotiques critiques est validée, le cas échéant en produisant une documentation transmise par le laboratoire d'analyses.

En pratique, la quasi-totalité des laboratoires d'analyses utilisent la méthode des disques en milieu gélosé en appliquant la norme Afnor NF U47-107 (ou NF U47-106).

Conserver 5 ans les antibiogrammes à la norme Afnor U47-107

La note de service du ministère de l'agriculture martèle que cette référence à l'une des deux normes en milieu gélosé, NF U47-107 ou NF U47-106, doit obligatoirement figurer sur chaque compte rendu d'un résultat d'analyses du laboratoire utilisé pour soutenir la prescription d'une molécule critique. La note rappelle que ce compte rendu doit être conservé pendant 5 ans par le prescripteur d'un antibiotique critique.

Préférer un laboratoire d'analyses adhérent au Resapath,

Si le laboratoire d'analyses est adhérent au Resapath, la note de la DGAL tolère que le vétérinaire inspecteur ne soit pas tenu de vérifier la documentation du laboratoire pour s'assurer du bon respect de la norme U47-107. Mais la référence à cette norme doit néanmoins figurer sur le rapport d'analyses de l'antibiogramme. Le contrôle s'arrête donc à la seule vérification de la mention de cette norme sur le compte rendu.

En effet, tous les laboratoires adhérents du Resapath, un réseau d'environ 70 laboratoires publics ou privés animé par l'Anses, sont tenus d'appliquer cette norme. La qualité de leurs analyses est vérifiée avec un essai interlaboratoire réalisé chaque année.

La liste des laboratoires adhérents au Resapath figure sur ce lien (mise à jour en novembre 2019). Elle comprend :

  • D'une part, la plupart des laboratoires publics départementaux mais pas tous,
  • D'autre part, une dizaine de laboratoires privés bien établis, comme ceux d'Alcyon (29), Ani-Medic (85), Labovet (85), Resalab-Anibio (56), BioVilaine (35), Labofarm (22), BioChêne Vert (35), AaBioVet (62), Orbio (69), Vebio (94), Eurofins (03)…

Si le laboratoire n'est pas au Resapath, cela se complique (trop ?)

La réglementation n'oblige évidemment pas le prescripteur à recourir à un laboratoire d'analyses adhérent du Resapath. Mais, à travers cette note, le ministère de l'agriculture estime que la seule mention de la norme NFU47-107 sur le compte rendu d'analyses ne devrait pas suffire à considérer l'antibiogramme comme conforme à cette norme. Il ne suffit donc pas de le dire, ni même de l'écrire, mais de le prouver.

La note demande donc alors aux inspecteurs de vérifier que le vétérinaire prescripteur dispose de la documentation du laboratoire d'analyses qui atteste bien du respect de cette norme notamment sur les points suivants :

  • La catégorisation des résultats (S sensible, I intermédiaire, R résistant) à partir des diamètres critiques fixés par le comité de l‘antibiogramme de la société française de microbiologie (CA-SFM) ;
  • Le respect de la méthode des disques (charge en antibiotiques, incubation etc.),
  • Les contrôles de validité avec des souches de référence, réalisés au moins une fois par mois ;
  • La présentation du rapport d'analyses (et l'interprétation) etc.

Ce cas de figure correspond notamment à de nombreux « petits » laboratoires d'analyses vétérinaires, notamment la plupart de ceux adossés à un cabinet ou une clinique vétérinaire, ou aux laboratoires de biologie de médecine humaine qui n'adhèrent pas au Resapath.

Au final, cette note encourage donc,

  • D'une part, les laboratoires d'analyses à adhérer au Resapath,
  • D'autre part, les vétérinaires prescripteurs à adresser leurs prélèvements à des laboratoires adhérents du Resapath.

Antibiogramme obligatoire depuis le 1er avril 2016

Depuis le 1er avril 2016, la prescription des antibiotiques critiques (C3G-C4G, fluoroquinolones) n'est possible qu'aux conditions suivantes (voir LeFil du 29 mars 2016).

  • Un examen clinique préalable est réalisé par le vétérinaire prescripteur avec une analyse du contexte épidémiologique (art. R. 5141-117-3. I).
  • Une analyse microbiologique avec un antibiogramme (sensible à l'antibiotique critique) est réalisée sur un échantillon prélevé avant prescription par ce même vétérinaire « sous réserve que la localisation, le type d'infection et l'état général de l'animal permettent ce prélèvement ». En d'autres termes, « à l'impossible, nul n'est tenu ».
  • Le vétérinaire ne peut prescrire un antibiotique critique « qu'en l'absence de médicament non critique suffisamment efficace ou adapté pour traiter la maladie diagnostiquée » (art. R. 5141-117-1. II).

Le prélèvement et l'antibiogramme ne sont pas exigés « si le vétérinaire prescripteur a connaissance de résultats d'analyses datant de moins de trois mois pour le même animal et pour la même affection ». Toutefois, les prescriptions ne peuvent pas excéder un mois de traitement et le renouvellement de la délivrance à partir de la même ordonnance est interdit.

La désescalade en cas d'urgence

En cas d'urgence (« un risque aigu d'infection »), le vétérinaire peut prescrire un antibiotique critique « avant de prendre connaissance des résultats de l'antibiogramme » s'il suspecte que les antibiotiques non critiques « ne seront pas suffisamment efficaces » (art. R. 5141-117-2. IV).

« Dans un délai de quatre jours, le vétérinaire adapte le traitement en fonction des résultats de l'antibiogramme et de l'évolution du contexte clinique et épidémiologique ». C'est la désescalade si le résultat de l'antibiogramme conduit le vétérinaire à prescrire une molécule non critique à spectre étroit après la prescription en urgence d'une molécule critique à spectre large.

Jusqu'à 2 ans de prison et 150 000 € d'amende…

Le vétérinaire prescripteur est tenu de conserver les résultats de l'examen clinique et des analyses de laboratoire (antibiogrammes…) pendant au moins cinq ans (art. R. 5141-117-1. II). Il n'est pas exigé que les détenteurs des animaux conservent une copie de ces comptes rendus.

La loi d'avenir d'octobre 2014 a prévu que le non-respect des dispositions sur les antibiotiques critiques est puni jusqu'à 2 ans de prison et 150 000 euros d'amende, comme d'ailleurs les autres infractions aux règles de prescription-délivrance (art. L. 5442-10).