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7 août 2020

France : 8 catégories de facteurs de stress professionnel identifiées chez les vétérinaires en exercice

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Une grille d'évaluation des facteurs de stress professionnel propres aux vétérinaires a été validée par une chercheuse française en psychologie. Ces facteurs explicatifs du stress ressenti au travail sont classés par ordre décroissant d'importance. Les deux facteurs n'ayant pas passé la validation statistique initiale sont en bleu ; ils n'ont pas obéré la validation du modèle dans son ensemble (LeFil, d'après Andela, 2020).
Une grille d'évaluation des facteurs de stress professionnel propres aux vétérinaires a été validée par une chercheuse française en psychologie. Ces facteurs explicatifs du stress ressenti au travail sont classés par ordre décroissant d'importance. Les deux facteurs n'ayant pas passé la validation statistique initiale sont en bleu ; ils n'ont pas obéré la validation du modèle dans son ensemble (LeFil, d'après Andela, 2020).
 

Voici le premier outil d'évaluation des stress professionnels spécifiques aux vétérinaire, et il est français. Son élaboration et sa validation viennent d'être publiés par une chercheuse en psychologie de l'université de Franche-Comté. Contrairement aux travaux récents conduits aux USA où 40 facteurs de stress (regroupés en 15 catégories) avaient été listés mais non validés, la méthodologie adoptée ici est présentée (elle ne l'est pas dans l'étude américaine) et validée par une enquête auprès de 490 praticiens, et soumise à une analyse statistique. Le résultat : l'inventaire des facteurs de stress vétérinaires (VSI, pour Veterinarians Stressors Inventory).

39 facteurs de stress

Le constat des sciences humaines est aujourd'hui difficile à rejeter : la profession vétérinaire « est à risque élevé de détresse psychologique » et « les médias comme les scientifiques ont mis en lumière le besoin de recherche pour identifier les facteurs contribuant à ce problème d'ampleur professionnelle ». Cette détresse se traduit par du burnout, des troubles somatiques divers (douleur, vertiges, céphalées…) et des pensées suicidaires. Pour dresser la liste de ces facteurs de stress, l'auteure a d'abord réalisé une revue de la littérature sur le sujet, puis a complété cette première liste par le résultat d'interviews auprès de 25 praticiens, exerçant dans des structures différentes. En confrontant les facteurs les plus cités à ceux obtenus de la littérature, elle a ainsi dressé la liste de 39 facteurs de stress fréquemment évoqués par les praticiens (les plus rarement cités ont été écartés).

Questionnaire en ligne

Cet « inventaire » a ensuite été soumis des vétérinaires exerçant en Aquitaine, par questionnaire en ligne, en leur proposant de participer à un travail de recherche sur la personne et son environnement professionnel. Pour chaque facteur de stress proposé, formulé au plus près des termes utilisés par les 25 praticiens de la partie initiale de l'étude, les participants devaient fournir une note de 0 à 5 selon qu'ils se trouvaient dans cette situation (0 : jamais, 5 : très souvent). Le questionnaire comprenait aussi l'évaluation de chacune des trois composantes de la détresse psychologique, pour lesquelles des grilles d'évaluation sont déjà publiées et validées. L'analyse statistique a d'abord validé le modèle de la liste des 39 facteurs de stress, en le regroupant en 8 catégories (voir l'image principale), avant d'explorer les associations entre critères de détresse psychologique et facteurs de stress.

Vie de vet'/vie privée

Près de 500 praticiens ont répondu à la totalité du questionnaire (n=490). Les répondants avaient en moyenne 37 ans (de 18 à 66 ans) et étaient en grande majorité des femmes (72 %). Il s'agissait d'employés (41 %) et d'associés (34 %), loin devant les collaborateurs libéraux (6,9 %). Sur la base des limites d'interprétation statistique prévues dans le protocole, deux facteur de stress de la grille paraissent ne pas être significatifs dans l'analyse statistique initiale : “être confronté à un retour d'information négatif sur internet de la part de clients” et “être confronté à des clients faisant une demande trop légère d'euthanasie”. Le modèle comprenant ses 8 catégories reste toutefois validé dans son ensemble par deux autres approches statistiques. Dans le tableau récapitulant les facteurs de stress spécifiques aux vétérinaires, les catégories sont classées par ordre d'importance décroissant pour l'analyse statistique (proportion dans l'explication de la variance : 22,5 % pour la relation vie privée-vie professionnelle, contre 2,26 % pour le fait de se sentir en danger). Le fait que la conciliation des vies privée et professionnelle soit en échec chez les vétérinaires n'est pas une découverte, mais que cela arrive en tête des facteurs de stress l'est. « Avec la féminisation, ce problème de congés parentaux et de soins aux enfants devient plus saillant ». Pour la charge de travail (3e position), là non plus pas de découverte ; cela a déjà été associé au burnout dans d'autres études, mais cela « génère un niveau élevé de stress ».

Besoins du maître

Les autres catégories de facteur de stress confirment également d'autres études. Celle qui apparaît relativement nouvelle au regard de la littérature est la charge émotionnelle. Dans la discussion, l'auteure confronte plusieurs composantes possibles de cet aspect. D'une part l'évolution sociale voulant que l'animal de compagnie devienne un membre de la famille, « ce qui impose au praticien non seulement de prêter attention aux besoins médicaux de l'animal, mais aussi à la relation entre le maître et ses animaux, et de prendre en compte et de soutenir leurs besoins émotionnels ». Au point que « le professionnel peut souffrir de la perte d'un animal […], de l'incapacité à le traiter [comme] d'avoir à annoncer de mauvaises nouvelles ou à réaliser une euthanasie ».

Enfin, une autre évaluation statistique a été entreprise : celle des 8 catégories de facteurs de stress avec les paramètres de détresse psychologique. « Ils sont tous les huit corrélés à l'épuisement émotionnel, qui est l'une des dimensions principales du burnout), le cynisme et les troubles somatiques ». Un seul de ces 8 facteurs n'était pas corrélé à la survenue d'idées suicidaires : les problèmes entre collègues – qui est toutefois le second facteur de stress en importance relative.