titre_lefil
logo_elanco

26 mars 2020

La ponction percutanée des surrénales ne semble pas être un geste à risque chez le chien

par Agnès Faessel

Temps de lecture  3 min

Réponses à la question « Pourquoi ne réalisez-vous pas ce geste » (motifs suggérés, 98 répondants). D'après Pey et al., JVIM, 2020.
Réponses à la question « Pourquoi ne réalisez-vous pas ce geste » (motifs suggérés, 98 répondants). D'après Pey et al., JVIM, 2020.
 

À risque ? Pas à risque ? Ponctionner les surrénales en percutané sous échoguidage a la réputation d'être un geste pouvant engendrer des complications lors de tumeur de type phéochromocytome chez le chien. La ponction puis l'aspiration à l'aiguille fine pourrait en effet provoquer une crise d'hypertension aiguë aux conséquences délétères. L'importance de ce risque n'est toutefois pas bien documentée chez le chien (il est connu chez l'Homme). Un groupe de cliniciens universitaires de divers pays (USA, Australie et plusieurs pays d'Europe) a donc cherché à l'évaluer en interrogeant les vétérinaires spécialisés en imagerie médicale, susceptibles ainsi d'effectuer régulièrement ce prélèvement dans leur pratique. Ils publient leurs résultats en libre accès dans le JVIM.

Seuls 3 spécialistes sur 10 pratiquent ce geste

Ils ont adressé un premier questionnaire aux diplômés des collèges américain et européen de radiologie (ACVR) ou d'imagerie médicale (ECVDI), leur demandant s'ils utilisaient cette technique, à quelle fréquence et avec quelles complications si oui, et pourquoi si non.

Les répondants (n=138) ne pratiquent pas ce geste pour une majorité d'entre eux (71 %). Et la première raison invoquée pour cela est effectivement la crainte d'une crise hypertensive aiguë (citée à 45 %, voir graphique). 3 spécialistes ont aussi stoppé la réalisation de ces biopsies à la suite d'une mauvaise expérience (survenue de complications).

Chez les 29 % qui la pratiquent, la technique a pourtant rarement généré d'effets secondaires : seuls 22 % en ont rencontré. Le plus souvent dans ce cas et lorsque précisé (ce n'était pas demandé), il s'agissait d'hémorragies.

La technique n'influence pas le résultat

Pour aller plus loin, un second questionnaire a sollicité les seuls spécialistes pratiquant ou ayant pratiqué ce type de prélèvements, afin de récolter des cas cliniques et obtenir des précisions sur la technique suivie (protocole de sédation ou anesthésie, taille de l'aiguille, prélèvement par aspiration ou capillarité, nombre de tentatives, etc.). 12 réponses ont été obtenues, et 50 cas récoltés (58 prélèvements car plusieurs étaient bilatéraux). L'âge médian de ces chiens était de 11 ans. Le plus souvent, le clinicien utilise une aiguille de 22G et prélève l'échantillon par capillarité (sans aspiration).

En majorité, l'examen cytologique effectué sur le prélèvement permet de confirmer précisément le diagnostic (71 % des cas). Dans une bonne moitié des cas ici (23/41 soit 56 %), il s'agissait d'un phéochromocytome. L'examen (seul) est insuffisant ou incomplet pour établir la nature et l'origine de la lésion dans les autres cas. La technique utilisée pour le prélèvement n'a pas influencé la précision du diagnostic ultérieur. Elle n'apparaît pas associée non plus aux (rares) complications observées.

4 complications dont 1 mortelle

Une complication est effectivement rapportée chez 4 chiens « seulement » (8 % des 50 cas) :

  • Une hémorragie modérée immédiatement à l'issue de la procédure et entraînant la formation d'un hématome sur un cas d'adénome ;
  • Un syndrome de détresse respiratoire aiguë, survenu après 28h et ayant entraîné la mort, potentiellement en lien avec une paralysie laryngée (le chien était également atteint du syndrome de Wobbler), sur un cas de phéochromocytome ;
  • Deux petites hémorragies locales, immédiatement à l'issue du prélèvement, et régressant spontanément rapidement (quelques heures à 24h), sur un cas de tumeur maligne de nature indéfinie (phéochromocytome ou carcinome) et un autre d'adénome ou d'hyperplasie (diagnostic imprécis).

Selon les auteurs de ces travaux, il apparaît donc que la ponction percutanée échoguidée des surrénales n'est pas une technique diagnostique particulièrement à risque chez le chien. Les réticences des vétérinaires à y recourir sembleraient ainsi infondées, notamment au regard de son intérêt clinique.

Sûre et instructive

En effet, la ponction échoguidée est une technique de biopsie peu invasive. Pour les surrénales, ce prélèvement pour examen cytologique est généralement effectué afin de confirmer la nature néoplasique de l'atteinte, son type (adénome, carcinome, phéochromocytome, métastase) et son origine (corticale ou médullaire). Il est complémentaire des autres examens éventuellement pratiqués (imagerie, tests endocriniens) qui renseigneront, notamment, la nature bénigne ou maligne de la lésion, son étendue, son impact sur la fonction surrénale, etc.