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7 février 2020

Le portrait-robot des chats parachutistes (français) et de leurs lésions sont confirmés par l'étude de cohorte la plus fournie sur ce syndrome

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Distribution des 488 chats parachutistes selon leur hauteur de chute dans l'étude rétrospective de cohorte la plus fournie des publications sur ce syndrome (Detable, 2019).
Distribution des 488 chats parachutistes selon leur hauteur de chute dans l'étude rétrospective de cohorte la plus fournie des publications sur ce syndrome (Detable, 2019).
 

« Notre étude confirme les descriptions déjà établies : le syndrome du chat parachutiste concerne principalement des chats jeunes âgés de moins d'un an. Les chutes surviennent durant les mois les plus cléments de l'année », entre mai et octobre et « le taux de survie est élevé (88 %) », même si les chats décédés en touchant le sol ne sont pas tous vus par le vétérinaire. La thèse vétérinaire de ce jeune confrère, soutenue en octobre dernier et mise en ligne début 2020 repose sur « la plus grosse cohorte de chats parachutistes jamais répertoriée » (488 chats présentés au Centre Hospitalier Universitaire Vétérinaire d'Alfort, entre juillet 2014 et septembre 2018). Elle propose aussi un score de triage traumatique à l'arrivée de l'animal pouvant avoir un rôle pronostique.

Pas de lien hauteur/nombre de lésions

La première partie du manuscrit analyse 10 publications détaillant l'épidémiologie du syndrome du chat parachutiste, parues entre 1987 et 2013. Elle permet – entre autres, de constater que les estimations du nombre de total de lésions en fonction de la hauteur de chute sont variables et fournissent un résultat « très laborieux et aléatoire ». Toutefois, plusieurs associations statistiquement significatives sont signalées dans un de ces articles : 

  • « plus la hauteur de chute augmente, moins les lésions de la face sont nombreuses ;
  • les lésions de l'appareil respiratoire sont principalement retrouvées pour des hauteurs de chute moyenne (entre 3 et 6 étages) ;
  • la survenue de pneumothorax correspond à une hauteur de chute moyenne (3 à 6 étages) à haute (7-8 étages) ;
  • les lésions neurologiques surviennent principalement pour des chutes de faible hauteur (1 à 2 étages) ».

Jusqu'au 14e étage

La seconde partie de la thèse détaille les données issues des 488 chats de la cohorte du CHUVA sous les angles épidémiologique, lésionnel et clinique. Ainsi, les jeunes chats dominent : 38,8 % ont moins d'un an et la médiane est à 14 mois. La moyenne est à 2,8 ans, même si deux des chats ont 18 à 19 ans. Près de deux tiers sont des mâles (61 %) et les proportions d'animaux stérilisés sont comparables parmi les mâles et les femelles. Les chats européens dominent (82 % de l'effectif), mais cela reflète probablement leur présence en foyers urbains. La hauteur de chute la plus fréquente est celle du 4e étage (25,2 %, voir l'illustration principale), même si l'un des chats était tombé du 14e. Ces 4 étages sont aussi la moyenne de l'effectif ; celà « correspond en Europe à environ 10,8 mètres de haut. Cette hauteur est celle à partir de laquelle le chat finit sa phase de redressement et initie sa phase dite de “vol plané” au cours du phénomène de chute ». Le pic saisonnier, déjà mentionné dans les autres publications, est confirmé, en lien avec la belle saison (fenêtres ouvertes) : 46,8 % des chutes surviennent de mai à juillet, mais à part pour août (le CHUVA est fermé), la fréquence des cas dépasse 10 % de mai à octobre.

Décès dans les 48 premières heures

Dans leur grande majorité (88 %), les chats survivent à leur chute. Les euthanasies (7 %) et le décès « par arrêt cardiaque spontané » (5 %) ne sont donc pas la règle pour les parachutistes arrivant jusqu'aux urgences. « La plupart des décès en hospitalisation surviennent dans les 24 à 48 heures après la chute. Ce point conforte la nécessité d'une hospitalisation d'un à deux jours afin de placer l'animal sous surveillance et d'être en capacité de réagir au mieux face à tout phénomène de décompensation ». Mais plus du quart des sujets (28 %) sortent d'hospitalisation avec une décharge – dans plus de la moitié de ces cas (58,5 %) pour raisons financières. Pour les auteurs, la durée moyenne d'hospitalisation a été de 3,7 jours.

Thorax plus qu'abdomen

Dans l'approche lésionnelle, les lésions thoraciques sont plus fréquentes que les lésions abdominales, mais les chiffres ne portent pas sur les mêmes effectifs. Sur les 257 chats pour lesquels un bilan thoracique a été effectué, 64,6 % présentaient des lésions (des poumons dans 68,5 %, du médiastin dans 19,7 % des cas et de la plèvre dans 11,8 % des cas). « Des radiographies thoraciques doivent de ce fait être systématiquement réalisées afin détecter toute anomalie » rappelle l'auteur. Les lésions abdominales n'ont concerné que 12,1 % des 390 chats ayant eu ce bilan. Les deux lésions dominantes étaient l'épanchement (56 % des cas) et l'hématome vésical (26 %), loin devant la distension de la paroi vésicale (4 %). Les lésions neurologiques sont presque aussi fréquentes (10,5 % des 476 chats avec ce bilan) et sont liées aux traumatismes de la moelle épinière (57 %), du crâne (32 %) ou des nerfs périphériques (9 %).

Un chat sur deux sans fracture

L'analyse ne comprend pas la hauteur de chute, mais sur les 448 chats ayant fait l'objet d'un bilan ostéo-articulaire, près de la moitié (44,9 %) n'en présentaient aucune. Les 247 chats restants avaient ensemble 400 lésions : dans 82 % des cas une fracture (7,1 % d'entre elles sont ouvertes), dans 17 % une luxation et dans 1 % des cas, une rupture des ligaments croisés. Ces fractures concernent en proportions comparables les membres antérieurs (52 %) ou postérieurs (48 %). Les luxations les plus fréquentes concernent les extrémités (37,7 % : carpiennes, métacarpiennes, tarsiennes ou métatarsiennes), devant les luxations sacro-iliaques (20 %) et de la hanche (18 %). Les lésions orofaciales sont également fréquentes (78 % des chats), dominées par les abrasions (30,7 %) et l'épistaxis (22,6 %). L'approche clinique ne réserve pas de surprise. La durée d'hospitalisation non plus : de 3,9 jours en moyenne pour les lésions thoraciques à 7 jours pour les lésions ostéo-articulaires.

Répartition des différents types de fractures rencontrées (310 sur un peu moins de 250 chats) (Detable, 2019).

 

Score de triage

L'une des originalités de ce travail porte sur la réalisation rétrospective d'un score de triage traumatique (ATT) pour chaque animal, à partir de son dossier médical. Il s'agit d'un « système de notation mis au point afin de fournir une stratification des patients traumatisés en se basant sur la sévérité de leurs lésions à l'admission », dont la grille est présentée en page 77 du manuscrit. Si la valeur moyenne du score ATT pour les 488 chats de l'étude est de 3,7 ce score est plus élevé « chez les chats ayant été euthanasiés (7,7) [ou qui sont] décédés au moment de l'admission ou durant leur hospitalisation (6,8) » (voir le graphique ci-dessous). Ainsi, « un score de triage plus élevé à l'admission peut aider à l'établissement du bilan clinique, ainsi qu'à l'estimation de la durée de l'hospitalisation ».

Valeur du score de triage traumatique (ATT) selon le devenir des chats (estimation rétrospective) (Detable, 2019).