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6 juin 2019

Les saignements consécutifs à une biopsie du foie chez le chat sont plus graves en cas d'anémie ou de lipidose

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

La taille de l'aiguille comme le nombre de prélèvements réalisés sont sans influence sur la gravité des saignements consécutifs à une biopsie hépatique chez le chat dans cette étude. Cliché Ablatech.fr.
La taille de l'aiguille comme le nombre de prélèvements réalisés sont sans influence sur la gravité des saignements consécutifs à une biopsie hépatique chez le chat dans cette étude. Cliché Ablatech.fr.
 

Une hémorragie est la principale complication d'une biopsie hépatique. Les données manquaient toutefois pour en quantifier le risque chez le chat. Une étude rétrospective a ainsi été conduite pour évaluer l'incidence des saignements et leur impact clinique, ainsi que les facteurs de risque associés. Elle a inclus 30 cas chez qui une biopsie échoguidée du foie a été réalisée par voie transcutanée. Ses résultats sont publiés en libre accès dans le dernier numéro du JFMS (juin 2019).

Bilan d'hémostase et suivi de l'hématocrite

Les 30 chats ont tous été pris en charge dans le même hôpital universitaire (Tufts University, région de Boston aux États-Unis). Leur dossier médical devait comporter, entre autres, un bilan hématologique incluant les facteurs de l'hémostase (plaquettes, temps de Quick, temps de céphaline activée), réalisé juste avant l'intervention (dans les 6h avant), et a minima une mesure de l'hématocrite dans les 36h suivantes. Un bilan biochimique était également disponible.

L'évolution de l'hématocrite et la survenue d'éventuelles complications, c'est-à-dire des troubles cardio-vasculaires nécessitant une prise en charge médicale (fluidothérapie ou transfusion de sang, par exemple), ont été analysées.

Baisse systématique de l'hématocrite

Les résultats montrent qu'un saignement est systématique, objectivé au travers de la baisse des valeurs de l'hématocrite mesurées avant et après la biopsie. Mais il est surtout intéressant de constater qu'il est « majeur » dans plus de la moitié des cas : chez 17 chats sur les 30 soit 57 %.

Par extension des critères utilisés en médecine humaine pour qualifier l'importance des saignements lors de maladie hépatique, une atteinte « majeure » correspond à une diminution de l'hématocrite de 6 points ou davantage (6 % en valeur absolue). Si la variation reste inférieure à 6 %, les saignements sont considérés comme « mineurs ». C'est le cas pour tous les autres chats ici (13/30 soit 43 %).

Sur l'ensemble du groupe, la baisse moyenne de l'hématocrite est de 6,9 %. Elle est de 3,4 % chez les 13 chats présentant un saignement mineur, et atteint 10 % chez les 17 chats présentant un saignement majeur.

L'hémorragie était visible sur le moment à l'échographie dans une bonne moitié des cas (17/30), mais autant chez des chats présentant un saignement majeur que mineur (9 et 8 cas, respectivement).

Des conséquences cliniques limitées

Même majeures, ces hémorragies restent néanmoins le plus souvent subcliniques. En effet, des complications requérant des soins spécifiques ne sont rapportées que chez 5 chats, soit pour 17 % de l'effectif total, ce qui reste toutefois notable et supérieur à ce qui est décrit chez le chien ou chez l'homme, ou même chez le chat dans une autre étude.

Parmi ces 5 chats, 1 a présenté un saignement de faible importance (« mineur »). Le degré de variation de l'hématocrite est d'ailleurs sans différence significative chez les chats ayant ou non développé des complications. Aucun cas de mortalité n'est rapporté ici (à court terme).

Sur-risque de complications chez les chats anémiés

Les auteurs de l'étude ont également recherché les paramètres associés à la gravité des saignements (importance et répercussions cliniques). Mais sans grand succès.

La valeur initiale de l'hématocrite apparaît ainsi sans lien significatif avec le type de saignement (majeur ou mineur). Elle est liée, en revanche, à la survenue de complications cliniques : une anémie préalable augmente le risque de troubles cardiovasculaires. Et selon les auteurs, « il est ainsi prudent de se préparer à devoir intervenir pour réanimer les chats anémiques chez qui une biopsie hépatique est effectuée ».

40 % des chats de l'étude (12/30) étaient en effet anémiés avant la biopsie (hématocrite < 30 %). Et beaucoup le deviennent ensuite (14 cas supplémentaires soit 26 au total).

Certains animaux présentaient aussi une légère thrombocytopénie (4 cas), un temps de Quick et/ou un temps de céphaline activée anormalement longs (9 cas et 2 cas). Toutefois, ces paramètres apparaissent sans influence significative sur l'importance du saignement post-biopsie, ou corrélés mais de manière paradoxale (les plaquettes sont étonnamment plus élevées de manière significative chez les chats présentant un saignement de faible importance).

En pratique, à l'exception de la mesure de l'hématocrite, le bilan hématologique, et particulièrement le bilan d'hémostase, ne semblent pas présenter de valeur prédictive sur le risque de saignement majeur ou de complication clinique. À noter toutefois que les paramètres du bilan d'hémostase pris en compte ici étaient limités.

Pas d'effet d'un apport en vitamine K

De la vitamine K avait été administrée en prévention le jour précédant l'intervention chez près des deux tiers des chats (19/30). Mais cette pratique se révèle sans influence sur la gravité des saignements ultérieurs.

Prudence pour les cas de lipidose

Concernant les résultats de la biopsie, il ressort que seuls les cas de lipidose hépatique (11 cas ici) montrent une baisse significativement plus marquée de l'hématocrite après l'intervention. La lipidose est ainsi un facteur de risque de saignement majeur, qui pourrait s'expliquer, selon les auteurs, par la nature friable du tissu hépatique lésé, et/ou les conséquences de la maladie sur le processus de coagulation. Le risque de complication clinique, en revanche, n'est pas majoré.

Aucun des autres paramètres explorés n'a été trouvé associé à la gravité des saignements : données liées au chat (race, âge, sexe, poids), marqueurs sanguins hépatiques, qualification de l'opérateur, protocole anesthésique, anomalies décelées à l'échographie (hépatomégalie, ascite, présence de nodule, etc.), aiguille utilisée pour le prélèvement, nombre de biopsies réalisées…

L'une des principales limites de cette étude reste l'évaluation de la présence d'un saignement post-biopsie au travers de l'évolution de l'hématocrite. En effet, d'autres facteurs pourraient contribuer à la diminution de l'hématocrite, notamment les agents anesthésiques utilisés dans le cadre de l'intervention. La mesure de l'hématocrite était toutefois réalisée jusqu'à 36h après le réveil, un délai après lequel les effets de l'anesthésie sont dissipés.