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Elanco & Proplan

6 février 2019

Analyse dans trois hôpitaux vétérinaires : l'erreur médicale la plus fréquente est médicamenteuse

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Distribution des erreurs médicamenteuses par nature de cette erreur, sur l'ensemble des trois hôpitaux vétérinaires de l'étude consacrée aux erreurs médicales déclarées par le personnel dans ces structures (LeFil d'après Wallis et coll., 2019).
Distribution des erreurs médicamenteuses par nature de cette erreur, sur l'ensemble des trois hôpitaux vétérinaires de l'étude consacrée aux erreurs médicales déclarées par le personnel dans ces structures (LeFil d'après Wallis et coll., 2019).
 

Quelle est la fréquence des erreurs médicales dans les hôpitaux vétérinaires et quelle en est la nature ? Des cliniciens de l'université vétérinaire et d'un hôpital privé de référés de l'université Cornell (USA) viennent de publier le bilan dressé à partir des données de trois telles structures : c'est l'erreur médicamenteuse qui est prédominante, talonnée par les échecs de communication – et dans le même ordre dans les trois hôpitaux.

Peu de données publiées

Ces auteurs retiennent comme définition de l'erreur médicale celle de médecine humaine : « un acte d'omission ou de commission dans la planification ou l'exécution qui contribue ou pourrait contribuer à un résultat inattendu ». Aux USA, elles ont été « récemment estimées comme étant la 3e cause majeure de mortalité », toujours en humaine. En médecine vétérinaire, la littérature est plus frustre : ces auteurs identifient quatre articles, deux Nord-Américains et deux britanniques portant sur un nombre limité d'incidents, dont l'un consacré aux erreurs commises par les jeunes diplômés. Et seules deux autres publications proposent des approches visant à réduire les erreurs médicales, l'une en chirurgie et l'autre en anesthésiologie. Ils se sont donc penchés sur les registres des deux hôpitaux de l'université de Cornell (petits et grands animaux) et d'un hôpital privé d'urgence et de référés.

Modalités de déclaration

Leurs hypothèses étaient que l'erreur médicamenteuse serait la plus fréquente, et que les incidents ayant un impact négatif sur le patient seraient plus souvent déclarés dans les hôpitaux universitaires que dans la structure privée. Dans les deux hôpitaux universitaires, les étudiants ne sont présents que la journée (peu de nuit, hors gardes d'urgence) et ont en charge un même cas, auquel ils administrent certains traitements médicaux. Dans l'hôpital privé, la présence d'étudiants est rare (« externes ») et chaque animal est sous la responsabilité d'un « technicien vétérinaire », tandis que toutes les procédures sont effectuées par des cliniciens. Un même service de déclaration en ligne d'incidents est disponible dans les trois structures, disponible pour toute personne effectuant une erreur médicale, au moment où elle prend conscience de cette erreur ; cette déclaration peut être anonyme et présente des types d'erreur prédéfinis (voir le tableau ci-dessous). Une telle déclaration est immédiatement lue par un employé administratif ou technicien vétérinaire dédié, qui investigue – en particulier les mesures prises si le patient est affecté.

Types d'erreur et d'incidents, tels qu'ils peuvent être saisis (y compris de manière anonyme) dans le logiciel à disposition du personnel des hôpitaux vétérinaires de l'étude, pour déclarer en ligne une erreur médicale (LeFil d'après Wallis et coll., 2019).

 

5,3 erreurs pour mille patients

Les données de ce registre en ligne ont été collectées depuis sa mise en place (début 2015 pour les deux hôpitaux universitaires, début 2016 pour l'hôpital privé), jusque mars 2018, soit 560 rapports d'erreurs exploitables. Au total, il y avait 5,3 erreurs médicales p. 1 000 patients, ce qui est jugé « fréquent » par les auteurs, avec une nette différence entre les structures :

  • 3,8 p. 1 000 patients dans l'hôpital universitaire petits animaux,
  • 6,5 p. 1 000 patients dans l'hôpital universitaire grands animaux, et
  • 8,3 p. 1 000 patients dans l'hôpital privé.

Les erreurs médicamenteuses étaient les plus fréquentes (62 % pour la moyenne des trois établissements, mais 69 % dans l'hôpital universitaire petits animaux). La nature de l'erreur la plus fréquente était l'administration d'une dose erronée (voir l'illustration principale). Dans la structure privée, l'erreur la plus fréquente était toutefois une erreur sur le timing de l'administration par rapport à la prescription. Suivent, en fréquence, des erreurs de communication , à 30 % en moyenne (22 % dans l'hôpital universitaire petits animaux). Suivaient les erreurs de système et de supervision (autour de 12 %) ; « les autres erreurs étant plus rares ».

15 % des erreurs médicales ont affecté le patient

Sur la totalité des erreurs, 61 % ont atteint le patient, mais seules 15 % l'ont affecté (voir le tableau ci-dessous). La proportion d'accidents évités de justesse était significativement plus élevée dans l'hôpital universitaire petits animaux (p<0,001). En revanche, et conformément à l'hypothèse de départ, il y avait significativement plus d'incidents indésirables dans les deux hôpitaux vétérinaires (19,8 et 21,6 %) que dans la structure privée (9,2 %). La même tendance s'observe sur les conséquences de l'erreur médicale : la structure privée ne rapporte aucun décès, alors que c'est la conséquence de 5,9 à 9,1 % des incidents indésirables dans les hôpitaux universitaires petits et grands animaux, respectivement. Pour les auteurs, cela reflète avant tout la nature des établissements d'enseignement, mais aussi une habitude mieux partagée à déclarer les erreurs par le personnel de l'hôpital universitaire petits animaux qu'une prévalence absolue d'erreurs médicales (connues pour être sous-estimées par les systèmes de déclaration volontaire). Enfin, 91,8 % des incidents indésirables n'ont eu qu'un impact temporaire sur le patient (et 3,5 % un impact permanent).

Proportion des erreurs médicales selon le degré avec lequel elles affectent le patient (LeFil d'après Wallis et coll., 2019).

 

Burn-out émotionnel

Il reste, soulignent les auteurs « qu'il faut prendre en compte non seulement l'impact négatif [des erreurs médicales] sur le patient, mais aussi l'impact émotionnel sur le client, les dommages éventuels sur la réputation de l'établissement, mais aussi sur le personnel soignant ». Les erreurs médicales ont été citées dans d'autres travaux comme « contribuant significativement au burn-out émotionnel » du personnel soignant. Et des « erreurs sérieuses » ont été citées par des vétérinaires comme « pouvant altérer leur confiance et leur santé mentale ». Il leur paraît donc « important d'introduire des systèmes de déclaration d'incidents et des comités les passant en revue ». Et dans les hôpitaux, les auteurs estiment « vital de mettre en place des systèmes permettant aux vétérinaires de se sentir à l'aise en admettant leurs erreurs et en les guidant pour révéler celles-ci aux clients ».