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Elanco & Proplan

3 mars 2016

Seconde insuline vétérinaire pour les chats diabétiques

par Agnès Faessel

Crédit Boehringer Ingelheim.

Boehringer Ingelheim commercialise depuis quelques semaines son insuline humaine recombinante pour les chats, déjà disponible en Amérique du Nord depuis 7 ans.

 
Crédit Boehringer Ingelheim.
 

En France, 63 % des chats diabétiques sont traités par insulinothérapie. C’est moins que les 72 % en Allemagne ou 83 % en Grande-Bretagne. « En première intention, 17 % des vétérinaires français limitent le traitement à des mesures diététiques, avant d’envisager l’injection d’insuline, malgré les recommandations scientifiques actuelles », relève Ilham Jabafi, chef de produits chez Boehringer Ingelheim. Le laboratoire commercialise en effet une nouvelle insuline vétérinaire – ProZinc° – pour le traitement du diabète sucré félin, depuis début février. Elle était déjà disponible aux USA depuis 2009.

Attente d’une alternative vétérinaire

En préparation du lancement, Boehringer a diligenté une étude de marché, auprès de 320 praticiens répartis dans trois pays : France, Allemagne, Royaume-Uni (enquête Vetflash 2010). Outre les données précédentes, les résultats montrent des différences dans le diagnostic de la maladie. La moitié des français ont recours au dosage des fructosamines, contre une très large majorité (89-90 %) de leurs confrères allemands et britanniques.

L’étude signale aussi une certaine attente des praticiens d’une alternative à l’arsenal thérapeutique actuellement disponible. Ceux-ci disposent depuis 1999 d’une insuline vétérinaire pour le chien et le chat (Caninsulin°, MSD), mais se tournent vers d’autres formulations, à usage humain, pour les cas où l’équilibre de la glycémie peine à être obtenu et que les symptômes persistent.

Insuline à effet prolongé

ProZinc° se distingue de Caninsulin° par la nature de son insuline (humaine et non porcine) et son délai d’action. C’est une insuline protamine-zinc : l’ajout de protamine retarde l’absorption des complexes insuline-zinc après administration. Son activité maximale (nadir) est obtenue en moyenne après 6h (3-9h), contre 4h pour Caninsulin° (insuline zinc) d’après les RCP (résumés des caractéristiques du produit).

ProZinc° se place dans la catégorie des insulines "à action prolongée", comme les insulines glargine (Lantus°) et détémir (Levemir°) en médecine humaine, d’après la classification de l’ISFM (International Society of Feline Medicine). Il complète ainsi réellement l’arsenal thérapeutique vétérinaire, Caninsulin° étant considéré comme une insuline "à action intermédiaire", un peu plus courte.

Dans une étude sur 133 chats – 120 nouveaux cas de diabète et 13 chez qui la maladie était traitée par insulinothérapie mais sans être contrôlée de manière satisfaisante – le traitement avec ProZinc° a été efficace à 85 % après 45 jours (contrôle de la glycémie, voir figure).

Évolution de la glycémie chez 133 chats traités avec ProZinc°

Étude sur 120 chats nouvellement diagnostiqués diabétiques et 13 présentant un diabète mal contrôlé par insulinothérapie (insulines de diverses formulations). jour0** : valeur moyenne de glycémie basée sur une mesure unique pour les 120 chats nouvellement diagnostiqués. Source : Boehringer Ingelheim.

Le contrôle du diabète a notamment été obtenu chez 9 des 13 chats préalablement traités avec d’autres insulines (diverses formulations).

Pour les nouveaux cas, Boehringer Ingelheim s’appuie sur les recommandations de l’ISFM pour inviter les vétérinaires à choisir ProZinc° en première intention. L’association a publié en mars 2015 ses directives pour le diagnostic et la prise en charge du diabète félin (version traduite en français disponible auprès du laboratoire).

Changer d’insuline, quelle qu’elle soit, chez un chat déjà correctement stabilisé n’est évidemment pas recommandé.

Deux injections par jour

Le protocole initial de traitement avec ProZinc° prévoit l’injection biquotidienne de 0,2 à 0,4 UI/kg. L’ajustement du dosage et du rythme d’administration s’effectue individuellement selon l’évolution de la glycémie et des signes cliniques après quelques jours.

La même démarche est suivie dans le cas d’un changement d’insuline chez un chat déjà traité. La dose initiale peut toutefois être alors légèrement augmentée, « jusqu’à 0,7 UI/kg » d’après le RCP.

L’effet hypoglycémiant est d’au moins 9h chez la majorité des chats après la première injection, selon la notice. Sur le terrain, le laboratoire observe une durée d’action de 18,5h (moyenne sur 10 chats). Cette durée varie fortement entre individus : entre 11,5 et 23h, ce qui autorise, chez certains chats, un protocole à une seule injection quotidienne.

Insuline recombinante

L’insuline de ProZinc° est produite selon un procédé génétique : une technologie d’ADN recombinant. Le gène de l’insuline humaine est intégré au génome d’une levure (Pichia pastoris) dont la culture permet la production de l’insuline, « en quantité constante et avec un moindre risque de contamination par des agents pathogènes », selon Boehringer Ingelheim. La production d’insuline féline selon cette technique est impossible à ce jour car le génome félin n’est pas encore séquencé.

ProZinc° se présente en suspension dosée à 40 UI/ml, en flacons de 10 ml. Il s’administre par voie sous-cutanée, avec des seringues à insuline graduées à 40 UI/ml, de 0,5 ml de contenance de préférence « car les volumes à administrer sont faibles ».

 

60 jours après ouverture

Son AMM européenne date de juillet 2013. La commercialisation a d’abord été limitée à l’Allemagne (en 2014) pour être étendue à l’Europe, dont la France, en 2016. Ce délai s’explique par la volonté du laboratoire d’attendre les résultats de nouvelles études de stabilité du produit.

La péremption après ouverture est ainsi allongée à 2 mois (60 jours). Elle est de 28 jours pour Caninsulin°, toutefois disponible également en petit conditionnement (2,5 et 10 ml).

« Rouler entre les paumes »

ProZinc° se conserve au réfrigérateur, y compris après ouverture.

Avant usage, la remise en suspension s’effectue avec précaution pour ne pas dégrader les complexes insuline-zinc : le flacon est doucement roulé entre les paumes des mains avant la ponction de la dose.

Le traitement est effectué simultanément ou juste après la prise alimentaire. Le principal risque d’effet indésirable est la survenue d’une hypoglycémie (lié à un surdosage).

Rémission clinique fréquente

La rémission clinique du diabète est fréquente chez le chat (20 à 50 % des cas). Une insulinothérapie précoce dès le diagnostic est donc recommandée, assortie d’un suivi régulier et de mesures diététiques (aliment riche en protéines et pauvre en glucides).

ProZinc° est disponible en centrale au tarif vétérinaire de 34 € HT/flacon. Son coût apparait ainsi supérieur à celui de Caninsulin° (commercialisé environ 15 € HT le flacon de 10 ml, 4 € HT celui de 2,5 ml, au tarif centrale). « Mais la comparaison des coûts de traitement est rendue difficile par la variabilité individuelle des dosages nécessaires pour contrôler le diabète » explique-t-on chez Boehringer Ingelheim.