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5 février 2016

Hyperthyroïdie féline et retardateurs de flammes : ça se confirme !

par Vincent Dedet

La comparaison des concentrations sériques en plusieurs familles de polluants organiques persistants montre qu'il y a une association entre la contamination en PBDE (retardateurs de flamme) et hyperthyroïdie féline. Cette exposition a toutefois diminué entre les deux périodes étudiées (d'après Guo et coll., 2016)

Une nouvelle étude, californienne, fournit des arguments supplémentaires sur l’association entre exposition aux retardateurs de flammes (polluants de l’environnement domestique) et survenue de l’hyperthyroïdie féline après 10 ans d’âge.

 
La comparaison des concentrations sériques en plusieurs familles de polluants organiques persistants montre qu'il y a une association entre la contamination en PBDE (retardateurs de flamme) et hyperthyroïdie féline. Cette exposition a toutefois diminué entre les deux périodes étudiées (d'après Guo et coll., 2016)
 

L’équipe californienne qui avait suspecté les retardateurs de flammes (diphényl éthers polybrominés, PBDE) d’être associés à la survenue de l’hyperthyroïdie féline dès 2007 vient d’ajouter un argument supplémentaire à cette suspicion. La plupart de ces molécules (il y a 19 congénères) ont été progressivement interdits ou abandonnés, entre 2004 et 2013 aux USA.

Poussières de maisons

La voie d’exposition des chats est orale : lors de leur toilette, ils ingèrent aussi des poussières de maison, dans lesquelles ces composés lipophiles se concentrent. Ils proviennent de la “fuite” depuis les matériels de bureau (plastiques thermoformés) et d’ornement (moquettes…) qui les contenaient par obligation sécuritaire (ralentir la propagation d’un feu éventuel). Étant de moins en moins utilisés, il serait donc logique que les chats y soient de moins en moins exposés. Toutefois, le chat détoxifiant mal (manque de glycuronidase), il est également sujet à bioaccumulation de ces polluants organiques persistants.

Réduction avérée

Les auteurs ont donc comparé deux groupes de chats de plus de 10 ans (plus le chat est âgé et plus il aura été exposé aux PBDE, qui sont persistants dans l’organisme). Le premier groupe est celui qui a donné lieu à leur publication de 2012 : le sérum de 21 chats âgés de 10 ans et plus au moment du prélèvement (entre 2008 et 2010) contenait en moyenne 4 510 ng de PBDE (les 19 congénères ensemble) par gramme de lipides. Le second groupe est constitué de 22 chats de 10 ans et plus au moment du prélèvement (en 2012-2013). Onze de ces chats étaient atteints d’hyperthyroïdie (signes cliniques et concentration en T4), et ont été appariés à 11 autres n’en étant pas suspects. Que ce soit sur la concentration sérique médiane en 19 congénères pris ensemble ou sur les 6 congénères dominants, la réduction d’exposition des chats est avérée, et hautement significative (voir le tableau).

Divisée par deux

De même, lorsque la comparaison se fait au sein de chaque groupe (entre “hyperthyroïdiens” d’une part et “euthyroïdiens” d’autre part), il y a également une réduction importante. L’exposition moyenne des chats a donc été presque divisée par deux (p=0,006) en quelques années. Ce que les auteurs attribuent à l’interdiction des PBDE à 5 et 8 ions brome en 2004 en Californie : les meubles et matériels en contenant ont été progressivement éliminés des maisons du fait de leur âge. Et remplacés par des meubles/tissus n’en contenant pas. Ils notent aussi que les congénères dominants chez le chat sont les mêmes que ceux retrouvés dans les poussières de maisons.

Sentinelle

Le rôle des chats comme sentinelle de l’environnement humain est également confirmé par la confrontation de ces dosages avec les concentrations des 5 congénères PBDE majeurs dans le sérum femmes de Californie, prélevés sur la même période (2009-2012) dans le cadre d’une autre étude. Cette concentration est 30 fois supérieure chez les chats, par rapport à celle des femmes.  Curieux, les auteurs ont cherché à évaluer si ce rôle pouvait s’étendre à d’autres composés organiques persistants.

Les PCB aussi

Ils ont donc aussi mesuré les concentrations sériques en polychlorobiphényles (PCB) et organochlorés (OC) chez les chats des deux études.  Ils observent que ces concentrations (15 congénères de PCB d’une part, et le traceur d’organochlorés qu’est le 4-4’DDT d’autre part) n’ont pas varié chez les chats entre les deux périodes (valeurs médianes, p=0,73 et p=0,43, respectivement). Pour les organochlorés, cette valeur était de 3 fois supérieure à celle du sérum des femmes de la 2e période. Pour les PCB, la concentration sérique médiane des chats de la 2e période était 6 fois supérieure à celle des femmes. Le rôle de sentinelle des chats en sort renforcé et suggère que la contamination environnementale en ces composés n’a pas changé sur la période étudiée.

PBDE et T4

Revenant à l’hyperthyroïdie, les auteurs ont enfin recherché si les niveaux sériques médians de chacune de ces familles de composés étaient associés à la concentration en T4. Ils obtiennent une association positive entre PBDE et T4 (augmentent ensemble : corrélation de 67 %, p=0,0061). En revanche, ils n’identifient pas de corrélation entre PCB et T4 (pas plus que pour les OC). Ils interprètent l’élévation de concentration de ces contaminants chez les chats hyperthyroïdiens comme le résultat artificiel de la rapide perte de poids de ces animaux. Il reste que cette étude est la troisième à mettre en évidence une association entre concentration sérique en retardateurs de flamme et  hyperthydoïdie féline, et la seconde à fournir un niveau statistiquement significatif pour cette association.