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Elanco & Proplan

27 août 2015

Intoxications. L’apomorphine, premier vomitif chez le chien, obtient une AMM vétérinaire

par Eric Vandaële

Lors d’intoxication récente, faire vomir le chien est un geste d’urgence. Encore faut-il disposer d’un vomitif. Source photo : site Web lebonchien.fr

La solution injectable d’apomorphine, Emedog° (TVM), ne sera pas commercialisée avant 2016.

 
Lors d’intoxication récente, faire vomir le chien est un geste d’urgence. Encore faut-il disposer d’un vomitif. Source photo : site Web lebonchien.fr
 

Faire vomir un chien ou un chiot suspecté d’avoir ingéré un médicament en grandes quantités ou un toxique est l’un des premiers gestes efficaces pour en diminuer l’absorption. Car les vomissements vident l’estomac de plus de 80 % de son contenu. Et pourtant, le vétérinaire était jusque-là très démuni pour provoquer ces vomissements.

Un vide thérapeutique : les vomitifs

Aucun médicament vétérinaire n’était indiqué comme vomitif chez le chien. Il était donc nécessaire de recourir dans le cadre de la cascade à un médicament humain, l’apomorphine (Apokinon°, Aguettant). Les autres méthodes, le sirop d’ipéca, l’eau oxygénée (à 3 %) ou le sel de table, sont considérées comme moins efficaces.

Paradoxalement, alors que les intoxications sont plus rares chez les chats, la xylazine (Rompun°) est efficace pour faire vomir les félins (à la dose de 0,4 à 0,5 mg/kg par voie IV ou IM), mais beaucoup moins fiable chez le chien.

Lancement en 2016

TVM vient de combler ce vide thérapeutique en obtenant le 8 juillet dernier une AMM vétérinaire pour une solution injectable à 1 mg/ml d’apomorphine baptisée Emedog°. Elle est présentée en boîte de cinq ampoules d’un ml. Toutefois, le lancement n’est pas prévu d’ici la fin de l’année, mais plutôt pour le premier semestre 2016.

Elle est indiquée à la dose de 0,1 mg/kg par voie SC soit une ampoule d’1 ml/10 kg. Les doses rapportées dans la bibliographie vont, par voie IV, de 0,02 à 0,04 mg/kg, ou par voie SC (ou IM) de 0,04 à 0,1 mg/kg.

Un dérivé dopaminergique de la morphine

Comme son nom l’indique, l’apomorphine est un dérivé de la morphine, mais sans activité analgésique ou addictive. Elle agit au niveau du système nerveux central en stimulant les récepteurs à la dopamine situés dans la « chemoreceptor trigger zone (CTZ) » à proximité du centre du vomissement. En médecine humaine, la même action dopaminergique conduit à l’indiquer comme traitement de la maladie de Parkinson (lors de crises sévères). L’effet émétique observé est alors considéré comme un indésirable.

Ne pas répéter l’injection

Le résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP) d’Emedog° signale qu’à doses élevées, l’apomorphine peut, à l’inverse, supprimer les vomissements en stimulant les récepteurs mu du centre du vomissement. C’est pourquoi, il est recommandé de ne pas répéter l’injection.

Un vomissement dans les 2 à 15 minutes dans 95 % des cas

La molécule lipophile franchit facilement la barrière hématoméningée pour atteindre le système nerveux central.

Son action est rapide : entre 2 et 15 minutes après l’injection (au plus 18 minutes pour une efficacité proche de 95 % selon une étude publiée en 2012 dans le JAVMA). Le pic plasmatique est atteint en 20 minutes. Elle est éliminée rapidement sous forme de métabolites conjugués inactifs avec une demi-vie d’élimination d’environ 26 minutes (± 4 minutes). Cela conduit à une mise en garde chez les insuffisants hépatiques qui pourraient moins rapidement éliminer l’apomorphine.

 Les contre-indications

Le RCP rappelle toutefois qu’il est parfois contre-indiqué de faire vomir un chien :

  1. Lors d’ingestion d’agents caustiques (acides ou basiques), de produits moussants, de substances volatiles, de solvants organiques ou d’objets coupants (comme le verre),
  2. En présence d’un risque de fausse déglutition en l’absence de réflexes pharyngés normaux, par exemple chez un animal comateux, anesthésié, en convulsions, trop faible, ataxique, ou hyperexcité ou sur un animal en état de choc…

Effets indésirables fréquents

Les effets indésirables fréquents, dits « mineurs et transitoires », sont les suivants :

  • Très fréquents (> 10 %), somnolence, salivation, modification de l’appétit, douleur à l’injection ;
  • Ou fréquents (1 à 10 %) : déshydratation légère, tachycardie puis bradycardie.

Lors de surdosage, une dépression respiratoire et/ou cardiaque, et une stimulation du SNC (excitations, et convulsions) peuvent être observées. Et il peut alors être nécessaire de chercher à les réduire.

Antagoniste : le métoclopramide

Pour inverser ces effets indésirables ou des vomissements trop prolongés, le métoclopramide (Emeprid°, Ceva) est un antagoniste de la dopamine qui s’oppose donc aux effets de l’apomorphine. Le RCP cite aussi comme antagoniste des effets indésirables sur le SNC ou sur la dépression respiratoire, le maropitant (Cerenia°, Zoetis) et la naloxone.

Indispensable à la toxicologie

Certes, les chiens présentés en urgence après avoir ingéré un médicament ou un toxique ne sont pas si fréquents. Néanmoins, l’apomorphine est déjà ou devrait devenir l’un des médicaments indispensables à la toxicologie vétérinaire. La péremption assez longue (3 ans) est sans doute compatible avec la présence d’un petit stock d’urgence. Car face à une intoxication, médicamenteuse entre autres, faire vomir le chien est l’un des premiers gestes d’urgence s’il en est encore temps.