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Elanco & Proplan

6 mai 2025

Quelles tiques et quels agents pathogènes portés par elles, chez les hérissons urbains d'Île-de-France ?

par Sylvain Larrat

Temps de lecture  5 min

Ixodes hexagonus, la tique du hérisson
Ixodes hexagonus est généralement considérée comme une tique « spécialisée » du hérisson, même si elle peut mordre d'autres espèces, incluant les humains (rare). Lors d'une étude sur 144 hérissons d'Ile-de-France, ce fut la seule espèce de tique trouvée sur ces hôtes. Cliché : André Karwath CC BY-SA 2.5.
Ixodes hexagonus, la tique du hérisson
Ixodes hexagonus est généralement considérée comme une tique « spécialisée » du hérisson, même si elle peut mordre d'autres espèces, incluant les humains (rare). Lors d'une étude sur 144 hérissons d'Ile-de-France, ce fut la seule espèce de tique trouvée sur ces hôtes. Cliché : André Karwath CC BY-SA 2.5.
 

Le hérisson d'Europe (Erinaceus europaeus) est une espèce dont le déclin a justifié en 2023 son changement de classement depuis « préoccupation mineure » à « quasi-menacée ». C'est aussi une des espèces les plus fréquemment apportée en centre de soins par le public. Les zones urbaines (avec espaces verts) et périurbaines abritent des populations de hérissons plus denses et plus abondantes que les zones agricoles. Ce recouvrement des zones habitées par les humains et les hérissons facilite probablement la découverte et la prise en charge des individus malades ou blessés. Cette conjonction fait aussi du hérisson une espèce sentinelle intéressante pour étudier ou surveiller les agents pathogènes multi-hôtes présents dans les écosystèmes urbains.

Quelles espèces de tiques portées par les hérissons d'Île-de-France ?

L'hôpital de la faune sauvage de l'École nationale vétérinaire d'Alfort a été impliqué dans une étude sur les hérissons d'Île-de-France. Une première série de hérissons admis pour traumatisme ou prédation, et décédés pendant les soins, a été étudiée afin d'évaluer la diversité des tiques présentes chez cette espèce. Au total, 480 tiques ont été identifiées sur 109 des 144 hérissons examinés. Toutes les tiques identifiables appartenaient à l'espèce Ixodes hexagonus. Bien que cette espèce puisse mordre les humains, elle est considérée comme spécialisée sur les hérissons et d'autres petits mammifères. Aucune tique de l'espèce I. ricinus n'a été identifiée, ce qui diffère des résultats d'autres études européennes. I. ricinus est considérée comme une espèce de tique plus généraliste, vraisemblablement plus susceptible de mordre les humains et, par conséquent, de leur transmettre un certain nombre de maladies zoonotiques.

Quels agents pathogènes transmis par ces tiques ?

Une deuxième phase du projet s'est intéressée aux agents pathogènes transmis par les tiques prélevées chez des hérissons urbains et périurbains d'Île-de-France. Des biopsies d'oreille ont été collectées chez 110 animaux morts pendant les soins (dont 3 faisaient également partie de la phase précédente). Ces échantillons ont été analysés par PCR, avec une méthode permettant de détecter simultanément la présence de plus d'une trentaine d'agents pathogènes.

  • Onze pour cent des hérissons étaient porteurs de Borrelia afzelii. Cette bactérie appartient au complexe Borrelia burgdorferi sensu lato (au sens large) et est responsable d'une partie des cas de maladie de Lyme en France.
  • Quatre pour cent des hérissons étaient positifs pour B. spielmanii. Contrairement à la première, cette bactérie est rarement impliquée dans la maladie de Lyme, bien qu'elle demeure potentiellement zoonotique. Pour ces deux espèces de bactéries, les rongeurs sont considérés comme les hôtes réservoirs.
  • Un hérisson sur cinq (21 %) était positif pour Anaplasma phagocytophilum, une bactérie zoonotique responsable d'anaplasmose.
  • Et trois sur quatre (76 %) étaient porteurs de Rickettsia spp. La plupart des Rickettsia spp. n'ont pas pu être identifiées au niveau de l'espèce, mais 25 d'entre elles appartenaient à R. asembonensis. Cette espèce est vraisemblablement transmise par les puces plutôt que par les tiques. Des traces d'infection impliquant cette bactérie ont été retrouvées chez l'humain, mais la corrélation entre infection et maladie dans notre espèce ne semble pas encore bien établie.
  • Un enseignement très intéressant de cette étude est l'absence de détection des 36 autres agents pathogènes recherchés. Ceux-ci incluaient plusieurs autres espèces de Borrelia spp., Anaplasma spp., Rickettsia spp., ainsi que des agents pathogènes appartenant aux genres Ehrlichia spp., Bartonella spp., Francisella spp., Coxiella spp., Babesia spp., Theileria spp. et Hepatozoon spp.

Implications pratiques en clinique

La faible biodiversité de tiques et d'agents pathogènes observée chez les hérissons d'Île-de-France est frappante. D'autres études chez des hérissons ont pu mettre en évidence le portage d'autres espèces de tiques, et une plus grande diversité d'agents pathogènes chez ces tiques, par exemple pour les Borrelia spp. ou Rickettsia spp. Ce résultat pourrait donc refléter pas la faible biodiversité des écosystèmes urbains – mais cet aspect n'est pas discuté dans la publication. Cela suggère toutefois que les conclusions de cette étude ne sont pas nécessairement généralisables à d'autres zones géographiques ou à d'autres types d'écosystèmes. Pour les vétérinaires qui prennent en charge des hérissons, cette étude rappelle que les tiques peuvent être vectrices d'agents pathogènes zoonotiques. Par ailleurs, les hérissons peuvent également être porteurs de salmonelles, de dermatophytes, de Staphylococcus aureus résistants à la méticilline, ainsi que de leptospires. Il est donc important de respecter des règles d'hygiène et de biosécurité de base lors de leur manipulation. De manière générale, pour le public qui apporte des animaux malades, il est pertinent de recommander une bonne hygiène des mains et d'éviter un contact trop rapproché avec les hérissons (par exemple, éviter les selfies, éviter de toucher l'animal puis le téléphone sans se laver les mains…). Pour les praticiens et leurs équipes, il peut être judicieux de porter des gants lors des soins et du nettoyage des cages. En pratique, les gants sont parfois peu compatibles avec les piquants : il est possible d'essayer de superposer des gants de bricolage ou de jardinage lavables avec des gants d'examen…

Quel impact pour les hérissons ?

À l'heure actuelle, le rôle pathogène ou non des agents transmis par les tiques pour les hérissons n'est pas clairement établi, ce qui rend difficile l'évaluation de la pertinence d'un traitement. En ce qui concerne les tiques elles-mêmes, leur présence est habituelle chez les hérissons, et elles ont rarement un impact significatif sur leur santé. Le traitement reste donc facultatif, à adapter en fonction de l'évaluation clinique de l'animal. Les tiques ne peuvent généralement pas boucler leur cycle de vie dans les structures de soins, et ne représentent pas de risque pour les autres animaux hébergés. Une attention particulière doit toutefois être portée à la problématique de l'infestation dans les centres de soins disposant d'enclos extérieurs “naturels”. Cette étude fait donc apparaître le potentiel des hérissons comme espèce sentinelle des maladies multi-hôtes présentes en milieu urbain et périurbain. Elle montre aussi un exemple concret du rôle qui peut être joué par les centres de soins dans la surveillance des maladies de la faune sauvage.