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16 août 2022

Si le virus de la variole du singe se transmet bien de l'humain au chien, le premier cas sera français

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Deux papules érythémateuses légèrement croûteuses chez le chien de maîtres infectés par le virus de l'orthopoxvirose simienne (à gauche) et sa lésion anale érosive « millimétrique » (Seang et coll., 2022).
Deux papules érythémateuses légèrement croûteuses chez le chien de maîtres infectés par le virus de l'orthopoxvirose simienne (à gauche) et sa lésion anale érosive « millimétrique » (Seang et coll., 2022).
 

À la fin de leur description, ces virologistes et cliniciens de l'assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP), ainsi qu'un virologiste de l'Anses, préviennent qu'elle « devrait lancer un débat sur la nécessité d'isoler les animaux de compagnie des individus positifs » au virus de la variole du singe, ou orthopoxvirose simienne (MKPV). Pour l'instant, les questions soulevées par cette publication, une lettre à l'éditeur du Lancet publiée en ligne le 10 août, portent sur la démonstration de l'infection de l'animal.

Deux cas humains

Car le titre de la publication, « preuve de la transmission de l'humain au chien du virus monkeypox », est particulièrement affirmatif. Les auteurs y décrivent « deux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes », « partenaires non exclusifs » mais habitant ensemble, qui se sont présentés à l'hôpital parisien centralisant les cas d'Île de France, le 10 juin dernier. L'un « vit avec le VIH avec une charge virale indétectable sous antirétroviraux », l'autre est séronégatif vis-à-vis du VIH. Tous deux ont présenté une ulcération anale fin mai, puis une éruption vésiculo-pustuleuse trois jours plus tard, sur le visage, les oreilles et les jambes chez l'un, sur les jambes et le dos chez l'autre. Dans les deux cas, il y a eu confirmation virologique de l'infection par le MKPV, suite à leur consultation du 10 juin.

Un cas canin ?

« Douze jours après l'apparition des symptômes [et deux jours avant leur consultation à l'hôpital], le lévrier italien mâle du couple, âgé de 4 ans et ne présentant aucun trouble médical antérieur, a présenté des lésions cutanéo-muqueuses, notamment des pustules abdominales et une fine ulcération anale [voir l'illustration principale]. Le chien a été testé positif au virus du monkeypox en utilisant un protocole PCR », à partir du « grattage des lésions cutanées et de l'écouvillonnage de l'anus et de la cavité buccale ». Les séquences d'ADN des virus du premier patient et du chien « présentaient une homologie de séquence de 100 % sur les 19,5 paires de kilobases séquencées ». Les deux patients ont « déclaré dormir avec leur chien. Ils avaient pris soin d'empêcher leur chien d'entrer en contact avec d'autres animaux domestiques ou avec l'Homme dès l'apparition de leurs propres symptômes (c'est-à-dire 13 jours avant que le chien ne commence à présenter des manifestations cutanées) ».

Des questions

Cette description soulève plusieurs questions car les auteurs ne fournissent pas la valeur de Ct de la PCR réalisée (et donc la charge génomique détectée chez le chien), ni de résultat de sérologie ou de biopsie chez l'animal — ce qui permettrait d'éliminer la possibilité d'une détection d'ADN viral par contamination passive de la peau de l'animal. D'autant, précisent-ils, qu'il n'y avait jusqu'à présent pas de preuve de la réceptivité des carnivores domestiques à ce virus. Lors d'un webinar organisé par la Société Française de Microbiologie le 3 juillet dernier, le Pr Emmanuel Nakame (Institut Pasteur de Bangui, république de Centrafrique) signalait des signes cutanés beaucoup plus étendus (et une adénopathie systématique, comme pour les cas de l'épidémie actuelle hors des deux berceaux du virus) chez les cas humains dans le berceau de ce virus du clade I (le virus en circulation hors d'Afrique actuellement est du clade IIb). Il a souligné que tous les cas humains suspectés et confirmés font l'objet d'une enquête épidémiologique poussée, avec examen clinique des animaux domestiques autour de chaque cas humain. « Des signes cliniques ont été systématiquement recherchés, en particulier sur les chiens, mais à ce jour n'ont jamais été détectés ». Reste à savoir si le virus du clade IIb est suffisamment différent pour avoir franchi une nouvelle barrière d'espèce.

Isoler ou pas ?

En l'état de leur description, les auteurs estiment que la chronologie de ces cas « suggère une transmission du virus de la variole du singe d'Homme à chien », produisant « une véritable maladie canine, et non un simple portage du virus par contact étroit avec l'Homme ou par transmission aérienne (ou les deux) ». Si leur observation venait à être confirmée (sérologie, biopsie, etc.), cela ferait probablement évoluer les préconisations effectuées par plusieurs agences de sécurité sanitaire en Europe sur l'isolement des animaux de compagnie de personnes infectées. Début juin, les agences allemande et britannique s'étaient déjà prononcées en faveur de laisser l'animal de compagnie au domicile des patients en évitant tout contact avec la/les personne(s) infectée(s), à l'exception des rongeurs NAC, pour lesquels les experts britanniques préconisaient un retrait du foyer des personnes infectées (les rongeurs peuvent être réservoirs du virus). Plus tard en juin, l'Anses a publié un avis allant dans le même sens (sans retrait des NAC du logement des maîtres). Bien que dans le cas présent les maîtres n'ont pas respecté ces préconisations (le chien dormait avec eux alors qu'ils étaient symptomatiques), il se pourrait que les recommandations évoluent donc dans un futur proche. Quant aux recommandations pour la consultation d'un animal de compagnie de patient MKPV, elles ont été détaillées par le CDC (voir LeFil du 9 juin 2022).