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10 février 2020

Un avis de spécialiste en urgence ? Envoyez-lui la radio sur son smartphone… au moins pour détecter un oedème cardiogénique

par Agnès Faessel

Temps de lecture  3 min

Radiographie thoracique de profil d'un chien présentant une insuffisance cardiaque congestive gauche et un œdème pulmonaire cardiogénique, correctement interprété par les spécialistes sous les deux formats d'image (DICOM et jpeg). Cliché Jojima et al., JSAP 2019.
Radiographie thoracique de profil d'un chien présentant une insuffisance cardiaque congestive gauche et un œdème pulmonaire cardiogénique, correctement interprété par les spécialistes sous les deux formats d'image (DICOM et jpeg). Cliché Jojima et al., JSAP 2019.
 

Le congrès de médecine connectée e-vet a fourni l'occasion de présenter les outils cliniques actuellement disponibles (et les perspectives à venir) dans trois disciplines vétérinaires en pratique canine : la neurologie, l'ophtalmologie et la cardiologie (voir LeFil du 4 février). Pour cette dernière, il a été principalement question d'applications développées pour le suivi des animaux à domicile et de la réalisation d'ECG avec un smartphone. Ces nouveaux outils et dispositifs facilitent, entre autres, les échanges et le partages de données et d'informations.

Dans le même esprit, des cliniciens brésiliens (de l'université fédérale du Paraná) ont évalué si la qualité des clichés de radiographies thoraciques, générés sous format DICOM*, était suffisamment conservée lorsque transmis sous format jpeg** via un smartphone. Effectivement, les images sont alors compressées, ce qui en altère inévitablement la qualité.

L'étude est publiée en libre accès dans le JSAP, et la conclusion est que l'interprétation des clichés, notamment ici par des spécialistes en cardiologie, n'est pas affectée.

Des cas d'oedème pulmonaire cardiogénique

L'étude, rétrospective, a porté sur les radiographies thoraciques (face et profil) de 121 chiens présentant une dyspnée et reçus en consultation dans trois cliniques vétérinaires universitaires entre 2012 et 2016. Cette sélection comprenait 65 cas d'œdème pulmonaire cardiogénique (54 %). Une atteinte grave, potentiellement fatale, qui nécessite d'être rapidement identifiée pour mettre en place le traitement en urgence. Les 56 autres cas correspondaient à diverses lésions comme un épanchement pleural, la présence de métastases, une pneumonie, un pneumothorax, une hernie diaphragmatique… Il y avait aussi 2 cas sans anomalie.

Chaque paire de clichés était regardée et interprétée par 2 vétérinaires spécialistes, en radiologie et en cardiologie. Les radiographies étaient successivement transmises des deux manières : comme à l'accoutumé via une plateforme DICOM, ce qui impose d'en être équipé (moniteur haute résolution et logiciel de lecture) et d'être sur son lieu de travail, ou converties sous format jpeg donc, pour être envoyées sur le smartphone du praticien (un iPhone 6), et ainsi lues sur un « petit écran » et de n'importe quel endroit, hors de la clinique notamment.

En pratique, la série avait d'abord été envoyée sur smartphone, au rythme de 3 cas quotidiens pendant 41 jours, à des horaires variables (jusqu'à 22h en soirée). 4 mois plus tard, les mêmes clichés avaient été transmis pour interprétation sous format DICOM, à raison de 3 par jour à nouveau.

Le spécialiste notait son avis sur une échelle de 0 à 4 :

  • 0 et 1 correspondant à l'absence d'œdème pulmonaire cardiogénique, de manière certaine et probable,
  • 2 signalant un diagnostic indéterminé,
  • 3 et 4 indiquant la présence probable et certaine de l'œdème.

Des images bien conservées

Les résultats montrent que le diagnostic d'œdème pulmonaire d'origine cardiaque est bien réalisé dans tous les cas :

  • Précis à 94 % et 91 % par le radiologue vétérinaire, sur station DICOM et sur smartphone, respectivement ;
  • Précis à 90 % et 91 %, respectivement, par le spécialiste en cardiologie vétérinaire.

Les différences observées ne sont pas statistiquement significatives, pour chacun des praticiens dans la lecture des 2 formats d'images, ni entre eux.

Une application en télémédecine

Les auteurs de l'étude concluent que ce diagnostic peut être correctement effectué à distance par un spécialiste à partir d'images radiographiques envoyées sur smartphone, ce qui devrait contribuer à la mise en place rapide d'un traitement adapté. L'objectif de la démarche n'est pas de substituer les procédures actuelles d'interprétation des images sur plateforme standard au profit du téléphone portable, préviennent-ils. Elle est de faciliter la téléexpertise, l'un des volets de la télémédecine, en plein essor.

L'export des fichiers sous format jpeg a été effectuée par un logiciel. Photographier directement la radio à l'écran pour la transmettre altérerait certainement davantage la qualité des clichés, et la précision de leur interprétation, estiment les auteurs.

 

* Digital Imaging and Communications in Medicine.

** Joint Photographic Experts Group.