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11 février 2019

Le premier congrès e-vet fait le plein à Paris

par Agnès Faessel

Temps de lecture  7 min

Les organisateurs ont annoncé que les vidéos des interventions seraient prochainement disponibles sur le site e-vet.vet
Les organisateurs ont annoncé que les vidéos des interventions seraient prochainement disponibles sur le site e-vet.vet
 

Victime de son succès, le congrès e-vet, dont la première édition s'est déroulée à Paris le 24 janvier, a laissé venir 30 participants de plus que l'effectif maximal initial (150). Des "retardataires" obligés simplement à assister aux interventions des séances plénières depuis une salle séparée, en retransmission vidéo.

Car le format assez original et dynamique de ce premier congrès faisait s'alterner ces quelques conférences générales à des séries d'ateliers (jusqu'à 6 l'après-midi en simultané).

Co-organisation des organismes techniques vétérinaires

Le nouveau congrès e-vet se positionne comme le rendez-vous immanquable des acteurs de la « médecine vétérinaire connectée ». Cette évolution de la pratique vétérinaire, conséquence des progrès de la technologie mais aussi des nouvelles attentes et modes de fonctionnement de la société, apparaît inévitable. Donc à apprivoiser plutôt qu'à subir. C'est en tout cas l'avis des représentants de la profession, tous domaines d'activité confondus. Ce congrès est ainsi organisé conjointement par l'Afvac, l'Avef et la SNGTV, avec l'appui de VetFuturs France. Il est espéré qu'il soit renouvelé annuellement.

En 2017 déjà, l'Afvac avait centré son congrès annuel (à Nantes) sur le thème de l'e-santé vétérinaire : télémédecine, outils connectés, etc. (voir LeFil du 27 novembre 2017). Beaucoup de questions, et réponses, et d'inquiétudes ou d'avertissements évoqués alors sont revenus à e-vet, devant un public au moins intéressé, si ce n'est déjà conquis.

Ecouter les poussins picorer pour optimiser leur croissance

Logiquement, les conférences ont concerné toutes les espèces : de compagnie, de loisirs et de rente. « En productions animales, nous ne sommes pas en retard pour une fois ! », s'est amusé Christophe Brard, président de la SNGTV, en introduction de la journée. En effet, de multiples capteurs et outils connectés équipent désormais nombre d'exploitations, pour la surveillance et le suivi des animaux dans leur environnement. En production avicole, notamment, les données sur le poids des animaux, la consommation d'eau et d'aliments, l'ambiance dans le bâtiment (température, ventilation)… sont exploitées pour adapter la ration, par exemple, ou détecter précocement des anomalies afin d'alerter l'éleveur. Plus novateur, le recours à la vidéosurveillance permet d'analyser le déplacement des oiseaux (pour déceler des boiteries). Et demain, ce seront des enregistrements sonores qui mesureront le niveau de stress des animaux (signe d'une température trop basse par exemple) ou analyseront les bruits de picorage, utilisés pour optimiser la consommation alimentaire et la croissance.

À mesure des interventions, les participants ont pu entrevoir les capacités ouvertes par les progrès technologiques et l'essor de l'intelligence artificielle et de la robotique, ainsi que l'étendue des applications à venir en médecine (télémédecine par exemple), présentées avec beaucoup d'enthousiasme par les orateurs.

Anticiper la transformation des métiers

Sur la problématique de fond, les constats et les interrogations sont globalement les mêmes indépendamment des espèces soignées. La révolution numérique est en marche et il importe au vétérinaire d'être proactif et de s'intégrer dans le développement des outils et dans les offres de services associées. La médecine « connectée » se base en effet sur la récolte de nombreuses données. Encore faut-il les trier, les traiter, les analyser pour qu'elles soient utilement exploitées, qu'elles ouvrent à des conseils pertinents sur la marche à suivre pour améliorer la santé, de l'animal ici. Mais les principaux enjeux sont partagés avec la médecine humaine, voire avec d'autres domaines hors santé.

La consultante en santé Judith Mehl, comme d'autres intervenants, a rappelé que l'intelligence artificielle n'est pas nouvelle mais date des années 1950… La véritable évolution est le développement de systèmes apprenants, en perpétuelle amélioration. En plus des questions d'ordre juridique (propriété des données récoltées, responsabilité en cas d'erreur médicale…), le déploiement de l'intelligence artificielle et de la robotique est associée à des enjeux éthiques mais aussi du domaine des ressources humaines, avec une transformation des métiers dont l'anticipation est susceptible de réduire l'impact. Une régulation (positive) est nécessaire. Et en santé humaine, les réflexions menées ont abouti à en déterminer les points clé :

  • L'information et le consentement du patient ;
  • La « garantie humaine » de l'intelligence artificielle, comprenant l'accès aux algorithmes, leur évaluation et surtout l'évaluation de la solution qu'ils proposent (jugement qui repose sur des compétences humaines) ;
  • Une graduation de la régulation selon le degré de sensibilité des données ;
  • L'accompagnement de l'adaptation des métiers (créations ? destructions ?) sur laquelle il existe à ce jour beaucoup de préjugés mais peu d'études robustes ;
  • Une supervision externe indépendante.

Digital ne signifie pas virtuel

Selon Timothée Audouin, vétérinaire praticien et initiateur du site e-Santé Animale.fr, seule l'ensemble de la chaîne de la e-santé crée de la valeur : les données (récoltées, transmises et stockées), leur interprétation (par des logiciels, des systèmes d'intelligence artificielle) et les recommandations qui en découlent. Cette santé connectée génère craintes voire rejet de nombre de vétérinaire. Et il importe alors de les rassurer face à ce qui apparaît au contraire comme une « opportunité » de développement. Pour cela, il convient, entre autres, de disposer d'études scientifiques solides et de démontrer qu'une relation « digitale » avec le client n'est pas une relation virtuelle. Cette relation demeure bien sûr complémentaire du rapport humain, souvent personnel, entretenu avec le vétérinaire. Générer des écosystèmes (avec des solutions qui ne sont pas isolées mais intégrées dans l'activité vétérinaire), associer les compétences (en travaillant avec d'autres métiers, de communicants notamment), soutenir les initiatives (proposer par exemple un concours pour faire émerger les idées) et encadrer cette médecine afin de conserver la confiance des clients sont autant d'autres pistes évoquées. « Un concessionnaire automobile a besoin de s'appuyer sur un réseau de garagistes comme les vétérinaires forment le réseau dont les vendeurs d'outils et solutions ont besoin ».

Une machine ne se laisse pas distraire

À nouveau sur l'intelligence artificielle, le neurochirurgien Arthur André a expliqué les quatre domaines de la médecine (humaine) sur lesquels il existe des preuves d'efficacité. Dans le diagnostic d'abord, pour le dépistage de maladies, l'aide à la décision, le repérage d'un faisceaux de présomptions en faveur d'une maladie rare. Des systèmes se développent ainsi en cardiologie (ECG pour l'autodiagnostic par le patient d'une fibrillation auriculaire), en neurologie (dépistage multi-paramètres de la maladie de Parkinson), en dermatologie (détection des lésions malignes), etc.

Pour établir un pronostic et/ou des traitements plus ciblés, ensuite, l'intelligence artificielle permet d'associer des paramètres individuels aux connaissances de l'evidence-based medicine (en oncologie notamment).

Dans le domaine de la reconnaissance d'images (radiologie, anatomopathologie) – le plus abouti – où l'œil de la machine est plus acéré que l'œil humain, mais où, en revanche, se pose une problématique de reproductibilité. En effet, les images obtenues varient selon l'appareil utilisé et ses réglages.

Pour le management et le suivi, enfin, dans le cadre de l'observance des traitements, du suivi des maladies chroniques.

La machine a l'avantage sur l'homme de n'être « jamais fatiguée, jamais distraite ». En revanche l'homme reste mieux adapté à gérer l'imprévu. Et outre la question du partage de responsabilité en cas d'erreur médicale, les limites actuelles de l'intelligence artificielle au service de la santé tiennent à la confiance que lui accordent médecins et patients, ainsi qu'à un risque de surmédicalisation consécutive à la multiplication des données récoltées.

Le praticien, médecin ou vétérinaire, et plusieurs intervenants l'ont souligné, conserve également une forte valeur ajoutée relative aux rapports humains. La relation personnelle avec le client, mais aussi toute la communication non verbale inconnue de la machine, seront difficilement reproduites en intelligence artificielle et en robotique, même si des progrès sont recherchés pour améliorer l'interaction avec le patient (selon un mode plus empathique…).

Successions de courtes interventions

Sur la forme du congrès, le choix d'une succession d'interventions brèves (15 à 20 minutes au maximum) pour toutes les sessions a eu le mérite de favoriser la diversité des sujets abordés, et une concision des orateurs dans leurs conférences ou présentations. Les quatre partenaires de l'événement (MSD, Vétoquinol, Hill's et Antelliq) ont également bénéficié de quelques minutes pour exposer leur vision de la e-santé vétérinaire. Une session entière était ouverte à la vingtaine d'entreprises présentes, dont beaucoup de start-up, pour présenter et expliquer leurs outils d'e-médecine (objets ou systèmes, par exemple pour de l'aide au diagnostic, des téléconsultations, de la formation, des calculs de doses, etc.).

Les organisateurs ont annoncé que les vidéos des interventions seraient rendues disponibles sur le site e-vet.vet « dans les semaines à venir ».