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27 novembre 2017

Inquiétante ou enthousiasmante : l'e-santé vétérinaire était au coeur du congrès Afvac 2017

par Agnès Faessel

Temps de lecture  7 min

Le 56e congrès national de l'Afvac s'est déroulé à la Cité des congrès de Nantes, du 23 au 25 novembre.
Le 56e congrès national de l'Afvac s'est déroulé à la Cité des congrès de Nantes, du 23 au 25 novembre.
 

« Véto 2.0 : la mutation ». Le congrès Afvac 2017 a plutôt bien tenu la promesse de son thème pour cette année, en le déclinant dans une série de sessions dédiées, mais aussi sur l'exposition commerciale. Entre télémédecine, outils connectés et innovations digitales, l'évolution du "numérique" montre que l'e-santé n'est plus une option du futur : elle se conjugue au présent.

L'enjeu qu'elle représente pour les vétérinaires, avec son lot d'opportunités et de menaces, se résume difficilement en quelques lignes sans être réducteur. Quelques constats et messages se répètent néanmoins à mesure des interventions et des discussions, suivies par un public partagé entre enthousiasme et résignation.

Un avertissement : une (r)évolution avec ou sans la profession

Dressant l'état des lieux de la situation, la conclusion est unanime : le changement se fera avec ou sans le vétérinaire. Préférons donc que ce soit avec. En effet, la technologie est là (les progrès dans les domaines de l'intelligence artificielle et du traitement des données donnent le vertige). La demande est là aussi : 100 % des français de 18-34 ans disposent d'un smartphone, et c'est l'objet qu'ils glissent en priorité dans leur poche en partant, avant leurs clés ou leur portefeuille. Rien ne s'oppose donc à l'explosion des objets connectés, pour ne parler que d'eux. Même pas la législation puisqu'elle n'existe pas ou qu'elle est facilement contournée depuis l'étranger.

En clair, il ne s'agit donc pas de choisir s'il faut travailler ou non avec ces nouveaux services ou appareils connectés, mais de se les approprier. Pour cela, il apparaît essentiel que des vétérinaires prennent l'initiative et participent à leur développement. Une multitude de paramètres peuvent être mesurés et analysés, dans le but de détecter une anomalie ou d'effectuer un suivi médical (activité, comportement alimentaire, température, glycémie…) : il importe que le praticien conserve une place dans le processus, en étant le destinataire de l'information, celui qui l'interprète, celui qui conseille et prescrit la conduite à tenir.

En l'absence de tout cadre, la qualité de ces outils est également très inégale, et l'idée est avancée de créer un « label vétérinaire », qui apporterait à l'acquéreur certaines garanties sur l'intérêt et la confiance à leur accorder.

Une chance : le vétérinaire « augmenté »

Avis au moins autant partagé au fil des sessions : le praticien va gagner en efficacité. Le suivi étroit (et automatique) de l'animal ainsi que l'accès à de nouvelles données l'assistent finalement dans son activité avec une détection plus précoce des anomalies, une aide au diagnostic, une meilleure évaluation des traitements, etc. L'effet d'un traitement antidouleur, par exemple, peut être plus objectivement jugée d'après l'activité de l'animal (mesurée par un capteur et non le ressenti du propriétaire).

L'évolution est ainsi marquée par une production de données bien plus nombreuses, mais précises, objectives, peu coûteuses et produites désormais aussi par le patient, ce qui représente une chance, pour le vétérinaire, d'optimiser sa démarche diagnostique et thérapeutique, mais aussi de favoriser la prévention. Cette nouvelle médecine est celle des 4P : prédictive, préventive, personnalisée et participative.

Le partage des données favorise en effet l'accès à d'autres compétences. La télé-expertise se développe déjà dans le domaine de l'imagerie médicale (avec l'intervention de spécialistes à distance pour l'interprétation des clichés). Et elle n'est pas exclue dans d'autres disciplines (la chirurgie notamment).

Demain (et pas après-demain), il est annoncé une démocratisation des systèmes déterminant le diagnostic le plus probable et le traitement le plus adapté à chaque cas, en fonction de ses paramètres individuels et d'après les données de la science (selon des algorithmes complexes). La démarche existe en cancérologie humaine. Le système étant plus efficace que l'homme (au sens de l'individu) pour compiler le savoir (notamment assimiler les résultats des innombrables publications scientifiques d'un sujet) et calculer des probabilités. Il n'est toutefois pas question de voir disparaître le praticien (médecin ou vétérinaire) dont le rôle serait recentré sur la communication avec le patient ou le propriétaire, et son accompagnement.

Des questions : sécurité et monétarisation

De multiples questionnements persistent, à commencer par le risque d'être dépassé par la quantité de données accessibles. Leur mesure n'est intéressante que si elle est exploitable.

Se pose aussi la question (non résolue) de la responsabilité en cas de défaillance. L'exemple est répété d'un outil de gestion du diabète chez un animal, qui mesurerait la glycémie, calculerait la dose d'insuline et l'injecterait. Qui serait responsable si l'animal décédait d'une erreur amenant à l'administration fatale d'une dose trop élevée : celui qui a développé, qui a autorisé, qui a commercialisé, qui a conseillé, qui a vendu ou qui a utilisé l'outil ?

Enfin, reste à vendre le service, lui donner donc une valeur monétaire. Et sur ce point, l'avis est assez partagé aussi de l'intégrer au "plan de prévention" ou "plan de santé", qui consiste à annualiser le suivi vétérinaire de l'animal, c'est-à-dire proposer un ensemble de consultations, d'actes et de traitements, programmés et facturés sur l'année. Ces plans sont développés outre-Atlantique et commencent à apparaître en France.

Des initiatives vétérinaires

Si certaines interrogations restent aujourd'hui sans réponse, il semble toutefois rassurant de constater que la profession s'est emparée de ces problématiques. Ainsi, la « révolution numérique » est le thème de l'un des groupes de travail de VetFuturs France, programme de réflexion générale sur la profession initiée depuis un an et pilotée conjointement par l'Ordre des vétérinaires et le syndicat des vétérinaires libéraux (SNVEL).

La télémédecine est également un sujet dont s'est saisie l'Académie vétérinaire de France et sur lequel elle vient d'émettre un avis et des recommandations (rapport bientôt disponible sur son site internet). La télémédecine est l'un des volets de la santé numérique (avec la télésanté qui n'implique pas le praticien). Elle ne se réduit pas à la téléconsultation (à distance, sans contact avec l'animal), mais comprend également la télé-expertise et la télé-assistance (entre professionnels), la télésurveillance (à l'aide d'objets connectés) et le téléconseil (régulation médicale). Elle est aujourd'hui pratiquée, mais sans être précisément définie ni encadrée.

Enfin, le tout jeune « Think tank de la e-santé animale » (comprendre "groupe de réflexion" ou "laboratoire d'idées" sur la e-santé animale), Vet IN Tech, vient d'éditer son livre blanc pour « en savoir plus sur les objets connectés » (document à télécharger librement). Pour ne citer qu'eux.

Le « village des start-up »

Outre les conférences et ateliers, l'exposition commerciale du congrès donnait aussi la part belle au digital et aux objets connectés. Pour la première fois, les organisateurs avaient placé un « village des start-up » au centre du hall. Ce pôle de 12 exposants proposant chacun un projet innovant dans le domaine vétérinaire était assez varié, allant du rendez-vous en ligne à l'analyseur compact, en passant par le collier connecté, la gestion du client, le plan de santé, la formation en ligne…

Le plus marquant est sans conteste le laboratoire caennais Loop Dee Science, qui développe un kit d'analyse moléculaire pour la clinique. Le système est aujourd'hui opérationnel pour détecter en 30 minutes la présence des virus FIV et FeLV chez le chat, à partir d'un prélèvement de sang ou de sérum. Sa technologie de fonctionnement se compare aux techniques PCR de laboratoire. Mais il s'inscrit en concurrence des actuels kits sérologiques Elisa, du fait de son usage au chevet du patient et de son probable coût (le kit n'est pas encore commercialisé). Le résultat est qualitatif (positif ou négatif), évalué par la fluorescence ou non du prélèvement après traitement.

Le « bar à croquettes » présenté par des praticiens de Haute-Saône aura aussi retenu l'attention des congressistes. Il s'agit d'un distributeur de croquettes en vrac (à l'image des distributeurs de pâtes ou de fruits secs de certaines enseignes agro-alimentaires), à installer à l'accueil et répondant aux besoins économiques et/ou aux attentes écologiques des propriétaires. Le concept est de proposer des aliments de « qualité vétérinaire » au poids, limitant ainsi le gaspillage et les emballages. Selon les confrères, il augmente aussi la fréquentation de l'établissement, générant une augmentation de chiffre d'affaires (lié aux ventes de produits mais aussi aux actes).

L'année prochaine, le congrès Afvac est organisé à Marseille (parc Chanot), du 29 novembre au 1er décembre 2018 sur le thème des complications (les complications : parlons-en !). Informations à venir sur afvac-lecongres.com.