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Elanco & Proplan

20 mars 2024

Tournez votre état d'esprit vers le positif grâce à la neuroplasticité

par Pierre Mathevet

Temps de lecture  7 min

Contrairement aux idées reçues, le cerveau est un organe plastique, modelé et reconnecté sans fin par nos apprentissages. Mais ses progrès dépendent aussi de l'état d'esprit de son porteur (cliché Pixabay).
Contrairement aux idées reçues, le cerveau est un organe plastique, modelé et reconnecté sans fin par nos apprentissages. Mais ses progrès dépendent aussi de l'état d'esprit de son porteur (cliché Pixabay).
 

Le cerveau est beaucoup plus malléable que nous ne pourrions l'imaginer. Les neurosciences démontrent la réalité de la neuroplasticité et la capacité de cet organe à se modifier, même bien après l'atteinte de l'âge adulte. Contrairement à une idée encore largement répandue, de nouveaux neurones peuvent être produits tout au long de la vie. Adieu le pseudo « stock de neurones » atteint à l'âge adulte que nous étions condamnés à voir diminuer avec l'âge.

Le cerveau est également capable, à tout âge, de se restructurer et se remodeler suite, par exemple, à certains traumas. La plasticité cérébrale s'appuie ainsi sur la neurogénèse, et sur la capacité à créer de nouvelles connexions, de nouveaux ponts entre des neurones existants. Nous sommes capables d'apprendre et de progresser à tout âge, de façonner en permanence nos chemins neuronaux et d'en créer de nouveaux.

Le cerveau, spécialiste de la loi du moindre effort

Notre cerveau ne pèse que 2 % de notre poids, et pourtant, il consomme 25 % de notre énergie corporelle. Ces besoins énergétiques considérables lui imposent une recherche permanente d'économie de moyens. Ainsi, face à une motivation à agir, le cerveau évalue la valeur d'une action face à l'économie de l'inaction. Il compare la récompense attendue, le bénéfice supposé, avec l'évaluation de l'effort à fournir et du risque de ne pas réussir. Il est ainsi particulièrement sensible aux arguments poussant à ne pas agir, dont nous sommes les premiers fournisseurs : manque de temps, incertitude, risques, craintes du changement, conservation des habitudes… En l'absence d'une motivation forte (et donc d'une recherche de plaisir certain), nos évaluations instinctives nous poussent à l'inaction et à la paresse. « Pourquoi faire autrement, alors que cela fait 10 ans que nous opérons de cette manière ? »

Lorsque que vous avez le choix entre une piste de ski bien damée et une autre non damée, vous choisissez plus ou moins consciemment la première option, car moins fatigante ou risquée… sauf si la poudreuse est un grand plaisir pour vous ! De même, tout apprentissage est un effort, une attitude bien souvent volontaire pour atteindre un but considéré comme intéressant. Il est nécessaire de valoriser la récompense attendue pour se pousser à agir.

Le Growth Mindset : la base d'un puissant leadership

La psychologue américaine Carol Dweck (professeur à l'Université de Standford), chercheuse en particulier sur les origines de la motivation, s'est intéressée dans les années 2000 à l'attitude variable des étudiants après un échec. Elle remarque que certains ont une grande capacité à rebondir, alors que d'autres sont dévastés, même par les plus petits revers. Elle découvre alors que les croyances autour de l'échec, de l'apprentissage, de l'intelligence influencent très fortement ces résultats. Elle décrit les concepts de « Growth Mindset » et de « Fixed Mindset ».

Le premier se traduit par une capacité des étudiants à croire qu'ils peuvent progresser, que l'échec est une étape normale dans l'amélioration et l'apprentissage, que les réussites sont basées sur un travail important. Les étudiants ayant cet état d'esprit consacrent davantage de temps et d'énergie pour atteindre leurs objectifs, ce qui se traduit bien entendu par de meilleurs résultats. Ils sont convaincus qu'ils sont capables de se développer.

Le second concept du Fixed Mindset laisse à penser au contraire que les choses sont figées, que les réussites sont basées sur une capacité innée, une intelligence « fixe ». Les individus dans ces dispositions craignent l'échec, qui correspond à une affirmation négative et définitive de leurs capacités de base.

Ces deux états d'esprit jouent un rôle important dans tous les aspects de la vie et dans la motivation, même si les individus ne sont pas nécessairement conscients de leur propre état d'esprit. Carol Dweck soutient que l'état d'esprit de développement permet de vivre une vie moins stressante et plus accomplie.

L'impact positif du Growth Mindset en entreprise

Les individus avec un état d'esprit de développement ne se soucient pas tant de l'échec, car ils prennent conscience que leur performance peut être améliorée. Ils sont plus susceptibles de continuer à travailler dur en dépit des revers. Même si le Growth Mindset est plus naturel pour certaines personnes, par rapport à leur enfance et à leur éducation, grâce à la neuroplasticité, il est possible de modifier son état d'esprit à tout âge. Les enfants que l'on complimente par des affirmations comme « Bravo, tu es très intelligent » sont beaucoup plus susceptibles de développer un état d'esprit fixe. À l'opposé, ceux à qui l'on dit « Excellent, tu as utilisé les bons outils, tu as bien progressé » sont plus susceptibles d'adopter un état d'esprit de développement.

Il est possible d'encourager les élèves à persister en dépit d'un échec, en les poussant à visualiser l'apprentissage d'une façon positive. C'est le pouvoir magique du « Pour le moment » ou du « Pas encore » : « Pour le moment tu en es là, c'est bien ! Tu as atteint cet objectif intermédiaire » ou « Tu n'es pas encore arrivé au niveau pour te qualifier, continue ». Ces phrases génèrent un état d'esprit de croissance, un espoir de gain à venir et permettent de poursuivre les efforts.

Ces considérations poussent à se centrer davantage sur l'effort que sur la performance, sur le travail plus que sur le talent, sur le progrès plus que sur le succès. Pour développer cet état d'esprit, les signes de reconnaissance positive envoyés doivent donc permettre de mettre en avant les efforts des collaborateurs, les essais même non totalement aboutis, les réflexions et les idées d'amélioration continue même irréalistes. Car cela signifie activer la correction de l'erreur et imaginer les solutions possibles, voir l'erreur comme positive, une occasion de faire mieux la prochaine fois. Cela évite surtout de rester fixé sur l'erreur, de se focaliser dessus avec des reproches et des critiques au collaborateur, ce qui provoquera un désengagement. Ou, encore pire, de la ressasser et de la lui resservir régulièrement dans une terrible rumination !

Comment développer un Growth Mindset au travail

Développer un tel état d'esprit positif est essentiel, d'abord pour le chef d'entreprise confronté tous les jours à de multiples problèmes, et bien entendu également pour ses collaborateurs. Un certain nombre d'actions ou de comportements peuvent être mis en place.

  • En premier lieu, il est possible de remplacer la notion d'échec par la logique du « Pas encore », qui va générer de la persévérance et l'envie de progresser. Cela oblige à sortir de la vision binaire échec/réussite, qui pousse à rester dans un état d'esprit fixe, de visualiser les échecs comme des coups d'arrêt. « Nous n'avons pas encore réussi à atteindre notre but » entretient la motivation. Bien plus en tout cas que « Nous avons encore échoué ». L'enjeu n'est pas de voir le monde en gris plutôt qu'en noir et blanc. Il est surtout d'intégrer qu'en étant dans le gris, il est possible d'atteindre le blanc, alors qu'en étant dans le noir de l'échec, cela sera beaucoup plus compliqué d'atteindre la réussite. Le meilleur exemple très connu est celui de Thomas Edisson lorsqu'il eût fini par mettre au point l'ampoule à filament après des centaines de tentatives décevantes et critiquées : « Je n'ai pas échoué. J'ai réussi des milliers d'expériences qui n'ont pas fonctionné ». Une illustration du Growth Mindset bien avant l'heure !
  • Puis, se lancer constamment des petits défis stimulants, tous les jours, pour changer un peu ses pratiques ou surprendre positivement ses collaborateurs : prévoir une pause gourmande salée, organiser une réunion à l'extérieur de la clinique, faire un jeu de société lors d'une pause, finir à l'heure sans négliger la qualité du travail…
  • Ensuite, définir des objectifs d'apprentissage plutôt que des objectifs de performance quantifiés : passer de « atteindre 90 % de satisfaction clients » à « augmenter notre image grâce à un meilleur taux de réponses aux insatisfactions » ou « augmenter tes compétences en communication sur les réseaux sociaux ».
  • Enfin, apprendre à faire des feedbacks constructifs, c'est-à-dire avec des propositions d'amélioration. Sortir des constats factuels sur les problèmes et proposer une autre façon d'aborder les difficultés dans le but d'aider ses collaborateurs. Cela passe par la réévaluation cognitive, c'est-à-dire la capacité à voir et faire voir les problèmes d'une autre manière. Si un collaborateur vous interpelle en disant que la situation est plus compliquée que prévue, qu'il y a tel ou tel imprévu en salle de chirurgie, questionnez-le plutôt que de gérer le problème à sa place. L'objectif est qu'il puisse trouver lui-même les solutions : « Quels sont les points précis qui posent problème ? Comment faire pour s'en sortir ? Quels sont les leviers à notre disposition pour résoudre le problème ? Quelles sont les solutions que tu me proposes ? »

On devient ce que l'on pense

Au final, notre état d'esprit impacte notre comportement et nos résultats. Et en même temps, grâce à la neuroplasticité, nous savons que nous sommes capables de modifier notre état d'esprit pour le placer dans le sens du dynamisme et de la croissance personnelle. Nous avons le pouvoir de forcer notre cerveau à voir les choses différemment. Donc si l'on se fixe sur les difficultés et les problèmes, on va noircir le tableau. À l'inverse, si nous nous focalisons volontairement et consciemment sur nos forces, nos réussites, nos améliorations, nous renforçons notre aptitude à progresser et à nous développer. En clair, nous avons le pouvoir de devenir ce que nous pensons !