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Elanco & Proplan

12 septembre 2023

Équine : les échographies lors de coliques, avec une solution alcoolique, exposent à une positivité… à l'alcootest

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Résultats des alcootests réalisés sur des étudiants vétérinaires volontaires pour procéder à une échographie abdominale équine en utilisant une solution alcoolique, et comparaison après analyse de variance à trois voies, de l'effet du type d'utilisation de l'éthanol, du volume utilisé et de la durée de la session (exposition). Vitale et coll., 2023.
Résultats des alcootests réalisés sur des étudiants vétérinaires volontaires pour procéder à une échographie abdominale équine en utilisant une solution alcoolique, et comparaison après analyse de variance à trois voies, de l'effet du type d'utilisation de l'éthanol, du volume utilisé et de la durée de la session (exposition). Vitale et coll., 2023.
 

« Il est recommandé [aux praticiens équins] d'attendre au moins 35 minutes avant de conduire, après la réalisation d'une échographie abdominale » sur un cheval suspect de coliques. Telle est la conclusion d'une étude italo-australienne qui s'est penchée sur les risques d'inhalation de vapeurs d'éthanol, lors de l'usage d'une grande quantité de solution alcoolique, lorsque l'exploration est réalisée sur la totalité de l'abdomen (examen qui peut prendre de 3à à 60 minutes), dont le dernier auteur se nomme Breath…

Sur les étudiants

Le fait d'exhaler des vapeurs d'alcool après un usage de plus de 5 à 10 minutes de gel hydro-alcoolique est déjà connu, et conduit à recommander d'attendre 5 à 10 minutes après un tel usage, mais qu'en est-il pour l'alcool utilisé en échographie équine, et plus particulièrement lors des examens prolongés ? L'hypothèse des auteurs était qu'il en serait de même : l'exposition prolongée fournirait des « faux-positifs »… Ils ont donc bâti un protocole faisant appel à six volontaires : cinq étudiantes et un étudiant vétérinaires de 4e et 5e années de la faculté vétérinaire de Pise, et une jument. Les étudiants « étaient en bonne santé et déclaraient une consommation moyenne de 0 à 2 verres par semaine ». Le protocole leur imposait de ne pas consommer d'alcool sur les 24 h précédent l'expérience. Pour éviter une exposition excessive de la jument à l'alcool, une seule échographie était réalisée par jour.

Jet ou pulvérisation

L'échographie était réalisée le matin, dans une salle de 35 m2, close pendant l'examen et aérée juste après (et la jument immédiatement sortie de la pièce). La température ambiante pendant l'examen était de 21° C. Chaque étudiant réalisait six échographies : deux de 10 et 30 et 60 minutes. Pour la première, la solution alcoolique (90 % d'éthanol) était appliquée sur la peau à partir d'une fiole ; pour la seconde, elle était pulvérisée sur la peau. L'ordre dans lequel ces procédures était réalisé était tiré au sort, et il y avait 24 h de délai minimum entre deux échographies par un même étudiant. La quantité de solution alcoolique à utiliser n'était pas imposée, mais elle était enregistrée. Les auteurs ont a posteriori considéré trois catégories : les sessions ayant utilisé moins de 300 ml d'alcool, celles ayant utilisé 300 à 1 000 ml et celles dépassant 1 l (il y a eu de 100 à 2 500 ml utilisés par session, avec une médiane à 500 ml). Enfin, chaque échographie devait permettre la « visualisation du rein gauche, de la rate, de la région inguinale, de l'estomac et du foie du côté gauche et du cæcum, du rein droit, de la région inguinale, du côlon dorsal droit, du duodénum et du foie du côté droit ».

Limite légale

Les étudiants se soumettaient à la fin de l'échographie à l'alcootest (réalisé par un analyseur d'haleine à infra-rouge homologué en Europe), puis toutes les 5 minutes jusqu'à ce que le résultat soit négatif. « Le test d'alcoolémie a été effectué dans la même salle d'examen, devant la porte ouverte, afin de permettre la circulation de l'air et éviter que les différences de conditions météorologiques et de température ambiante d'un jour à l'autre n'influent sur les résultats du test ». Trois types de résultats étaient possibles :

  • Vert, correspondant à une concentration inférieure à 0,019 g/100 ml ;
  • Orange, pour une concentration allant de 0,019 à 0,05 g/100 ml (cette dernière borne étant la limite légale pour conduire) ;
  • Rouge, pour une concentration supérieure à 0,05 g/100 ml.

7,5 minutes pour repasser à l'orange

Les auteurs expriment les résultats de l'étude par rapport aux 36 sessions : à T0, moment de l'arrêt de la session d'échographie, il y avait 17 % de résultats verts, 53 % de résultats orange et 30 % de résultats rouges. Ainsi, « cette étude est la première à montrer qu'une personne peut obtenir un résultat positif à un alcootest après avoir effectué une échographie abdominale sur des chevaux ». Le temps nécessaire à obtenir un résultat négatif (vert) allait de 0 à 60 minutes selon les cas (orange et rouge), avec une valeur médiane de 7,5 minutes. Pour les personnes au-dessus de la valeur légale, plus de la moitié des résultats étaient repassés à l'orange dans les 5 minutes, mais pour une session cela a pris 35 minutes. Par analyse de variance, les auteurs calculent que le mode d'utilisation de la solution alcoolique (au jet au par pulvérisation) comme la durée de la session ne jouent pas un rôle significatif. Sans surprise, le seul facteur significatif est la quantité de solution alcoolique utilisée (voir l'illustration principale).

15 minutes ne suffisent pas toujours

Les auteurs soulignent que le phénomène est connu pour l'exposition professionnelle à des gels hydro-alcooliques, voire à des bains de bouche avec des solutions antiseptiques contenant de l'alcool. C'est pourquoi « les agents des forces de l'ordre sont formés pour permettre une période d'observation de 15 minutes, qui dissipe toute contamination potentielle [par exposition]. Cependant, dans certains de scénarios [de la présente étude], ce délai n'aurait pas été suffisant. En effet, des résultats positifs ont été mesurés, pendant une période assez longue, en particulier lorsque plus d'un litre d'éthanol a été utilisé » pour l'échographie (toutes les sessions au-dessus de cette consommation ont fourni un résultat positif à T0). Les auteurs argumentent d'ailleurs que « les urgences peuvent survenir à toute heure du jour ou de la nuit, il est donc possible qu'un praticien équin soit arrêté à un contrôle de police pour un test d'alcoolémie après s'être occupé d'un cheval souffrant de coliques et avoir effectué une échographie abdominale »… Et qu'il « ne soit probablement pas conscient des effets secondaires possibles associés à la procédure ». Toutefois, les conditions de terrain ne sont pas forcément les mêmes (ventilation, température, etc.) que celles de cet essai… Et l'alcool est métabolisé plus rapidement lorsqu'il est consommé pendant la soirée que le matin, et « il est possible que la même étude conduite en soirée n'ait pas fourni les mêmes résultats ». Le protocole ne prévoyant pas de prise de sang, il n'est pas possible d'affirmer si ces positivités reflètent une réelle alcoolémie, même si c'est attendu pour certaines des sessions les plus longues.