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Elanco & Proplan

22 décembre 2025

Le pica, un signe d'appel d'une entéropathie chronique chez les chiens et les chats

par Pascale Pibot

Temps de lecture  5 min

Manger de la terre, des cailloux, peut être un comportement anormal d'origine médicale, secondaire à une entéropathie chronique (cliché Pixabay).
Manger de la terre, des cailloux, peut être un comportement anormal d'origine médicale, secondaire à une entéropathie chronique (cliché Pixabay).
 

Comportement et santé digestive sont intimement liés. Si l'ingestion à répétition de corps étrangers renvoie parfois à un trouble comportemental (par exemple quand l'animal ne vit pas dans un environnement conforme à ses besoins), un comportement de léchage compulsif ou de pica récidivant peut aussi traduire l'existence d'une douleur digestive chronique.

Une étude rétrospective sur 106 chiens et chats adultes

Une étude rétrospective a été menée dans le but d'objectiver le lien entre pica et présence d'une entéropathie chronique, définie par les auteurs comme la présence de signes digestifs (diarrhée, vomissements, perte d'appétit et de poids) persistants ou récurrents depuis plus de 3 semaines.

L'étude a porté sur les dossiers médicaux de 133 chiens ou chats présentés dans un hôpital vétérinaire américain (BluePearl Pet Hospital) entre janvier 2018 et août 2024, afin d'extraire un corps étranger gastrique.

  • Parmi eux, un groupe de 106 animaux a été retenu (groupe 1), composé d'individus ne présentant aucun des facteurs de risque classiquement associés au pica : jeune âge (< 2 ans), anémie, endocrinopathie pouvant augmenter l'appétit, traitement par des corticostéroïdes ou par un stimulant de l'appétit. L'âge médian des chiens était de 8 ans (2 à 17 ans) et celui des chats de 6 ans (2 à 17 ans).
  • Un sous-groupe de 41 animaux (groupe 2) a été distingué au sein du premier, comprenant les 32 chiens et 9 chats pour lesquels des biopsies gastriques et duodénales avaient été réalisées lors de l'intervention, accompagnées d'une analyse de sang (numération formule, hématocrite et bilan biochimique).

Des signes digestifs chroniques dans 2 cas sur 3

La récurrence de signes digestifs avant l'intervention a été notée chez 66 % des animaux du groupe 1 (70/106) et chez tous les animaux du groupe 2. Chez ces derniers, la récurrence des symptômes avait probablement incité les propriétaires à accepter la réalisation de biopsies gastro-intestinales.

Au sein du groupe 2, 27 % des animaux présentaient plus d'un signe clinique chronique :

  • 50 % des animaux avaient déjà présenté du pica,
  • 24 % des vomissements chroniques,
  • 34 % une perte de poids,
  • 12 % une diarrhée chronique,
  • et 10 % des signes de reflux gastro-œsophagien.

Inflammation digestive de type lymphoplasmocytaire

Dans le groupe 2, des modifications histologiques compatibles avec une entéropathie chronique étaient présentes dans 100 % des cas, tandis qu'une gastrite chronique était observée dans 80 % des cas. Le fait que 20 % des chiens et des chats présentaient des lésions du duodénum et non de l'estomac va à l'encontre de l'hypothèse que l'inflammation puisse être (seulement) due à la présence du corps étranger gastrique.

De plus, la plupart des chiens et des chats présentaient des modifications inflammatoires gastriques légères et des modifications inflammatoires duodénales légères à modérées. La gravité de l'inflammation gastrique ou duodénale n'était pas significativement associée au nombre d'épisodes antérieurs de pica.

L'inflammation était majoritairement de type lymphoplasmocytaire et le pourcentage de chiens et de chats présentant ce type d'inflammation était similaire (respectivement 59 et 56 %).

Une association significative a été observée entre les épisodes de pica et le type d'inflammation :

  • 80 % des animaux présentant une gastrite lymphoplasmocytaire avaient des antécédents de pica, versus 14 % de ceux présentant des infiltrats cellulaires mixtes ;
  • 83 % des animaux présentant une entérite lymphoplasmocytaire avaient déjà présenté des épisodes de pica, vs 53 % de ceux présentant une inflammation mixte.

Helicobacter aggraverait l'inflammation gastrique

Il est admis que la présence de la bactérie spirochète Helicobacter spp. dans les cryptes de la muqueuse gastrique peut être associée à des signes cliniques d'entéropathie chronique. La présence éventuelle de cette bactérie a donc été recherchée chez tous les animaux ayant fait l'objets d'examens histopathologiques (groupe 2).

Helicobacter a effectivement été identifiée chez 49 % des animaux : en faible quantité dans 60 % des cas, en quantité modérée dans 10 % et en quantité importante dans 30 %. Il n'y avait pas d'association significative entre l'importance de la contamination et le nombre d'épisodes de pica antérieurs, mais la charge infectieuse était positivement associée à la gravité de l'inflammation gastrique.

Le traitement de l'infection par Helicobacter spp doit donc être envisagé lorsque la bactérie est identifiée chez des animaux présentant du pica.

Intérêt d'un traitement anti-inflammatoire ?

Parmi les animaux ayant été opérés pour extraire un corps étranger gastrique, 9 chiens et 3 chats ont ensuite été traités par le budésonide (à la dose de 3 mg/m2) afin de de contrôler l'inflammation gastro-intestinale et de limiter le risque de récidive du pica. Les propriétaires des autres animaux n'ont pas souhaité réaliser ce traitement.

Une résolution partielle voire complète du pica et des autres signes d'entéropathie chronique a été observée chez 83 % des animaux traités, en moyenne 14 mois après le début du traitement mais la fourchette allait de 1 à 48 mois.

Ce succès thérapeutique doit cependant être interprété avec prudence car la conception de l'étude ne permettait pas de réellement évaluer l'efficacité de ce traitement. D'autre part, divers médicaments ont été prescrits en parallèle, notamment le maropitant, le cisapride, l'oméprazole, le métronidazole ou le sucralfate, qui ont pu contribuer à cette amélioration.

Rechercher une entéropathie chronique en cas de pica

Les auteurs de cette étude concluent que le pica peut être considéré comme un signe d'appel d'une éventuelle entéropathie chronique, et que cette hypothèse doit être envisagée chez un animal adulte présentant du pica.

La réalisation de biopsies gastro-intestinales est fortement recommandée lorsque l'animal a déjà exprimé plusieurs épisodes de pica et que d'autres signes cliniques d'entéropathie chronique sont présents. Une biopsie sera systématiquement réalisée s'il faut intervenir chirurgicalement pour extraire un corps étranger dans l'estomac.

La détection et le traitement précoce d'une entéropathie chronique pourront aider à limiter les récidives de pica et donc le risque d'obstruction digestive par un corps étranger. Cette prise en charge est favorable à la santé du chien et contribuera à limiter le coût des soins ultérieurs pour le propriétaire !